Conte de Noël: les 7 leçons marketing du Père Noël (1ère partie)
Par Pascal Pelletier
Noël n’est pas un jour ni une saison, c’est un état d’esprit. »
– Calvin Coolidge, 30ème président des États-Unis (1923-1929)
Quand l’Halloween vient de passer, c’est parti. Le temps des fêtes envahit les vitrines, les journaux, nos boîtes aux lettres, Internet… Déjà, vous commencez à vous inquiéter face à cette course qui vous attend, pour l’achat de cadeaux et la planification de vos réunions familiales… Bref, deux mois de plaisir ou d’enfer commencent…
Durant cette période, les commerçants et les entreprises vendant des biens de consommation réaliseront un pourcentage déterminant de leur chiffre d’affaires – plus de 20 % dans le cas des détaillants de CD et de DVD, selon Statistique Canada.
Or, en ces temps de crise financière mondiale, ils s’inquiètent avec raison: et si les clients étaient moins nombreux ou plus sages dans leurs dépenses que l’an passé? Dans ce contexte, la publicité de Noël peut faire la différence.
Mais comment? Heureusement, un sympathique personnage m’a donné un «cours 101 de marketing de Noël». Permettez que je vous raconte…
1re leçon : croire en la magie de Noël
C’est la lucidité la fautive. Elle qui met les poètes en lambeaux, elle qui vous apprend un jour que le Père Noël n’existe pas. Elle qui vous bouffe l’enfance.»
– Pierre Perret, auteur et chanteur français, Grand Jacques.
Ça s’est passé il y a deux ans, lors d’une superbe fin de semaine d’octobre. J’avais loué un minuscule mais coquet chalet au bord du Petit Lac Magog. Ayant fini de m’installer, j’en étais au moment que j’avais le plus espéré: au son des premières notes de la Fantaisie sur un thème de Tallis, de Vaughan Williams, j’allumais un bon feu de foyer, alors que les glaçons commençaient à fondre dans le verre de Jack Daniel’s…
Le bonheur, le VRAI bonheur, mes amis! Aussi chaleureux et réconfortant que ce bois d’allumage, qui commençait à prendre. Mais, dès les premières fumées…
– Ho! Ho! Ho! C’est chaud et enfumé par icitte… Je pense que je ne rentrerai pas par la cheminée, cette fois. Mais vaut mieux en rire qu’en griller! Ho! Ho!
C’était le Père Noël, bien sûr… Je dis bien sûr, parce que si vous entendez de tels rires et mots dans votre cheminée pendant que vous allumez un feu; si vous voyez ensuite, par la fenêtre, ce drôle de bonhomme sauter du toit du chalet, puis se trouver dans la même pièce que vous, après avoir tout simplement traversé la porte… close! –, vous savez que vous avez affaire au vrai Père Noël.
– Et tu as une autre raison d’y croire, me dit le sympathique vieillard, qui s’assit confortablement devant le feu. Tu es concepteur-rédacteur publicitaire.
– Et alors?
– Alors, chaque année, dès la mi-octobre – et voilà pourquoi je viens te visiter à ce moment-ci –, tu écris des cartes de vœux ou des publicités de Noël pour les agences ou entreprises qui t’honorent en retenant tes services. Tu dois donc être le premier à croire à la magie du temps des fêtes, si tu veux que les consommateurs y croient aussi!
«Celui qui n’a pas Noël dans le cœur ne le trouvera jamais au pied d’un arbre», a écrit l’historien américain Roy Lemon Smith. Ça veut dire que, pour toi, si tu n’as pas Noël et ses valeurs humaines bien en toi, tu ne trouveras jamais les idées publicitaires qui transmettront cette magie… et qui feront que les produits annoncés se ramasseront en masse au pied des sapins qui illuminent les salons! Ho! Ho! Ho!»
