Le virage numérique de La Presse : étude de cas avec Pierre Arthur, directeur principal à la recherche et au marketing du quotidien
Le 4 juin 2015 – La douzième saison des Soirées des Grands Communicateurs, organisée par la TÉLUQ et La Toile des Communicateurs, s’est achevée mercredi soir avec une conférence donnée par Pierre Arthur, le directeur principal à la recherche et au marketing du quotidien La Presse. Au programme: une étude du cas de La Presse+, une application novatrice qui a su conquérir le lectorat québécois.
L’application gratuite La Presse+ est une édition numérique de La Presse, qui «présente l’actualité autrement». Véritable succès depuis son lancement en avril 2013, sa mise en place a nécessité pas moins de 3 ans de travaux en recherche et développement, notamment avec HEC Montréal, et a représenté un investissement de 40 millions de dollars.
La nécessité de trouver un nouveau modèle d’affaires pérenne
«En quelques années, du fait du numérique et des nouvelles technologies, le monde a changé, les citoyens ont changé, les moyens de s’informer ont changé. Il était grand temps que les quotidiens suivent la tendance», explique Pierre Arthur.
Et d’évoquer la baisse des revenus comme motivation à évoluer : «les revenus des quotidiens américains – et croyez-moi, c’est exactement la même chose au Canada – sont passés en peu de temps de 50 milliards de dollars à un peu plus de 20 milliards. Le nombre de lecteurs diminue également, avec une chute importante dans la cohorte des 16-45 ans. Certains quotidiens ont même annoncé leur propre mort! Il nous fallait trouver un nouveau modèle d’affaire pérenne».
C’est ainsi que dès 2010, La Presse a commencé à amorcer son changement, avec La Presse+ en ligne de mire. La création du nouveau logo, carré, moderne, a représenté le fer de lance de ce mouvement.
Un chantier technologique et structurelÂ
«La marque La Presse bénéficiait déjà d’un bon potentiel : entre la version imprimée, le site Web et l’application mobile, nous occupions déjà une bonne partie du marché des lecteurs tout au long de la journée, sauf le soir. Le projet de La Presse+ visait à combler ce creux. Nous avons décidé de créer une application pour tablette car différentes études ont démontré que la grande majorité de nos lecteurs en avaient une, et que, d’une manière plus générale, près de 2,5 millions de ménages québécois allaient en avoir une dans les prochaines années», précise M. Arthur.
Ainsi, pour sortir La Presse+, les équipes du quotidien ont procédé à un véritable chantier d’un point de vue aussi bien technique qu’organisationnel : non seulement elles ont mis au point une technologie spécifique, propre à l’application et qui répond aux besoins de leurs lecteurs, mais elles ont aussi arrêté de travailler en silos afin de restructurer complètement l’entreprise.
«Nos journalistes sont devenus des réalisateurs d’informations. Leur métier est resté le même, puisque les gens veulent avant tout nous LIRE, mais les journalistes doivent aujourd’hui jouer avec de nouveaux outils de storytelling: photos, vidéos, cartes interactives, etc. À chaque étape de la création de La Presse+, nous avons mis le lecteur au centre de nos préoccupations : c’est son expérience qui a guidé l’ensemble de nos décisions», explique Pierre Arthur.
Une application gratuite sinon rien!Â
Un des pré-requis du lancement de l’application était que celle-ci soit gratuite. L’objective: en faire un média de masse (du moins, pour les personnes disposant d’une tablette). «La gratuité était inévitable, elle faisait partie intégrante du nouveau modèle d’affaires», affirme M. Arthur. De ce fait, l’expérience publicitaire a également été prise en compte, faisant l’objets d’études poussées pour connaître le potentiel d’engagement des lecteurs de La Presse+ (eye tracking etc.).
Plus de 450 000 lecteurs hebdomadaires
«Deux tiers de nos lecteurs consomment nos contenus seulement le matin, un quart seulement le soir, et 8% les deux. C’est une belle réussite quand on sait qu’il y a quelques années, nous étions complètement absents du créneau soirée», se félicite Pierre Arthur. «La Presse+ rejoint 450 000 personnes au Québec chaque semaine. Ces lecteurs, âgés de 25 à 54 ans, sont aussi bien des hommes que des femmes, ils sont actifs et représentent une audience de qualité pour les annonceurs», ajoute-t-il.
Fortes de ce succès, les équipes de La Presse ont récemment conclu une entente avec le Toronto Star pour l’élaboration d’une application, Star Touch, qui reprendra la technologie élaborée par La Presse. D’autres maisons d’éditions internationales sont intéressées par le concept : un virage numérique réussi, donc, pour La Presse !