La responsabilité des commentaires des internautes remise en question
Par François Nadeau
Le 16 juin dernier, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) tranchait que le portail d’actualité estonien Delfi était directement responsable des commentaires injurieux émis par certains internautes suite à un de ses articles.
Cette affaire a débuté en 2006, alors que le portail d’information avait publié un article sur les déboires d’une entreprise. À la suite de celui-ci, plusieurs commentaires désobligeants et injurieux ont été publiés par les lecteurs.
L’entreprise en question a ensuite poursuivi Delfi, qui a été condamnée à payer une amende de 320 euros. L’affaire a ensuite été contestée pour finalement en arriver au jugement le plus récent de la CEDH.
Même si cette affaire se passe loin de chez nous, elle amène certains journalistes et juristes à s’inquiéter de ses effets sur la liberté d’expression.
La responsabilité aux auteurs
Au Québec, la plupart des grands sites d’informations indiquent dans leurs politiques que tout contenu publié par les internautes devient la responsabilité de ces derniers.
Toutefois, en 2010, le portail Canoë avait été condamné à verser 107 000$ à l’avocate Susan Corriveau en raison de propos diffamatoires rédigés par des internautes suite à un article de Richard Martineau. La juge chargée de l’affaire soulignait alors que les propos diffamatoires étaient restés en ligne durant une période de six mois et qu’elle regrette «la négligence grossière de Canoë de vérifier et de supprimer de son site les messages à teneur diffamatoire».
Est-ce que ce genre d’histoire, tant en Europe qu’au Québec, pourrait rendre les modérateurs frileux et les amener à la censure au moindre soupçon de contenu matière à poursuite ?
Pour l’instant, il semble en falloir beaucoup pour qu’on décide de ne pas publier un commentaire. Si tout propos violent et menaçant est censuré, il reste qu’il est permis de dénigrer et d’insulter à outrance sur le Web.
Conséquemment, les débats en ligne, où plusieurs n’osent plus s’aventurer, souffrent de ce ton agressif sur lequel ils sont trop souvent menés.