Donc, pense d’abord à ces valeurs – la joie de donner, d’être ensemble, en plus des trois P du marketing de Noël : Plaisir, Partage, Paix –, et moins à des arguments classiques: économies, qualité, avantages pour le client, etc., et ça devrait bien aller. »
2e leçon : si l’on n’emploie pas le Père Noël, ne pas le tuer
Dès que l’adulte tue le mythe du Père Noël, il oublie le vrai miracle du vrai partage qui existe dans le cœur de l’enfant.»
-Michel Bouthot, écrivain québécois.
Vous le constatez, le Père Noël était très en forme et il avait une conception pour le moins attachante de sa propre mise en marché… Je le lui dis et lui demandai de me parler davantage de ces «valeurs humaines» de Noël. Quelle était la première?
– Jack Daniel’s.
– Pardon?
– Non, ce n’est pas la réponse à ta question, ho! ho! C’est moi qui t’en posais une: c’est du Jack Daniel’s que tu bois? Tu peux-tu m’en servir un peu?
– On est loin du lait et des biscuits, lui répondis-je, étonné, mais en allant lui préparer le verre demandé.
– C’est que je suis plus coquin que tu penses, mon grand! Un p’tit coup de whisky, je n’ai rien contre ça… Et toi, as-tu quelque chose contre le fait que le Père Noël boive de l’alcool? »
Je méditai un instant: à vrai dire, je n’avais pas vraiment d’opinion sur la question… Mais celle-ci m’amena à une interrogation plus fondamentale :
– Père Noël, commençais-je en lui tendant un Jack-Daniel’s-on-the-rocks, c’est la première fois que je vous vois… Enfin, je veux dire, que je vois le vrai… Donc, maintenant, plus de doute : je crois en vous. Mais vous savez que beaucoup de gens, et particulièrement les adultes, n’ont pas foi en votre existence. Aussi, je me demande jusqu’à quel point il faut vous intégrer dans les stratégies publicitaires de Noël. Et puis, on vous voit tellement durant les fêtes…
– Oh! tu sais, n’importe laquelle de ces stratégies peut se passer de moi. Et je suis d’accord avec toi : c’est vrai qu’on me voit trop. Au fond, il faut y aller au cas par cas et se demander si, pour tel produit dans telle pub, j’ajouterais ou non un plus. Une chose est certaine : en tant que créatif, tu peux toujours m’éviter, mais ne commets jamais l’erreur de me tuer…
Je faillis m’étrangler dans une rasade de whisky.
– Vous tuer?
– Oui. Nier mon existence ou, si tu préfères, les valeurs que j’incarne. En 2007, en Russie, une entreprise a essayé de me tuer. Elle n’a pas réussi…
– J’en ai entendu parler. Mais je vous avoue que j’ai trouvé comique, sans plus, cette censure du gouvernement russe pour interdire une publicité qui affirmait la non-existence du Père Noël…
– Alors, ris tant que tu veux… je n’en suis pas moins immortel! Même si, en réalité, je ne livre pas de cadeaux, parce que ce sont les gens qui se saignent à blanc pour les acheter. Je vais te conter une petite farce, que tu connais peut-être déjà. Il y a quatre âges dans la vie d’un homme: celui où il croit au Père Noël, celui où il ne croit plus au Père Noël, celui où il est le Père Noël et celui où il ressemble au Père Noël! Bref, je ne suis jamais loin!
3e leçon : être créatif en sortant des sentiers battus
«J’avais mis mes souliers devant la cheminée. Le Père Noël m’a apporté des pieds.»
– Philippe Geluck, bédéiste belge, Le chat.
– Dois-je donc comprendre, Père Noël, que vous êtes alors intouchable?
– Ho! Ho! Ho! certainement pas! Pas tuable, oui, mais j’ai le dos large. Écoute-moi: j’ai un accent québécois, mais à Guadalajara ou à Melbourne, c’est autre chose. Et, comme les gens, j’adore les pubs où le Père Noël ou ce qu’il représente sont un peu malmenés… à condition que ça reste dans les limites du bon goût et que l’esprit des fêtes soit respecté, bien sûr!
