Femmes de l’industrie: rencontre avec Marie Amiot, PDG de La Factry Reviewed by Aurore Le Bourdon on . Isarta Infos rencontre ce mois-ci Marie Amiot, une des fondateurs de La Factry, l'école de créativité récemment lancée à Montréal. Elle nous parle de son parcou Isarta Infos rencontre ce mois-ci Marie Amiot, une des fondateurs de La Factry, l'école de créativité récemment lancée à Montréal. Elle nous parle de son parcou Rating: 0

Femmes de l’industrie: rencontre avec Marie Amiot, PDG de La Factry

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Isarta Infos rencontre ce mois-ci Marie Amiot, une des fondateurs de La Factry, l’école de créativité récemment lancée à Montréal. Elle nous parle de son parcours, de sa vision du métier et donne des conseils aux jeunes femmes en début de carrière. 

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Pouvons-nous faire un petit tour d’horizon de votre parcours professionnel?

Marie Amiot: c’est drôle parce que souvent, quand on regarde mon parcours, on a l’impression qu’il est atypique, avec des mélanges de genres un peu originaux. Or, pour moi, il y a un fort fil conducteur et j’ai le sentiment que tout ce que j’ai fait jusqu’à présent allait me mener ici.

J’aime bien dire que je suis à la frontière entre les hémisphères droit et gauche du cerveau: en début de carrière, par exemple, j’ai hésité entre me lancer en musique ou en droit. C’est le droit qui l’a emporté mais je faisais de la propriété intellectuelle, donc j’étais en contact permanent avec des artistes. J’ai adoré la rigueur intellectuelle et la formation en droit mais j’ai vite réalisé que je n’étais pas du bon côté de la table: j’avais beaucoup plus le goût d’aller bâtir et créer avec les gens qui venaient me rencontrer que de réparer les pots cassés. Comprendre ça a été le premier point tournant de mon parcours.

J’ai ensuite fait un MBA en marketing suite à un DESS en gestion d’organismes culturels, avant de faire un petit passage non prévu en politique, à Patrimoine Canada – encore tout près de la création et de la culture. Le restant de ma carrière s’est fait à moitié en entreprise, à gérer les communications ou le développement des affaires et à moitié en agence, où j’étais en charge des relations clients.

Au fil du temps, une chose s’est confirmée en moi: c’est combien j’aime les projets qui ont un impact sur la collectivité. J’aime travailler pour des causes qui sont plus grandes que moi, finalement!

Après avoir fait un bon bout de temps en agence, j’avais le goût de me poser quelque part et il s’est ouvert une opportunité à la Fondation Chagnon, pour être responsable des communications sociétales. J’ai adoré cette expérience, mais il me manquait encore le côté entrepreneurial. Et puis l’année dernière, avec Philippe Meunier et Hélène Godin (les deux autres fondateurs de La Factry, ndlr.) une idée folle nous traverse l’esprit: créer La Factry.

Cette envie de partir sa propre affaire est-elle venue avec le temps, ou vous y pensiez depuis longtemps?

Marie Amiot: je pense que j’ai toujours été naturellement intrapreneuriale, c’est à dire que dans les grandes entreprises, j’étais déjà quelqu’un qui aimait lancer de nouvelles initiatives.

En agence, de facto on se renouvelle sans arrêt mais peut-être que voilà, maintenant, je n’ai plus le goût de le faire pour les autres. Je voulais avoir plus de contrôle, faire partie de l’équipe de tête et du cercle d’influence de façon beaucoup plus marquée.

«Notre industrie est ouverte au mélange des genres: proposons ce mélange, forçons-le même un peu s’il le faut »

Comment est venue l’idée de La Factry?

Marie Amiot: c’est une combinaison de parcours individuels et je pense que parfois, dans la vie, les astres s’alignent et il faut saisir cette occasion!

Sans parler pour mes partenaires, c’est certain que Philippe ayant bâti Sid Lee, il s’y connaît en créativité. Hélène a démarré avec lui tous les concepts de Bootcamp de l’agence. Ugo Cavenaghi du Collège Sainte-Anne et Dominique Villeneuve de l’A2C réfléchissaient depuis quelques mois déjà à l’idée de développer des formations axées sur la créativité. Quant à moi, j’ai toujours défendu l’idée qu’une bonne gestion des communications et des marques est un outil extrêmement puissant pour une entreprise.

Je pense donc que nous étions tous convaincus, à la fois dans nos têtes et dans nos pratiques, que la créativité change le monde. Ce qui nous a aidés aussi, c’est de parler à différentes personnes autour de nous, ce qui a vite confirmé le besoin dans le marché pour une initiative comme la Factry. Et puis il y a un an, à C2 Montréal, on était prêts à écrire un nouveau chapitre de nos carrières respectives: c’est là que tout s’est décidé.

Votre carrière compte tout de même quelques virages, cela prend-il un trait de personnalité particulier, selon vous?

