La leçon de communication de M. Jean Béliveau
Par Christian Bolduc
3 décembre 2014 – Depuis l’annonce de son décès, hier soir, le Québec – et tout le monde du hockey par extension – est en deuil de Jean Béliveau. L’onde de choc est tellement forte, ici et ailleurs dans le monde, qu’on peut la comparer, en intensité, à la mort de René Lévesque en 1987. Le nom de Jean Béliveau est littéralement sur toutes les lèvres.
Plusieurs médias, qu’ils soient électroniques, imprimés ou télé, sportifs ou généralistes ont cessé leurs émissions régulières pour rendre hommage à  cet homme d’une espère rare. L’Assemblée nationale du Québec et l’Hôtel de ville de Montréal ont même mis leur drapeau en berne ce matin. Tout le monde l’aimait et le respectait d’abord pour ses qualités humaines.
L’ancien capitaine du Canadien de Montréal aura donc été, pendant plus de 40 ans, l’ambassadeur du club après une remarquable carrière dans la Ligue nationale de Hockey. Grand, svelte, élégant sur et à l’extérieur de la patinoire, gentilhomme jusqu’au bout des doigts, digne, fier et toujours respectueux, M. Béliveau a eu pour tâche de faire le lien entre les partisans et l’organisation.
Professionnel de la communication et des relations publiques sans avoir de formation académique, le grand Jean a néanmoins permis à cette organisation de maintenir et renforcer son image de marque auprès de tous les amateurs de hockey à travers le monde.
Constamment sollicité par des entreprises qui voulaient profiter de sa notoriété, et acceptant les invitations pourtant nombreuses sans jamais rechigner, M. Béliveau possédait un rare charisme auprès des gens. Mais qu’est-ce qui faisait de lui l’homme ainsi vénéré aujourd’hui?
La réponse, simple, se résume par ceci: une combinaison d’intégrité, de générosité, de positivisme, de loyauté, de très grande humilité, d’humanisme et d’abandon. Chacun de ses gestes, qu’ils aient été posés dans sa vie privée ou dans sa vie professionnelle, allait en ce sens.
Et les témoignages à cet égard son nombreux. En voici quelques uns glanés ici et là sur les ondes radiophoniques et télévisuelles ce matin:
Alors que j’arrivais avec le club de hockey Canadien, à l’âge de 18 ans, Jean Béliveau m’avait apostrophé dans le stationnement du vieux forum. Impressionné par ce geste volontaire, j’avais écouté les deux conseils qu’il voulait me prodiguer: faire des passes plus lourdes et rapides, et lancer au but plus souvent. Après cette brève et pourtant mémorable rencontre, je suis devenu un meilleur joueur. Et c’est à partir de ce moment-là que mon surnom de « bleuet bionique » est né. »
– Mario Tremblay
À chaque jour, lorsqu’il arrivait au bureau, M. Béliveau prenait quelques heures pour répondre personnellement à tous les gens qui écrivaient à l’organisation. Avec, en moyenne, plus de 50 lettres par jour, M. Béliveau se faisait un devoir d’écrire un mot gentil à chacun. »
– Bernard Brisset, vice-président aux communications du Canadien de Montréal, 1993-2000
Je me rappelle d’une conversation avec Jean Béliveau alors que, jeune recrue, je lui rappelais ses années passées avec mon père Émile, lequel était capitaine du club lorsque Jean est arrivé avec l’équipe. Il m’a dit ceci: « il est temps de partir lorsque tu joues successivement avec le père et son fils durant ta carrière. » Mais mon meilleur souvenir de Jean est cette droiture qu’il imposait par sa dignité, une dignité qui empêchait quiconque de salir la réputation du club, du jeu ou de lui-même. À ce niveau, il était intraitable. On pouvait rire avec lui, mais en respectant toujours les autres, le logo et l’organisation. »
– Pierre Bouchard, membre de la dynastie du Canadien de Montréal dans les années 1970, et fils d’Émile « Butch » Bouchard
Je me souviens d’avoir rencontré M. Béliveau sur la rue, à Longueuil, alors que je sortais de funérailles particulièrement éprouvantes. En le saluant, parce que je l’avais déjà interviewé par le passé, il m’a demandé pourquoi j’avais ce regard d’enterrement. Après lui avoir répondu, il m’a dit, avec toute l’humanité qui le caractérisait: « la vie est belle et mérite d’être vécue ». J’étais reparti en ayant en tête le souvenir d’un homme généreux et très humain. Un vrai leader, qui s’occupe de son monde. