Le modèle fascinant des jeux freemium
Par François Nadeau
Le modèle freemium ne date pas d’hier. Celui-ci consiste à offrir parallèlement une version gratuite mais limitée d’un produit ainsi qu’une version payante.
Certains fournisseurs d’Internet, comme NetZero, offraient jadis ce modèle, proposant une dizaine d’heures gratuites de connexion chaque mois, en échange de publicités s’affichant dans le navigateur. Pour obtenir une connexion sans publicité et illimitée, il fallait payer.
Aujourd’hui, le concept refait surface avec plusieurs des jeux vidéos les plus populaires de la planète.
Le plus populaire en 2013 et encore aujourd’hui est certes Candy Crush, avec ses centaines de millions de joueurs, mais aussi de dollars en profits.
Le modèle d’affaire est assez simple. Gratuit au départ, les jeux freemium peuvent en théorie être joués du début à la fin gratuitement. Toutefois, l’option de payer est omniprésente. Payer pour acheter des vies, acheter du temps, des crédits, des pièces d’or, des beignes, bref, payer pour une expérience de jeu supérieure. Pour les jeux offerts sur iPad ou iPhone, par exemple, le paiement est simple, rapide et sécuritaire à travers le Apple Store.
Dans les premiers jours, des possibilités de jeux semblables à celles qu’on peut expérimenter en payant sont souvent offertes aux joueurs. Ensuite, il faut sortir sa carte de crédit pour avoir droit aux mêmes privilèges.
Le Big Data au service des concepteurs
Ce qui est fascinant à propos des concepteurs de ces jeux est la façon dont ils améliorent leur produit et augmente leurs revenus à partir de différentes sources de données récoltées.
D’abord, les médias sociaux deviennent une mine d’or d’information.
À titre d’exemple, la page Facebook du jeu Hay Day, de SuperCell, compte près de 3 millions de fans, et le compte Twitter près de 30 000 abonnés.
Environ à tous les deux mois, Hay Day offre une mise à jour majeure. Celle-ci amène de nouvelles possibilités, histoire de garder les joueurs fidèles, mais aussi des améliorations de base, inspirées notamment des commentaires laissés par les joueurs sur les différents réseaux sociaux.
L’autre point fascinant à propos du côté analytique des jeux freemium est la collecte des données tirées directement du comportement des joueurs.
Plusieurs statistiques sont récoltées, comme le taux de rétention ou encore le temps moyen avant qu’un joueur paye pour un contenu à valeur ajoutée. Dans ce dernier cas, si le temps de jeu moyen sans payer est de 10 jours, au onzième jour, une offre promotionnelle peut être envoyée au joueur pour l’inciter à passer à la caisse. L’effet de ces offres promotionnelles sur l’achat devient ensuite une autre variable à analyser.
Le défi est grand pour les concepteurs, qui doivent d’abord fidéliser leurs utilisateurs, et les garder motivés assez longtemps pour que ceux-ci deviennent des joueurs payants. Le niveau de difficulté doit être juste assez élevé pour ne pas les décourager, et les mises à jour assez fréquentes pour garder l’intérêt. Car si certains joueurs n’hésitent pas à payer dès les premiers jours, d’autres peuvent prendre des mois à le faire.
Dans le cas de Candy Crush, moins de 5 % des joueurs paieraient pour jouer, et 70 % des joueurs ayant atteint le dernier niveau n’auraient jamais payé un sou. D’autres chiffres intéressants montrent qu’en bout de ligne, une poignée de gros joueurs rapporte la plus grande part des profits.
Il reste donc un grand potentiel de développement pour les concepteurs.
Comme toute nouveauté, les jeux freemium amènent leur lot de controverse. La Commission européenne vient de demander aux éditeurs plus de transparence quant aux coûts réels de leur produit. Et plus tôt cette année, Apple s’est engagé à rembourser plus de 37 000 clients dont les enfants avaient fait des achats sans consentement. S’ajoute à cela les cas de dépendance de certains joueurs, qui dépensent des fortunes.
Malgré tout, ce modèle, qu’a favorisé la montée en popularité des réseaux sociaux, du mobile, ainsi que la capacité grandissante des organisations à traiter des volumes de données importants, risque de continuer à prendre de l’ampleur.