Marie Amiot: au risque de donner une réponse un peu cliché, je dirais qu’il faut se faire confiance et ne pas se mentir, à la fois. Lors des moments où j’ai en apparence fait de grands sauts, c’était parce qu’il y avait un malaise en moi: au lieu de le camoufler, j’y ai toujours fait face.

Ca prend du courage mais je pense que j’ai en moi cette intuition, que j’accueille et écoute. Et à chaque fois, c’est allé vers du mieux.

Le lancement d’une nouvelle entreprise représente beaucoup d’investissement et de temps: comment gérez-vous la conciliation vie professionnelle et vie privée?

Marie Amiot: j’ai la chance d’avoir un conjoint avec qui c’est 50/50. Chacun prend le relais de l’autre quand il le faut. On a trois enfants ensemble, et cette dynamique fonctionne bien pour nous.

J’ai vite réalisé aussi que je suis une meilleure mère quand je travaille. Quand je m’accomplis professionnellement ça me donne beaucoup d’énergie pour tout le reste. Concernant la logistique proprement dite, mes enfants sont grands maintenant donc ce n’est plus un problème mais quand ils étaient en bas âge, je n’ai jamais hésité à demander de l’aide, ne serait-ce que pour faire le ménage, par exemple.

J’ai toujours dit que pour concilier travail et famille, ça prend un bon conjoint, un bon sens de l’humour et parfois, une bonne bouteille de vin! [rires]

Oui, c’est demandant, mais je voulais avoir une belle carrière et une belle famille, et avec quelques compromis d’un bord et de l’autre, on y arrive, et je suis très heureuse de ma situation.

«Les femmes doivent arrêter de commencer leurs phrases par « Je m’excuse » ! »

L’A2C parle de 64% d’hommes en création dans notre industrie au Québec, et 83% de femmes au service-conseil: est-ce quelque chose que vous avez également noté lors de votre parcours? Est-ce que vous l’observez dans les inscriptions à La Factry? 

Marie Amiot: oui, je l’ai vu, et sans connaître toutes les explications je dirais peut-être que les femmes sont plus à l’aise avec la notion de conseil, et sont meilleures pour épauler et être au service des clients?

Dans notre cohorte collégiale, à date, c’est vraiment moitié-moitié. Mais je pense qu’il y a peut-être un enjeu culturel, même si c’est cliché de le dire: encore aujourd’hui, on élève les garçons à être courageux et les filles à être parfaites. Les femmes osent moins prendre de risques, semble-t-il.

Je pense aussi que malgré tout, les règles du jeu sont encore très masculines dans le domaine publicitaire. J’ai toujours senti que les gens de notre industrie accueillaient très favorablement les femmes mais que la façon de juger la performance favorise une approche plus masculine.

C’est comme en sport: si je suis une bonne coureuse de fond ou une bonne gymnaste  mais qu’on joue seulement au football ce sera plus difficile pour moi d’être performante et de progresser. C’est une analogie un peu étrange [rires] mais que je trouve finalement assez vraie.

Par quoi passe la solution à cela, selon vous?

Marie Amiot: je suis une femme d’action: la solution, pour moi, passe par l’action. En tant que femme, être un modèle, essayer des choses, partager avec d’autres filles, etc… Tout ça est beaucoup plus efficace à mes yeux que de se questionner trop longtemps sur «a-t-on un problème, d’où vient-il, à qui la faute?».

Notre industrie est ouverte au mélange, alors proposons ce mélange, forçons-le même un peu s’il le faut. La solution, on la trouvera tous ensemble.

Qu’aimez-vous le plus, et le moins, dans votre nouveau quotidien d’entrepreneure?

Marie Amiot: j’adore l’énorme potentiel québécois, l’énergie, le plaisir et la volonté de bâtir. Quand on y croit, ça marche, c’est euphorisant.

J’ai plus de misère, personnellement, avec les gens qui sont trop coincés dans la bureaucratie ou ceux qui cherchent les bibittes! Quand on lance quelque chose de nouveau, par définition: c’est nouveau et ça bouscule le statu quo! Et ça me dérange quand on pointe du doigt ce qui ne va pas, que l’on cherche l’erreur ou un coupable. Je suis plus du genre à chercher une solution, ensemble, qu’à chercher des coupables.

Dans un startup comme le nôtre, il n’y a pas de place pour ça. Heureusement mes collègues et les partenaires qu’on attire regardent eux aussi vers l’avant.

Quels conseils donneriez-vous à une femme en début de carrière, avec le recul?

Marie Amiot: le conseil que je donne le plus souvent c’est d’arrêter de toujours commencer ses phrases par « je m’excuse ». C’est un réflexe que de nombreuses femmes ont, elles culpabilisent de ne pas être parfaites et c’est une erreur!

Dans un autre ordre d’idées, je dirais aussi que la générosité rapporte beaucoup plus que vouloir faire les choses uniquement pour soi. Oui, parfois, on a envie d’être plus reconnue, plus riche, mais le partage et le collectif nous amènent vraiment beaucoup plus loin que l’individualisme.

Si vous deviez définir votre carrière, à date, en deux mots, quels seraient-ils?

Marie Amiot: je prendrais deux verbes: bouger et mélanger!



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