« Un style de gestion traditionnel peut être inadapté aux équipes neurodiverses »
Par Kévin Deniau
Les organisations cherchent de plus en plus à mettre de l’avant des principes de diversité, d’équité et d’inclusion. Une expression qui revêt de multiples dimensions… notamment la notion encore assez largement méconnue de neurodiversité. Interview avec la consultante en Marketing Web Myriam Jessier, créatrice d’une nouvelle formation sur le sujet : Équipes neurodiverses, Optimiser votre gestion et votre collaboration.
Bonjour Myriam. Tout d’abord, qu’est-ce qu’un équipe neurodiverse ?
Myriam Jessier : Une équipe neurodiverse est une équipe qui comprend une ou plusieurs personnes qui ne sont pas neurotypiques. Ça veut dire quoi ? Environ 80% de la population a une configuration cérébrale similaire, tandis que 20% diverge. Ces différences neurologiques sont des variations naturelles qui apportent des perspectives uniques et des compétences précieuses à l’équipe. C’est la principe de Pareto appliqué à nos cerveaux !
Dans ce 20%, on retrouve des personnes avec des conditions comme le TDAH, l’autisme ou la dyslexie. Neurodivergence, c’est le terme ombrelle qui englobe toutes les conditions dans le 20% dont on parle.
Concrètement, cela veut dire que dans une équipe de dix personnes, on peut s’attendre à ce que deux d’entre elles soient concernées. Certaines professions, comme celles en tech, voient une surreprésentation de personnes sur le spectre autistique ou avec le TDAH, en raison de leurs compétences uniques. La neurodivergence apporte des avantages mais aussi des défis, car elle peut être considérée comme un handicap selon sa sévérité.
Peut-on diriger une équipe comprenant des personnes neurodiverses avec un style de gestion traditionnel ?
M.J.: Un style de gestion traditionnel peut être inadapté aux équipes neurodiverses car il ne prend pas en compte les besoins spécifiques de communication et d’environnement. Par exemple, une personne avec un TDAH peut avoir besoin d’un agenda clair pour éviter l’anxiété et des environnements calmes pour se concentrer.
Les erreurs courantes incluent l’absence d’adaptation dans l’environnement de travail, comme des lumières trop fortes ou des espaces bruyants, qui peuvent causer des migraines ou d’autres problèmes. De plus, les gestionnaires doivent surmonter les défis liés à la communication. Certaines personnes comprennent mieux par métaphores, tandis que d’autres préfèrent des explications directes.
Les réactions des personnes neurodivergentes peuvent être mal interprétées si elles ne sont pas comprises dans leur contexte. En plus, beaucoup de personnes neurodivergentes masquent leur condition pour s’intégrer, ce qui peut être épuisant et chronophage. Bref, cela implique de concilier différentes façons de penser, de communiquer et de travailler.
Justement, comment savoir si des personnes sont neurodiverses dans une équipe ?
M.J.: Il peut être difficile de savoir si des membres de l’équipe sont neurodivergents s’ils ne l’expriment pas eux-mêmes. Cependant, il reste crucial de respecter la vie privée des employés et de créer un environnement où ils se sentent à l’aise de partager leurs besoins.
Identifier la neurodiversité ne devrait pas être un enjeu majeur. Il est parfois difficile de savoir si certains membres de l’équipe sont neurodivergents, et il est important de ne pas stigmatiser. Par exemple, dire à quelqu’un « Toi, tu as clairement un déficit d’attention » peut être déshumanisant.
En fait, il existe 5 scénarios différents :
- des personnes diagnostiquées qui choisissent de le révéler
- des personnes diagnostiquées qui choisissent de ne pas le révéler
- des personnes non diagnostiquées qui ressentent une différence
- des personnes non diagnostiquées qui ne ressentent pas de différences
- des personnes neurotypiques.
En traitant ces scénarios de manière inclusive, on peut gérer une équipe efficacement sans préférences perçues. Des indices peuvent inclure des approches de travail non conventionnelles ou des intérêts très spécialisés.
Comment aborder ces questions liées à la neurodiversité au sein de son organisation ?
M.J.: Encourager une culture de transparence et de respect est essentiel. Les gestionnaires peuvent initier des discussions sur la diversité cognitive de manière générale, sans cibler individuellement les employés. Ma formation fournit justement des outils pratiques pour adapter le style de gestion, favoriser la collaboration et créer un environnement où chaque membre de l’équipe se sent valorisé et soutenu. Il s’adresse aussi aux collègues qui veulent apprendre comment mieux travailler avec des membres d’équipe neurodivergents.
L’objectif est de comprendre les contraintes et les avantages de chaque mode de travail. Cela inclut la structuration des processus d’entreprise, de l’offre d’emploi à l’intégration et à la communication en poste. Ces sujets sont abordés de manière ludique dans la formation.
Y a-t-il eu un changement de mentalité sur cet enjeu ?
M.J.: Oui, il y a eu un changement significatif dans la perception de la neurodiversité ces dernières années. De plus en plus d’entreprises reconnaissent l’importance d’intégrer des pratiques inclusives pour tirer parti des compétences uniques des personnes neurodivergentes.
Cela a conduit à une augmentation de la productivité et de l’innovation dans de nombreuses organisations. Les gestionnaires jouent un rôle crucial dans ce changement en adaptant leur style de gestion pour mieux répondre aux besoins de leurs équipes neurodiverses.
Par exemple, une personne avec un TDAH peut connecter différentes informations de manière créative et pertinente, comme dans un cas de bug très problématique d’un point de vue technique, ce qui peut être extrêmement précieux pour les entreprises. Les gestionnaires jouent un rôle crucial dans ce changement en adaptant leur style de gestion pour mieux répondre aux besoins de leurs équipes neurodiverses.
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