Comprendre l’attaque de la justice américaine contre Google en 4 questions
Par Kévin Deniau
21 octobre 2020
Historique. La décision du département de la justice américain d’engager des poursuites contre Google pour atteinte au droit de la concurrence laisse augurer un procès long et retentissant. On fait le point.
Sur Isarta Infos, nous ne traitons de l’actualité technologique mondiale qu’à de rares occasions. Mais quand il s’agit d’un des géants numériques mondiaux, dont la première lettre ouvre l’acronyme des GAFA, et que les répercussions de cette décision peuvent avoir des conséquences majeures pour l’industrie des prochaines années, nous nous devions de faire un petit récapitulatif pour comprendre les enjeux de la situation.
Voici ce qu’il faut comprendre en 4 questions.
1. Que se passe-t-il ?
Cela se tramait depuis un petit moment. Après plus d’un an d’investigations, le département américain de la justice a ouvert, mardi 20 octobre, une enquête contre Google, pour abus de position dominante.
Le gouvernement est d’ailleurs appuyé dans sa démarche pas onze États de nos voisins du sud, au passage tous républicains (Arkansas, Floride, Georgie, Indiana, Commonwealth of Kentucky, Louisiane, Mississippi, Missouri, Montana, Caroline du Sud et Texas).
Here we go: UNITED STATES OF AMERICA et al v. GOOGLE LLC pic.twitter.com/cv3WHKwv3t
— Daisuke Wakabayashi (@daiwaka) October 20, 2020
2. Que reproche-t-on à Google ?
La firme de Mountain View est accusé d’avoir « maintenu de façon illégale un monopole dans la recherche en ligne et la publicité en ligne ». Plus concrètement, il est reproché à Google d’imposer son célèbre moteur de recherche en le pré-installant sur les téléphones intelligents des fabricants en échange de licences (gratuites) pour utiliser son système d’exploitation Android. Et ainsi d’empêcher l’émergence de concurrent.
Sont visés également les accords conclus avec Apple. Google installe en effet par défaut son moteur de recherche dans le fureteur Safari de la firme à la pomme en échange d’une coquette redevance de 9 milliards de dollars par an, selon une estimation de Goldman Sachs.
La totalité des tentaculaires activités de Google n’est donc pas visée. Le département de la justice a semble-t-il voulu aller vite en réduisant le champ de l’accusation. Pour lancer opportunément la procédure… avant l’élection présidentielle du 3 novembre prochain.
3. Pourquoi est-ce que cela compte ?
Selon le sénateur républicain du Missouri Josh Hawley, fervent critique des GAFA il s’agit « du procès pour abus de position dominante le plus important en une génération ».
Pour retrouver trace d’un cas similaire, il faut remonter à 1998 (année d’ailleurs de la création de Google…) avec la procédure entreprise contre Microsoft, qui ne débouchera que six ans plus tard, et pour laquelle la firme de Bill Gates a frôlé la scission, comme le rappelle La Presse. Microsoft avait dû cesser toutefois de promouvoir systématiquement ses outils et proposer des concurrents à son navigateur Internet Explorer ce qui avait ouvert la voie à l’essor de… Google Chrome !
Les autorités américaines réclament des changements structurels chez Google, ce qui ouvre la porte à un démantèlement de certains pans du groupe.
Rappelons que derrière Google, ce sont tous les GAFA (Google, Amazon, Facebook voire Apple) qui sont dans le collimateur des autorités. Au niveau local, tous les États américains (sauf l’Alabama) ont d’ailleurs déjà lancé des enquêtes contre les GAFA.
Les parlementaires américains du sous-comité antitrust de la Chambre des représentants indiquait, le 6 octobre dernier dans un épais rapport de près de 500 pages :
Ces géants qui étaient autrefois des petites start-up, remettant en question le statu quo, sont devenus le genre de monopoles que nous n’avions pas vus depuis l’ère des barons du pétrole et des magnats des chemins de fer. »
Un message quasi identique présent dans l’acte d’accusation de 64 pages :
Il y a deux décennies, Google est devenu l’enfant chéri de la Silicon Valley en tant que jeune pousse ambitieuse avec une façon innovante d’effectuer des recherches dans l’internet alors émergent. Il y a longtemps que ce Google n’existe plus. Aujourd’hui, il s’agit du gardien d’un monopole de l’internet, et une des entreprises les plus riches du monde, avec une capitalisation boursière de 1000 milliards US et des revenus dépassant les 160 milliards US. »
4. Et maintenant ?
La bataille s’annonce longue et sera sujette à des rebondissements. D’ailleurs, les investisseurs ne se sont pas particulièrement inquiétés : l’action de Google était même en légère hausse dans la matinée de la nouvelle.
Il faut dire que la firme californienne s’attendait à la nouvelle, étant donné la publication de sa réponse sur son blogue le jour même. Pour elle, « la poursuite est profondément imparfaite et ne fera rien pour aider les consommateurs ».
En 2018, Google avait écopé d’une amende de 4,3 milliards d’euros de la part des autorités européennes de la concurrence pour pratiques déloyales. Affaire à suivre donc.
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