De nouveaux profits pour les grandes chaînes d’alimentation !
Par La Rédaction
Dès que les grandes chaînes d’alimentation ont compris que la clientèle immigrante représentait un potentiel avantageux à exploiter, ils se sont empressés de garnir quelques tablettes de leurs supermarchés d’une variété de produits exotiques. Les aliments qu’on y retrouve doivent refléter le multiculturalisme du quartier dans lequel elles ont pignon sur rue, ce qui fait que ces nouveautés exotiques n’apparaissent pas de manière uniforme dans toutes les épiceries.
Par exemple, les supermarchés situés à Brossard, ont tout intérêt à miser davantage sur les produits asiatiques, vu la clientèle qu’on y retrouve en grand nombre. Un bel exemple de ce reflet culturel se retrouve dans le quartier de St-Léonard, principalement connu pour sa communauté italienne qui, depuis quelques années, a du céder sa place à la communauté musulmane qui ne cesse de peupler ce secteur de la métropole. Croyez-moi, les supermarchés se sont rapidement ajustés à cette mutation.
Étant donné que les produits exotiques ne sont pas tous importés, l’intérêt grandissant pour ceux-ci représente également un marché florissant pour les entreprises de transformation alimentaire, dont certaines compagnies se sont implantées à Toronto ou à Vancouver pour fabriquer ces produits multiethniques.
Contrairement au vieux dicton « l’offre crée la demande », dans ce cas-ci, c’est la demande qui crée l’offre !
Ce qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd car c’est en mesurant l’ampleur de cette demande, que le président de CLIC International, Assaad Abdelnour, ancien propriétaire d’un Métro à Laval, a entrepris en 1984, d’importer des produits exotiques pour fournir les supermarchés. Spécialisée dans l’importation de certaines denrées spécifiques à ses débuts, l’entreprise offre aujourd’hui une variété de plus de 1 500 produits d’origine étrangère. N’étant plus strictement limitée à l’importation, la firme s’approvisionne parfois auprès d’agriculteurs québécois et transforme elle-même certains aliments ; par exemple, les pois chiches se métamorphosent en humus (genre de tartinade).
Similairement, la boulangerie Arouch qui a vu le jour en 1978, cuisine dans son usine de Laval, des pizzas arméniennes, grecques, libanaises, turques et syriennes, qu’elle distribue dans une trentaine de magasins d’alimentation au Québec depuis 2003.
L’enthousiasme grandissant des Québécois pour les mets exotiques
De toute évidence, la présence des immigrants et leur arrivée massive ainsi que la diffusion de certaines émissions culinaires ont créé un enthousiasme, chez les Québécois, pour les mets exotiques. La multiplication des restaurants et leur plus grande diversité, un meilleur choix de livres de cuisine et les cours d’art culinaire du monde, contribuent également à susciter l’intérêt pour cette nouvelle cuisine à découvrir, sans compter le nombre de Québécois qui, depuis une bonne quinzaine d’années, voyagent plus et souhaitent retrouver ce même exotisme dans leurs assiettes.
Les bienfaits de certains aliments, notamment le thé vert et le curcuma, respectivement d’influence japonaise et indienne, se sont propagés rapidement concourant aussi à accroître la popularité des produits ethniques.
Les épiceries doivent être à l’écoute des clients et répondre à cet engouement de la part des Québécois. Chez Métro, tous les moyens sont bons pour satisfaire les consommateurs ; sondages, visite de magasins d’alimentation à l’étranger, participation aux salons internationaux agro-alimentaires, groupes de discussions avec des consommateurs, études de marché, de localisation, etc., etc. Et ils ne sont qu’un exemple parmi tant d’autres.
Bref, les grandes chaînes d’alimentation du Québec s’ouvrent sur le monde et les tablettes des supermarchés regorgent de produits des plus variés. Le « steak-patates-petit pois » semble avoir perdu sa popularité au profit de sushi, de tortillas, de poulet tandouri et autres.
Est-ce la fin des petites épiceries spécialisées ?
