Relations publiques: Éthique, le blogueur fantôme?
Par Christian Bolduc
Le blogueur fantôme, ou « ghost blogging » en anglais, est le procédé par lequel un politicien ou un dirigeant d’entreprise (privée, publique ou à but non lucratif) confie la rédaction de son blogue à un tiers. Sans être nouvelle, cette tendance pose néanmoins de nouvelles questions alors que la joute pour l’influence, le pouvoir, la notoriété et le leadership s’est graduellement déplacée vers le Web. Exigeant du temps et un talent pour la communication/rédaction que tous ne maitrisent pas, le blogue serait en voie de devenir une spécialité… du relationniste professionnel.
Mais est-ce éthique de faire écrire des textes d’opinion par un communicateur fantôme* ?
Cette question générique, névralgique et loin d’être banale, a été posée (déclinée en neuf points) à trois groupes de quelque 500 lecteurs de blogues par trois chercheurs de l’École de journalisme et de communication de l’Université de l’Oregon, aux États-Unis: 501 lecteurs intéressés par la perspective des OBNL (organismes à but non-lucratif), 510 lecteurs de blogues politiques et 507 lecteurs de blogues corporatifs.
Précisant, dans son sommaire exécutif, que l’auteur du blogue est celui qui, ultimement, amène les idées et approuve les textes avant publication, les auteurs de cette enquête viennent à la conclusion que le blogue fantôme est une pratique généralement acceptable pour un majorité de lecteurs consultés.Â
Quelques nuances importantes s’imposent, cependant:
- Une minorité, déterminée, s’oppose fermement à ces pratiques;
- Les femmes sont globalement plus nombreuses que les hommes à répudier le blogue fantôme;
- Les lecteurs sont généralement plus laxistes pour le dirigeant d’une entreprise privée que pour un politicien ou un OBNL;
- 18% et 28% des lecteurs consultés n’ont, en moyenne, aucune opinion;
- Les données ne peuvent dégager de loi universelle et incontestable.
Aux neuf questions posées, il y avait cinq réponses possibles pour catégoriser l’énoncé: désaccord total, désaccord, sans opinion, d’accord ou totalement d’accord. Pour simplifier la compréhension, nous avons regroupé les réponses en trois catégories seulement: désaccord, sans opinion et d’accord.
Question #1: Je crois que c’est correct si le président d’une organisation signe un texte sans l’avoir écrit, mais seulement dans la mesure où il est le géniteur des idées et qu’il en approuve le contenu avant publication.
Réponses:
Lecteurs de blogues politiques (BP): 44,5% en désaccord, 33,9%  d’accord et 21,6% sans opinion;
Lecteurs de blogues d’OBNL (BO): 46,6% en désaccord, 35,5% d’accord et 18% sans opinion;
Lecteurs de blogues corporatifs (BC):38% en désaccord, 39,6% d’accord et 22,3% sans opinion.
Question #2: Même question que la précédente mais dont les résultats ont été colligés à partir du genre des répondants.
Réponses:
Femmes: 46,8% en désaccord, 33% en accord et 20,2% sans opinion;
Hommes: 37,8% en désaccord, 41,1% en accord et 21,2% sans opinion.
Question #3: Je pense qu’il est commun pour une organisation d’avoir un blogue au nom de son dirigeant principal sans qu’il en soit le rédacteur effectif.
Réponses:
BP: 19,8% en désaccord, 52,1% d’accord et 28% sans opinion;
BO: 27% en désaccord, 34,2% d’accord et 38,9% sans opinion;
BC: 16,7% en désaccord, 57,2% d’accord et 26% sans opinion.
Question #4: Je considère favorablement qu’une organisation puisse utiliser un membre du personnel pour répondre aux commentaires de lecteurs sans mentionner que son auteur n’est pas le dirigeant affiché sur le blogue.
BP: 39,4% en désaccord, 37,1% en accord et 23,5% sans opinion;
BO: 43,6% en désaccord, 37,1% en accord et 21,2% sans opinion;
BC: 35,5% en désaccord, 40,1% en accord et 24,5% sans opinion.
Question #5: Même question que la précédente mais dont les résultats ont été colligés à partir du genre des répondants.
Réponses:
Femmes: 49,7% en désaccord, 28,8% en accord et 21,4% sans opinion;
Hommes: 43% en désaccord, 34% en accord et 24,4% sans opinion.
Question #6: Je crois qu’il est habituel qu’un dirigeant fasse écrire ses commentaires (sur le site d’un autre blogueur) par un membre du personnel sans que celui-ci soit identifié.
Réponses:
BP: 23,9% en désaccord, 50,6% en accord et 25,5% sans opinion;
BO: 28,2% en désaccord, 43,9% en accord et 27,9% sans opinion;
BC: 20,1% en désaccord, 51,9% en accord et 28% sans opinion.
Question #7: Je crois qu’il est reconnu qu’un dirigeant confie la rédaction de commentaires (sur son propre blogue) à un membre de son personnel, et ce sans que ce dernier soit identifié.
Réponses:
BP: 16,5% en désaccord, 64,8% en accord et 18,8% sans opinion;
BO: 23,2% en désaccord, 52,9% en accord et 24% sans opinion;
BC: 14,6% en désaccord, 64,1% en accord et 21,3% sans opinion.
Question #8: Même question que la précédente mais dont les résultats ont été colligés à partir du genre des répondants.
Réponses:
Femmes: 41,7% en désaccord, 36,6% en accord et 22,7% sans opinion;
Hommes: 36,3% en désaccord, 40% en accord et 23,6% sans opinion.
Question #9: Je crois qu’il est acceptable qu’un employé écrive, au nom de son patron, des commentaires sur d’autres blogues sans qu’il soit identifié mais dans la mesure il (le dirigeant) exerce le contrôle sur les idées et le contenu final à publier.
BP: 48,7% en désaccord, 27,7% en accord et 23,7% sans opinion;
BO: 50,4% en désaccord, 30,8% en accord et 18,8% sans opinion;
BC: 43,8% en désaccord, 33% en accord et 23,3% sans opinion.
Pour lire l’étude dans son entièreté
* En référence au terme « nègre » littéraire, lequel est employé à partir du XVIIIè siècle pour désigner la personne qui écrit en lieu et place d’une célébrité, le communicateur fantôme est une version moderne et adaptée de l’écrivain fantôme dont l’existence est justement liée à l’abandon, pour des raisons évidentes de rectitude politique, du mot « nègre ».