Droit sur Internet: de la nécessité d’encadrer un monde sans frontières
Internet est un univers à part, où les frontières sont abolies et où il est simple et rapide d’échanger avec le monde entier. Mais ce n’est pas pour autant que c’est en espace sans droits: des règles entourent bel et bien les transactions qui y sont faites.
Et c’est ce que Michel Solis, avocat spécialisé en TI, a démontré lors de sa conférence à La Toile des Communicateurs, le 1er juin dernier.
Internet est trop important, trop grand pour fonctionner sans loi. Au début, on pensait que ce serait un lieu communautaire, où le commerce serait exclu. Force est de constater que c’est devenu un endroit où se passent de nombreuses transactions, c’est donc normal et naturel que des règles soient apparues», affirme Michel Solis.
Sauf que voilà: sur Internet, les contrats sont souvent longs à lire et dans ce contexte d’instantanéité, peu de gens prennent le temps de s’attarder dessus. Résultat: il est commun d’accepter des choses auxquelles on n’aurait certainement pas adhéré si on avait pris le temps de lire les conditions (on parle de 3 à 4 semaines de lecture non-stop pour lire l’ensemble des conditions auxquelles on adhère sur un an).
M. Solis donne notamment l’exemple de la licence de Google, que toutes les personnes disposant d’un compte Gmail ont accepté (donc nous sommes nombreux dans ce cas):
«Lorsque vous importez, soumettez, stockez, envoyez ou recevez des contenus à ou à travers de nos services, vous accordez à Google (et à toute personne travaillant avec Google) une licence, dans le monde entier, d’utilisation, d’hébergement, de stockage, de reproduction, de modification, de création d’oeuvres dérivées (des traductions, des adaptations ou d’autres modifications destinées à améliorer le fonctionnement de vos contenus par le biais de nos Services), de communication, de publication, de représentation publique, d’affichage publique ou de distribution publique desdits contenus».
Cette phrase à rallonge vous décourage, et vous préférez la lire en diagonale? Sachez pourtant qu’en substance, elle donne le droit à Google d’utiliser, en tout temps et sans vous avertir, vos courriels à des fins commerciales ou publicitaires. Ce n’est pas rien.
Google n’est pas la seule entreprise à imposer des clauses qui vont assez loin. Parmi les plus répandues, et que la majorité d’entre nous accepte régulièrement, on trouve notamment: «Nous nous réservons le droit de modifier occasionnellement nos Services» ou encore «Nous pouvons modifier le présent contrat à tout moment en publiant une version révisé du contrat sur le portail OU en vous avisant».
Microsoft y va aussi de son: «Nous ne divulguerons pas les données clients, d’administration, de paiement ni les données d’assistance en dehors de Microsoft ou ses filiales ou affiliés contrôlés»: étant donnée la taille de l’entreprise et le nombre de ses filiales, ça fait tout de même du monde…
En ligne, même si on peut acheter à n’importe qui dans le monde, les frontières juridiques existent encore, et le droit demeure national.
Finalement, les transactions en ligne sont régies de la même façon que celles réalisées dans la ‘vie réelle’. La seule différence, c’est qu’elles sont beaucoup plus nombreuses et exécutées bien plus facilement sur Internet», confirme Michel Solis.
Au Québec, c’est le droit de la Province qui s’applique. Selon notre Code civil, un contrat se forme suite à un échange de consentements: « […] Le Contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter […]». Concrètement, une personne fait une offre, l’autre partie l’accepte, on a un contrat.
Sauf que voilà: parfois, notre volonté d’accepter n’est pas évidente. Par exemple, vous ne voyez pas un panneau vous interdisant de stationner, et pourtant en garant votre auto vous avez, selon la loi, implicitement accepté le contrat.
Par ailleurs, celui-ci est formé aussitôt que l’acceptation est reçue, quel que soit le support utilisé pour communiquer cette acceptation. Ce que l’on écrit sur Facebook, par exemple, a donc la même valeur juridique qu’une affiche que l’on irait coller sur un mur visible de tous.
Ce que vous dites sur les réseaux sociaux vous lient, donc soyez très prudents avant de publier quoique ce soit», alerte Michel Solis.
Évidemment, la qualité du consentement est prise en compte, selon la nature de la transaction: un hochement de tête à votre collègue qui propose de vous ramener un café n’a pas la même valeur ni le même impact que s’il s’agit d’un contrat visant à protéger vos renseignements personnels. La loi québécoise demande, dans ces cas-là, un consentement plus précis.
Il peut sembler difficile d’appliquer le droit sur Internet, mais c’est une nécessité. Et comme dans la ‘vie réelle’, il vaut toujours mieux s’entendre avant de conclure un contrat avec un tiers: le prix à payer en cas de litige est trop élevé pour ne pas y prêter attention», conclut Michel Solis.
Dominique Ferrand
Madame Le Bourdon,
Votre assertion: »Sauf que voilà: parfois, notre volonté d’accepter n’est pas évidente. Par exemple, vous ne voyez pas un panneau vous interdisant de stationner, et pourtant en garant votre auto vous avez, selon la loi, implicitement accepté le contrat » ne s’applique que pour un terrain privé. S’il s’agit d’une voie publique, c’est tout simplement une infraction. Bonne journée. DF