Proximité, expérience client, économie verte: ce que l’on a retenu du Sommet du commerce de détail
Hop! le sommet du commerce de détail a fermé ses portes hier et, cette année encore, il aura été riche en enseignements, en échanges de bonnes pratiques et en partage d’idées.
On ne peut plus opérer la business comme avant: le gouvernement doit réaliser le tsunami qui s’en vient, et les résistances au changement doivent sauter».
Peter Simons plante le décor, ce mardi matin, au Palais des Congrès de Montréal.
Pendant ces deux journées, les détaillants du Québec se sont réunis pour parler des enjeux de demain (comme nous l’expliquait Léopold Turgeon, le président du Conseil québécois du commerce de détail, organisateur de l’événement).
Voici ce que nous en avons retenu.
Local et authentique
Selon Alexandre Taillefer, l’avenir du commerce de détail réside dans les boutiques: bâtir des relations de proximité et de confiance, voilà ce qui compte pour les clients.
Et miser sur la proximité, c’est notamment miser sur le local: l’impact des logos et mentions «Aliment du Québec» et autre «Produit d’ici» est énorme. 68% des Québécois, lorsqu’ils ont le choix entre deux produits à prix équivalent, choisissent celui produit localement.
Et pour cause: plus que jamais, les consommateurs veulent connaître l’incidence de leurs achats sur la communauté. En achetant local, ils ont le sentiment de contribuer à l’économie et à la prospérité de leur région. Une logique partagée par le Dragon, qui a martelé que c’est en encourageant la fabrication et la distribution locales que l’on prendra une part plus importante du portefeuille pour s’enrichir globalement.
Et d’ajouter que «c’est en s’enrichissant que l’on maintiendra le formidable filet social que l’on a, ici, au Québec».
De plus, les nouvelles générations de consommateurs sont en quête permanente d’authenticité: ils recherchent à être uniques et à ne surtout pas ressembler au voisin. Magasiner en ligne ou en boutique des produits locaux leur permet d’obtenir cette sorte d’exclusivité.
C’est en faisant la promotion des produits d’ici que l’on augmentera nos parts de marché, mais cela ne peut pas se faire tout seul: il faut investir pour offrir une véritable expérience au client», ajoute l’homme d’affaires.
L’expérience client: au-delà du produit
L’expérience client, François Longpré, co-fondateur de la boutique Les Touilleurs, pourrait en parler des heures.
Son magasin d’ustensiles de cuisine haut de gamme a clairement sorti son épingle du jeu en proposant à ses clients une expérience gourmande, unique et innovante, qui va bien au-delà de la vente d’objets pour cuisiner. Celle-ci passe par plusieurs leviers:
- des cours de cuisine avec des chefs de renom,
- un livre,
- une émission de télévision,
- des voyages gastronomiques en petit comité aux quatre coins du monde…
Mais aussi une boutique devenue un lieu de vie, où pas un seul produit n’est présenté dans son emballage, où chaque employé est un passionné de bonne bouffe, et où une recette est écrite à la main sur un tableau noir chaque mois, façon restaurant.
Oui, on vend le même batteur Kitchen Aid que chez Canadian Tire, mais si les gens l’achètent plutôt chez nous, c’est pour l’expérience qu’ils vivent dans notre boutique, pour la crédibilité que l’on a su acquérir et qui fait que nos clients nous font confiance. Chaque objet présent en magasin a été soigneusement choisi, ils le savent et peuvent acheter les yeux fermés», explique-t-il, un grand sourire vissé aux lèvres.
Cette stratégie de différenciation par l’expérience est payante, car, ainsi que l’a souligné Élisabeth Deschênes, présidente de ZA Architecture de Marques et Communication d’Influence, la qualité d’un produit ou d’un service n’a plus rien d’exceptionnel: aujourd’hui, le commerce sert à créer des relations fortes et durables avec les clients, et leur offrir une expérience positivement mémorable.
Une expérience qui, par ailleurs, ne s’arrête pas aux portes du magasin: en ligne aussi, elle doit impérativement se travailler.
