Les sondages sont morts… vive les sondages! Reviewed by Pierre Descarie, Passages Marketing Inc on . Lors de l'élection présidentielle américaine de 1936, un sondage Gallup annonça Roosevelt gagnant en sondant 5000 Américains. Pour sa part le magazine Literary Lors de l'élection présidentielle américaine de 1936, un sondage Gallup annonça Roosevelt gagnant en sondant 5000 Américains. Pour sa part le magazine Literary Rating: 0

Les sondages sont morts… vive les sondages!

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sondageLors de l’élection présidentielle américaine de 1936, un sondage Gallup annonça Roosevelt gagnant en sondant 5000 Américains. Pour sa part le magazine Literary Digest sonda 2 millions d’Américains et déclara le républicain Landon gagnant. On connait la suite: Gallup avait vu juste, avec un échantillon 400 fois plus petit, mais mieux ciblé et plus représentatif de la population américaine. Malgré sa taille imposante, l’échantillon des résultats de Literary Digest était constitué de répondants plus aisés financièrement, donc plus pro-républicains. (L’événement marque symboliquement la prise de conscience, dans l’industrie du sondage, de l’importance de l’échantillon et de sa représentativité).

Ainsi pour nous permettre d’extrapoler à l’ensemble de population visée, il est nécessaire d’obtenir un échantillon représentatif où chaque répondant de la population à une chance égale d’être choisi au hasard pour répondre au sondage. C’est ce qui nous permet d’obtenir une marge d’erreur statiquement significative (le fameux la marge d’erreur maximale est de x% 19 fois sur 20 ). Le défi de l’industrie a donc longtemps résidé dans la représentativité et dans la chance égale d’être sélectionné. Qu’en est-il aujourd’hui? Est-il encore possible d’obtenir un tel échantillon pour des sondages d’opinion publique? Car l’industrie des sondages doit maintenant faire face aux réalités suivantes :

  • Les sondages téléphoniques obtiennent des taux de réponse de 20 %; il y a dix ans, nous considérions problématique la représentativité lorsque ce taux était sous le seuil des 60 % !!!
  • les sondages en ligne sont dans la majorité des cas complétés sur une base volontaire (le répondant s’inscrit à un panel), donc les gens qui ne sont pas intéressés par les sondages n’ont aucune chance d’être sondés. De plus, « seulement » 75 % des Canadiens sont « branchés » à Internet.
  • Les entrevues en face à face ont un biais énorme à cause de la localisation de l’entrevue

Ainsi, si on suit la théorie, pour les sondages d’opinion publique, il est presque impossible d’avoir un échantillon représentatif de l’ensemble de la population où chaque répondant a une chance égale d’être sélectionné. Et donc, la marge d’erreur dont on parle encore, peut-être trop souvent sans en questionner l’habitude, ne s’applique plus.
Il est donc difficile de prouver mathématiquement la validité scientifique des résultats d’un sondage d’opinion publique selon ce modèle théorique (qu’on appelle, dans le jargon, un échantillon probabiliste). Les sondages politiques pourraient être un bon baromètre pour évaluer l’exactitude des sondages auprès de l’ensemble de la population, en comparant les sondages avec les résultats électoraux, mais les écarts pourraient s’expliquer par d’autres facteurs que la marge d’erreur (par exemple la prime à l’urne).

Face à cette difficulté d’obtenir un résultat scientifiquement représentatif de l’ensemble de population, et si la marge d’erreur ne peut être théoriquement utilisée, est-ce qu’on arrête alors tout simplement de faire des sondages? À moins de fermer toutes les firmes de recherche en marketing, et de renoncer à l’information stratégique qu’on peut quand même en tirer, la réponse est évidemment non!

Voici quelques suggestions pour remédier à cette difficulté :

  • Forcer la représentativité pour les sondages en ligne . Si on sait qu’environ 25% de la population n’est pas branchée, on connait en revanche son profil sociodémographique. En amont de la collecte, on peut construire une base échantillonale qui assure une bonne représentativité de ces caractéristiques, au niveau de l’âge, du sexe, du revenu, de la région, des habitudes de consommations, etc. En aval, on peut pondérer les résultats en fonction de ces mêmes données.
  • Segmenter les populations sondées. Dans les petits échantillons, les meilleurs onguents! La stratégie communicationnelle et le marketing ciblent de plus en plus vers le « micro » plutôt que vers le « macro ». On peut appliquer la même logique aux sondages en ciblant des petits groupes de répondants ayant des caractéristiques communes sans à chercher des résultats qu’on peut extrapoler à des grands ensembles de la population.
  • Reconnaître la valeur de résultats non représentatifs: même s’ils ne représentent pas l’ensemble de la population, les sondages en ligne permettent de débusquer de l’information, d’explorer, d’aller chercher de l’ « insight », de recueillir des perceptions, d’observer, de mesurer des tendances. On peut en extraire de l’information et de la connaissance cruciale.

En conclusion, ce n’est pas parce que les sondages probabilistes classiques s’étiolent qu’on ne peut plus bien sonder. Et lorsque vous serez confronté à des résultats d’une étude, demandez-vous si l’échantillon de base était représentatif, ou représentatif de qui! En passant les sondages de type « question du jour » abondamment utilisé dans les médias, ne le sont pas de l’ensemble de la population! Ils le sont des internautes, qui entre deux articles, voyant la question, ont eu le temps, ET l’intérêt pour le sujet suffisants pour investir une minute pour y répondre

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