Les Grandes Rencontres Créatives: de la nécessité de préserver les «weird» en entreprise
Le 26 août dernier se tenait, au Complexe Desjardins, une Grande Rencontre Créative sur le thème des employés «weird». On y était, on vous en parle.
Créées dans la droite ligne des CreativeMornings (un concept né il y a 4 ans à New York et exporté aujourd’hui dans 170 villes du monde), les Grandes Rencontres Créatives se veulent un lieu d’échanges et de partage entre la communauté créative et celle des affaires de Montréal.
Catherine Rousseau-Saine, directrice (bénévole, comme tous les autres membres de l’organisation) des partenariats aux CreativeMornings et hôte des Grandes Rencontres Créatives, explique:
Quand on sort d’une conférence CreativeMornings, on est clairement rempli d’une bonne énergie. C’est pourquoi l’équipe a eu envie de prolonger un peu cet état en organisant, dans la foulée de la conférence, des rencontres entre créatifs et gens d’affaires montréalais. L’idée est de sortir du réseautage classique, d’inviter ces personnes à s’asseoir autour d’une table et de leur proposer un sujet de discussion».
La première Grande Rencontre Créative avait pour thématique la gestion de la notion de risque et la seconde, à laquelle nous avons participé, concernait la valorisation de la différence en entreprise. Ce matin-là, on a donc parlé des employés dits «weird», ces recrues rebelles, anti-conformistes, originales, qui n’hésitent pas à remettre les certitudes en question.
Les créatifs présents étaient:
- Massimo Agostinelli, Maître bouffon, chorégraphe et conférencier #CMweird
- Michel Coupal, professeur à l’UQAM en didactique des mathématiques et conférencier #CMwork
- Chris Bergeron, directrice de création, contenus et expériences chez Cossette
- Federico Puebla, directeur innovation technologique et leader du Desjardins Lab
- Katy Yam, chef de service Marketing à LotoQuébec et coproductrice de TEDxMontréal
- Marika Laforest, chargée de projet, Plan culturel numérique chez Culture pour tous
Pas de formule magique
Sur les tables, des grandes feuilles de papier et des stylos de couleur. Autour d’elles: 25 personnes de tous horizons, prêts à échanger leurs points de vue sur la façon adéquate de gérer ces employés peu raisonnables.
Selon Catherine Rousseau-Saine, ces rencontres sont bénéfiques pour tous, quel que soit le profil:
Il s’agit d’une sorte de forum qui inspire les gens issus de milieux corporatifs traditionnels, et qui voudraient innover un peu dans le cadre de leur fonction. C’est également une bonne chose pour les créatifs de comprendre le quotidien de ces personnes».
Premier sujet de conversation: comment offrir un environnement et un encadrement propices à faire émerger les employés «weird»? Pendant une vingtaine de minutes, les discussions sont allées bon train, et un constat est ressorti: il n’existe pas de formule magique.
Mais à chaque table, on s’entend pour dire qu’il faut donner les moyens à ces personnalités décalées de s’exprimer, car en bousculant l’ordre établi, elles apportent de la créativité au sein de l’entreprise, une composante indissociable de l’innovation – facteur différenciant essentiel, par les temps qui courent.
Les participants s’accordent sur le fait que les gestionnaires ont tout intérêt à capitaliser sur leurs employés «weird», à accepter leur valeur ajoutée pour l’entreprise, même si elle s’exprime de façon inattendue, parfois intense. Ne pas les isoler ni les brimer sont des pré-requis: «si mon boss est trop encadrant, moi, ça me tue», déclare purement et simplement une des participantes.
La «weirdness» pour faire éviter le statu quo
Cependant, les employés «weird» doivent pouvoir argumenter pour défendre leur point de vue: ce n’est pas le tout de questionner les pratiques de l’entreprise, il faut savoir s’expliquer. Aux gestionnaires de guider leurs recrues en ce sens, de les coacher pour qu’ils apprennent à exprimer leurs pensées: «on ne peut pas juger la logique de quelqu’un si elle est bien attentionnée», affirme Michel Coupal.
Quoiqu’il en soit, les personnalités à contre-courant sont toujours bénéfiques à l’entreprise. Elles apportent une valeur ajoutée au collectif, et ce sont souvent elles qui prennent les risques nécessaires à faire évoluer l’organisation. Il faut donc les protéger, reconnaître ce qu’elles apportent à l’organisation, tout en «ordonnant» leur différence.
Deuxième sujet de conversation: en tant que «weird», comment faire passer ses idées? Pour bon nombre de personnes présentes se considérant comme décalées, il ne s’agit pas là d’un mince affaire: «il faut constamment faire des efforts», affirme l’une d’elles.
Mais une chose est sûre: leurs idées, elles y croient, et elles n’attendent donc pas d’avoir la permission de les exprimer: elles prennent la permission.
Et ce n’est pas toujours simple, d’autant plus que, selon Chris Bergeron, chaque entreprise a un peu «son weird de service», ce qui fait que lorsqu’un employé arrive avec une idée flyée, il doit assumer de la défendre en se positionnant comme tel… pas toujours aisé. «Pourquoi pas mélanger toutes les «weirdness» présentes dans l’entreprise?», s’interroge-t-elle.
Pour rendre la chose plus facile, certains participants se demandent si les employés un peu décalés ne devraient pas magasiner dans les entreprises où leur état d’esprit est accepté. Ce à quoi nombreux ont répondu que non! Au contraire, c’est la résistance, le challenge qui les motive. Quand on vous dit qu’il s’agit de personnalités qui aiment ça, prendre le contre-pied..!
Après une heure de discussions enthousiastes, il est ressorti que finalement, nous sommes tous le «weird» de quelqu’un d’autre, et qu’il faut savoir protéger nos petites bizarreries si fragiles mais si bénéfiques à l’entreprise. Les organisations ont besoin d’un certain pourcentage de «weirdness» pour avancer, sinon c’est le statu quo.
Mais la peur est des deux côtés: si les personnalités à contre-courant doivent se donner la permission d’être telles qu’elles sont, aux gestionnaires d’accepter et d’accompagner ces différences, car la «weirdness» reconnue acquiert une toute autre valeur», récapitule Catherine Rousseau-Saine.