Un site de e-commerce, c’est exactement comme une boutique: votre page d’accueil est votre vitrine, elle doit donner envie au client d’entrer. À l’intérieur, le site doit, comme le magasin, être impeccable: chaque produit à sa place, bien rangé, les prix clairement indiqués, les bonnes informations au bon endroit».
Ce parallèle a été fait par Mélanie Heyberger, l’une des trois fondatrices du Coffret de Rachel, site de vente en ligne de bas collants, lors de sa présentation sur le e-commerce conjugué au féminin.
Pour celle qui s’est spécialisée en commerce électronique, la question de la proximité avec les clients est tout aussi cruciale que pour les autres détaillants.
Parce qu’en achetant en ligne, le consommateur ne peut toucher la marchandise ou poser ses questions directement, il est indispensable de lui fournir un maximum d’informations pratiques (prix, tailles, politique de retour, etc.).
Il est également essentiel que ces informations soient bien placées sur le site. Si l’internaute se perd dans les pages, c’est comme s’il se perdait dans vos rayons: il finira par quitter les lieux sans débourser un sou.
Faire de la croissance tout en faisant du sens
Le sommet du commerce de détail a également été l’occasion de rappeler l’importance de faire émerger une économie plus prospère pour tous, en développant des marques fortes, porteuses de sens et de valeur.
Hélène Veilleux, la directrice générale de Centropolis, l’a affirmé lors de sa prise de parole: pour créer de la croissance tout en faisant du sens, il faut faire du sens d’abord.
Il faut trouver le rôle que l’on a à jouer en tant que marque pour enrichir la vie des gens. Et pour cela, il faut faire appel à l’intelligence collective», affirme-t-elle.
Faire du sens, c’est aussi agir en tenant compte de son impact sur l’environnement. Selon le programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’économie verte est une économie qui produit et distribue la richesse équitablement, en utilisant moins de ressources et moins d’énergie.
Faire plus avec moins, c’est un principe d’efficience et de productivité, donc ce n’est absolument pas antinomique de la performance économique», tient à préciser Karel Mayrand, directeur général pour le Québec, Fondation David Suzuki.
Pauline D’Amboise, secrétaire générale et VP gouvernance et responsabilité chez Desjardins, a donné quelques conseils pratiques pour se lancer dans une logique de production plus «verte» et durable:
- Se demander tout d’abord ce que l’on fait, en tant que détaillant, pour limiter sa propre consommation d’énergie: au niveau de son bâtiment, ses équipements, ses emballages, sa flotte automobile, sa gestion des matières résiduelles, de la consommation d’eau dans le procédé de fabrication, etc.
- Concernant l’approvisionnement, le commerçant doit s’interroger: des efforts peuvent-ils être faits au niveau de l’achat local (pour booster l’économie locale, certes, mais aussi pour limiter les émissions de gaz à effet de serre)? Les fournisseurs font-ils eux aussi des efforts en matière de RSE? Les émissions de gaz à effet de serre peuvent-elles être compensées?
Plus profondément, il faut réfléchir au produit que l’on offre. Au Québec, on a développé une réelle expertise en matière d’éco-conception: de bout en bout, il est possible de réduire la consommation d’énergie, d’eau et de matières premières pendant le cycle de fabrication du produit», ajoute-t-elle.
Du plus petit au plus grand détaillant, les efforts sont possibles à réaliser et de bonnes pratiques peuvent être mises en place. Nul doute que les défis qui attendent les acteurs du secteur sont nombreux et que ça prend beaucoup de persévérance et de courage pour réussir.
Mais ça prend aussi une ouverture au changement, une volonté de se distinguer et la certitude que l’expérience client doit être au coeur de chacune des actions entreprises.
Le mot de la fin pourrait revenir àFrançois Longpré des Touilleurs, qui porte haut et fort les couleurs de la culture québécoise:
Nous sommes Québécois, des Canadiens Français en Amérique du Nord. Notre culture est unique, nous devons en être fiers».