Bien que ces grandes chaînes d’alimentation offrent de plus en plus d’aliments venus d’ailleurs, les petites épiceries spécialisées ne semblent pas redouter la concurrence pour autant. OUF !
Seulement à Montréal, un bon nombre d’épiceries et de marchés à saveur exotique sont installés depuis plusieurs décennies et font toujours de bonnes affaires prospères.
Par exemple, depuis 1954, la célèbre épicerie Milano, située en plein cœur de la petite Italie sur le boulevard St-Laurent, est une institution connue et renommée. Avec une clientèle majoritairement composée d’Italo-Québécois, d’année en année, on y retrouve dorénavant de plus en plus de Québécois « pure laine ». Selon son gérant, Angelo Formarolo, les 300 variétés d’huile d’olive disponibles, son délectable parmesan, ses pâtes fraîches et ses ‘saucisses-maisons’ en on fait sa notoriété en plus des autres produits de première qualité bien sûr et de ses bons prix de vente. Par conséquent, la concurrence des supermarchés ne représente aucun problème pour lui et c’est avec fierté qu’il proclame ne pas avoir besoin d’aucune publicité, le bouche-à-oreille fait le travail.
Il y a 23 ans, rue Bélanger, le supermarché Andes, épicerie sud-américaine ouvrait ses portes. Ce resto-boucherie-épicerie propose un éventail de produits mexicains, colombiens et péruviens. Avec une clientèle à 80 % d’origine latino-américaine, l’arrivée de nouveaux immigrants contribue constamment à son accroissement et de plus en plus de Québécois fréquentent l’endroit. La gérante, Maria-Angelica Pabon, affirme que : « la qualité du service et des produits » favorisent la bonne réputation du supermarché et elle non plus, ne redoute pas du tout, la concurrence.
Quant à la boulangerie Samos, installée depuis 1951 au cœur du Plateau Mont-Royal, elle approvisionne en pâtisseries, en spanakopitas (feuilletés aux épinards) et en délicieuses nata (petites tartelettes portugaises à la crème), les Grecs, Portugais et Québécois, en plus de fournir les pâtisseries de nombreux restaurants grecs. Aucune concurrence ne semble faire partie des préoccupations et la réussite de l’établissement est due à l’authenticité des produits en étalage, lesquels n’ont rien à voir avec les pâtisseries grecques industrielles ou toutes autres denrées congelées. Au dire de son propriétaire, Peggy Kottis, « le secret est dans la sauce ».
Je m’en voudrais d’omettre l’authentique supermarché ouest-africain du quartier Parc-Extension à Montréal où Ghanéens, Maliens, Sénégalais sont nombreux à venir s’acheter du manioc, des épices, du poisson fumé et autres produits typiquement africains. De plus en plus populaire auprès des Québécois, certains partent même de Trois-Rivières et de Québec pour y faire quelques emplettes.
En province, les épiceries exotiques ne sont peut-être pas aussi nombreuses mais elles desservent une clientèle fiable et offrent l’occasion aux « locaux », de goûter à d’autres saveurs un peu plus inusitées que le Chop Suey du # 3 pour 2, au resto chinois du coin !
Le seul « hic », est que les grandes chaînes dont le profit passe avant tout, se sont empressées de sauter sur l’occasion et par conséquent, lésinent sur la qualité des produits offerts. Combien d’entre elles, affichent un prix dérisoire simplement parce qu’il est question d’un produit à connotation étrangère ? Et quel produit étrange ! Bien souvent, ce dernier n’a rien à voir avec celui qu’on retrouve dans le pays d’origine. Les ingrédients diffèrent donc la saveur n’est pas du tout la même. Encore une fois, le consommateur est trompé.
Mesdames et messieurs des hautes sphères de l’alimentation, cessez d’exploiter les consommateurs car en fait, ce sont eux qui vous font vivre, non ?
Le 11 janvier 2010
Source :
Emmanuelle Gril, Sylvie Rivard, articles intitulés « Acheter local, manger global » et « Ici comme ailleurs », Magazine Jobboom, mars 2008