Marché audiovisuel mondial: le digital crée le changement
Eurodata TV Worldwide a publié début avril les résultats de sa grande enquête One TV Year, qui dresse le portrait du marché audiovisuel mondial.
Eurodata TV Worldwide a passé au crible plus de 100 territoires, 6300 chaînes et 3 milliards de téléspectateurs afin de décrypter le marché audiovisuel mondial ainsi que ses spécificités régionales. Le digital apparaît comme un véritable facteur de changements, impactant à la fois les comportements des téléspectateurs et les stratégies des chaînes.
#1. Petit écran, multi-écran: la télévision en tout temps!
En 2014, la durée d’écoute individuelle (DEI) mondiale est restée stable, et haute: 3h13, contre 3h14 en 2013. Le maintien de ce niveau s’explique notamment par le fait que les chaînes de télévision offrent du contenu toujours plus riche, mais aussi parce que les mutations technologiques permettent à tous d’accéder aux programmes TV en tout temps et partout grâce au multi-écran.
En effet, selon l’étude, les gens regardent de plus en plus d’émissions en différé ou en rattrapage: ces modes de consommation délinéarisés contribuent à maintenir une durée d’écoute globale élevée. Le délinéaire a un impact particulièrement fort sur l’audience globale des chaînes challengers aux heures de grande écoute (comme FX aux États-Unis, +19,5%), certaines séries obtenant de 50 à 70% de gain d’audience: par exemple, l’épisode de la série American Horror Story, diffusé le 8 octobre 2014, a enregistré une hausse de 73,2% de téléspectateurs entre le direct, le VOSDAL (l’enregistrement de l’émission pour la regarder en différé le même jour) et le direct +7 jours.
En 2014, 26 pays avaient intégré ces nouveaux usages à leurs mesures d’audience.
#2. Le digital, facteur de changement
Premier phénomène dans l’évolution du marché, le développement des plateformes vidéos, nouvel Eldorado pour les producteurs de contenu. Parmi les pays observés, l’Asie se révèle hyper-dynamique en la matière, le géant chinois de la vidéo à la demande Youku Tudou revendiquant plus de 500 millions d’utilisateurs actifs et quelques 200 milliards de vidéos vues chaque année.
Ces changements dans l’écosystème télévisuel favorisent la création et l’innovation de contenus et de formats: les télévisions rivalisent d’originalité en proposant de nouvelles expériences sociales, comme le jeu interactif britannique You Against the Nation (Red Arrow International), prévu sur BBC 1 à l’automne 2015, où les participants concourront entre eux et avec les téléspectateurs qui joueront via une application.
Dans ce nouvel ordre mondial, le rôle des diffuseurs évolue: les réseaux multichaînes se développent et accompagnent les grands groupes audiovisuels vers le marché du digital en connectant créateurs, diffuseurs et annonceurs. Les partenariats stratégiques sont également encouragés, et ce même à un niveau international: Viki, un site de Singapour, a par exemple annoncé des partenariats avec Venevision au Venezuela et Caracol en Colombie pour diffuser leurs contenus.
Aujourd’hui, c’est l’immédiateté qui prime: s’il fallait, en 2010, 8 mois à une série américaine comme Blue Bloods (CBS Studios International) pour s’exporter dans 5 territoires, un mois suffit en 2015 à la coproduction américano-britannique Fortitude (Sky Vision) pour être diffusée dans 5 pays.
#3. Les nouveautés et les événements, des valeurs sûres
Les nouveautés stimulent l’audience: 21% des programmes recensés dans les palmarès internationaux ont été lancés en 2014, soit 6 points de plus qu’en 2013.
Dans le Top 10 des 67 territoires analysés, les fictions et divertissements remportent respectivement 40 et 39% des suffrages. Les séries, qui représentent 63% des fictions, se positionnent loin devant les films (15%), et la téléréalité arrive en tête des divertissements (35%), talonnée par les événements sportifs (30%).
Ces derniers (tels que les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi et la Coupe du Monde de Football) ont d’ailleurs largement contribué à la durée d’écoute mondiale de la télévision. En Russie, les Jeux ont totalisé 7 des meilleures audiences sur 10, tous genres confondus.
#4. Les régions s’affirment
Si les chaînes et marques globales continuent de s’attirer les faveurs des téléspectateurs, les régions s’affirment et recherchent la reconnaissance internationale. En Scandinavie, par exemple, la qualité des fictions est telle qu’elle leur permet de conserver des parts d’audience très importantes localement, tout en s’exportant avec succès: HBO Europe a, notamment, récemment annoncé deux adaptations de la série norvégienne Mammon (DRG)
En Amérique du Nord, c’est la fiction qui occupe le devant de la scène, et les chaînes payantes s’imposent en s’appuyant sur leurs programmes de marque. Les émissions en direct comme la cérémonies des Oscars ou des Grammy Awards fédèrent de plus en plus et ont réuni plus de 30 millions de téléspectateurs. Les telenovelas d’Amérique Latine s’exportent toujours bien en Amérique du Nord, grâce à leur format raccourci.
En Asie, les formats adaptés continuent de rencontrer un franc succès, et même les plateformes vidéos s’y mettent, avec Yukou Tudou et Endemol qui collaborent sur la première version chinoise de Big Brother. En Afrique, les producteurs misent sur la proximité, avec des contenus locaux et sur-mesure.
Le media TV reste et restera le media de la puissance. Plus les téléspectateurs ont le choix, plus ils font confiance aux médias qui ont une identité éditoriale forte. Désormais, il s’agit pour la télévision de défricher de nouveaux territoires : le deuxième écran devient un incubateur de nouvelles idées et les plateformes vidéo de vrais laboratoires créatifs, qui permettent à la télévision de se réinventer » conclut Sahar Baghery, Directrice du Pôle Formats et Contenus TV Internationaux d’Eurodata TV Worldwide.