Par exemple, pourquoi pas une «Mère Noël» superwomen pour vendre un magazine féminin? Ou moi qui s’arrête au dépanneur pour acheter une caisse de bouteilles de boisson énergisante à l’intention de mes rennes fatigués?
Et pourquoi ce serait toujours Noël qui ferait irruption dans le quotidien, et non l’inverse? Par exemple, une femme va boire un café tous les soirs à l’établissement de cette chaîne, où l’on sert aussi des beignes. Juste avant le réveillon, elle se rend compte qu’il lui manque un cadeau… et tous les magasins viennent de fermer! Heureusement, son casse-croûte préféré est encore ouvert et peut lui vendre un ravissant coffret de sacs de cafés fins dans un emballage cadeau…
Durant les fêtes, tout est possible en pub, parce que la magie vient envelopper le commerce… Malheureusement, c’est trop souvent le contraire qu’on fait: le commerce vient interrompre la magie!
4e leçon : parler du cœur, de l’enfance et des gens plus que de cadeaux et d’argent
«L’enfance, c’est de croire qu’avec le sapin de Noël et trois flocons de neige, toute la Terre est changée. »
– André Laurendeau, journaliste et écrivain québécois, Voyages au pays de l’enfance.
Je répondis au Père Noël que j’étais bien d’accord, et que là résidait justement la première difficulté de mon travail de concepteur-rédacteur de pubs des fêtes: il y a trop d’offres commerciales, trop d’argent dans l’air…
– Je te l’ai dit: pour te démarquer, tu dois miser davantage sur la magie que sur des arguments publicitaires classiques. De cette façon, tu répondras à ce que les gens recherchent d’abord et avant tout: pas les «bébelles» ou autres jeux vidéos, mais l’amour, la présence et le sens.
– C’est bien beau, soupirai-je, mais vous ne me ferez pas croire qu’on n’aime pas les cadeaux…
– Bien sûr qu’on aime ça, mais est-ce l’essentiel? As-tu entendu parler du sondage réalisé par Ipsos Reid et qui demandait à des Canadiens ce qu’ils désiraient recevoir pour Noël? 7 personnes sur 10 ont répondu qu’elles n’avaient pas besoin de cadeaux! De plus, 86 % des répondants ont indiqué qu’ils préféreraient recevoir un présent qui pourrait servir à aider quelqu’un.
– Père Noël, je suis franchement impressionné par votre connaissance de telles données… Un autre verre?
– Non, je dois conduire… Si je connais ces données, c’est parce que je dois savoir tout ce qu’il faut pour protéger Noël. Et celles-ci nous montrent que les consommateurs sont davantage accrochés par des pubs qui leur parlent d’amour, de plaisir, de retrouvailles pleines de chaleur humaine… Ne leur vend pas un produit, mais la joie de le déballer près du sapin… Parle-leur d’enfants, de famille, du bonheur de faire la fête et de donner, de rêves, d’espoir… et moins de performances techniques et de garanties prolongées!
Bref, Noël est le temps parfait pour mettre ces émotions au premier plan en publicité, puisqu’elles sont bien plus fortes que cette joie éphémère due au nombre, à la grosseur ou au prix des cadeaux. Tu as donc intérêt à parler de la gratuité de Noël, dans le cœur et l’âme des gens!
Enfin, les entreprises pour lesquelles tu écris des pubs de Noël auront du succès si elles offrent des produits que l’on peut personnaliser ou qui répondent aux besoins précis d’un groupe particulier de consommateurs. La simple possibilité de faire graver le nom d’une personne sur un objet peut être très attractive. Les gens doivent se reconnaître immédiatement et se dire: «C’est le cadeau parfait pour Monique, ou pour René, ou… pour moi!»
La seconde partie de ce conte sera publiée vendredi prochain, le 12 décembre.