DOSSIER: regards sur les musées à l’ère numérique. 1- Intégration de la technologie aux expositions
Par Olivier Lefebvre
Société des musées du Québec (SMQ) a convié ses membres, en juin dernier à la Société des arts numériques (SAT), à une importante réflexion concernant Les musées à l’ère numérique dans le cadre du printemps numérique. La journée, organisée au quart de tour, a permis aux travailleurs de musées de partager leurs bons coups en plus de définir les problèmes et les dilemmes auxquels ils font face en matière de technologies numériques. La rencontre était animée par Jean-Hugues Roy, professeur à l’École des médias de l’UQAM et ex-journaliste à la Société Radio-Canada. Trois textes sont ressortis de ce remue-méninges: 1- Intégration de la technologie aux expositions; 2- Les musées et le Web social; 3- Expositions virtuelles et contenu Web.
1- INTÉGRATION DE LA TECHNOLOGIE AUX EXPOSITIONS
Le guide audio est dépassé. La démocratisation des téléphones intelligents et l’avènement massif des tablettes tactiles offrent aujourd’hui une multitude de possibilités pour rehausser l’expérience muséale. Offrir une solution simple et agréable au visiteur demande aujourd’hui une réflexion importante mais nécessaire.
Bien sûr, les budgets varient d’une institution à l’autre… mais beaucoup d’autres variables doivent être prises en compte lors de l’élaboration d’une stratégie. Au terme de discussions animées, les professionnels du milieu en sont venus à un constat général: le numérique doit être une complémentarité à la présence physique. Il s’agit d’un outil qui doit absolument reposer sur un contenu fort et original.
Le point de vue des panélistes
L’expérience numérique personnelle ne doit pas seulement aller dans un sens, croit Nancy Proctor, directrice adjointe de l’expérience numérique au Baltimore Museum of Art. Avec ces plateformes, il est important d’encourager le public à la discussion pour éviter que la technologie ne brise les rapports humains.
De son côté, Ana-Laura Baz, chargée de projets numériques aux Musées de la civilisation, prône un développement d’applications mobiles dans le but de créer une expérience bonifiée pour les visiteurs. Par exemple, produire des déclenchements dans la salle, la chasse d’images ou d’objets pour en faire une expérience collaborative. Fait intéressant: selon ses statistiques, lorsqu’une application mobile est utilisée, la durée des visites est considérablement allongée. La durée totale de la visite se voit souvent doublée et même triplée, notamment chez les enfants en bas âge.
Samuel Bausson, webmestre aux Champs libres de France rappelle, quant à lui, l’importance d’instaurer un éco-système qui permet de faire fonctionner le musée d’une façon durable en prônant la logique participative. Pour illustrer son propos, il prend pour exemple les bibliothèques de rues présentes à Montréal. Le concept est simple: le passant peut choisir de prendre ou de laisser un livre au suivant. En adoptant cette idée au numérique, le musée pourrait s’imprégner et s’enrichir du passage de ses visiteurs.
De la conservation à la médiation
Parallèlement à l’avènement des technologies, les professionnels des musées remarquent que le rôle de l’institution n’est plus seulement lié à la conservation d’oeuvres, mais davantage à la médiation. Pour plusieurs, c’est par la technologie que ce nouveau mandat doit et peut être relevé. Par contre, il ne faut pas intégrer de la technologie dans les expositions seulement pour faire tendance, préviennent le panélistes. Le besoins doivent être évalués à priori. Aussi, il est important de se rappeler que ce n’est pas parce qu’une application est téléchargée qu’elle est vraiment utilisée.
Il est facile de tomber dans le panneau du copier-coller sur toutes les plateformes, explique Dominique Gélinas, doctorante au Laboratoire de muséologie et d’ingénierie de la culture (LAMIC) de l’Université Laval. Elle souligne plutôt que l’information disponible sur une surface numérique doit être complémentaire à celle en salle pour pouvoir se distinguer. La doctorante a travaillé sur la revitalisation de l’exposition de la Maison Chapais à St-Denis-de-la-Bouteillerie. Auparavant, cette maison était seulement animée par des comédiens. Aujourd’hui, les visiteurs peuvent numériser la maison avec un iPad et, du même coup, en apprendre plus sur l’histoire du pays. «Nous sommes sortis du carcan de la maison pour offrir un complément d’information grâce aux technologies de l’information», résume Dominique Gélinas.
Information pour emporter
Gaëlle Lesaffre est chargée d’études indépendante associée au Centre Norbert Elias en France. Présentement à effectuer une recherche pour le compte du réputé Musée du Louvre, elle a remarqué que les visiteurs ressentent souvent le besoin d’obtenir des informations complémentaires durant leur visite. Ainsi, ils s’attendent à ce que le musée leur apporte des pistes pour interpréter les oeuvres sur place. La confiance envers les musées est alors transposée dans le monde virtuel. Mais attention, souvent les personnes les plus à l’aise avec la technologie sont déçues par les bogues ou les fonctions trop restrictives. Il faut donc être capable de s’ajuster.
Pour Carole Pauzé, directrice de la programmation au Centre des sciences de Montréal, il est essentiel d’assurer une continuité une fois l’expérience muséale terminée. Par exemple, le visiteur doit être en mesure de partager son expérience sur les réseaux sociaux ou de s’envoyer de l’information colligée durant la visite. Elle souligne également toute la richesse d’information qui peut être recueillie à l’aide des applications qui s’intéressent aux comportements des visiteurs durant la visite. Ces informations peuvent être très utiles pour perfectionner et comprendre comment les visiteurs réagissent face à l’exposition.
Coups de coeur des pros pour les « apps »
- Nancy Proctor craque pour l’application Scapes, utilisée en complémentarité avec l’installation sonore de Halsey Burgun exposée au DeCordova Sculpture Park and Museum à Lincoln aux États-Unis.
- Ana-Laura Baz tombe pour DMA Friends, une plateforme web qui permet au Dallas Museum of Art de recueillir des données de son réseau d’abonnés en échange d’une entrée gratuite.
- Samuel Bausson est charmé par l’initiative #atNGA qui permet une co-médiation entre les adolescents et le musée. L’exposition interpelle et pose des questions aux visiteurs, qui ensuite, répondent en publiant leur réponse sur les médias sociaux.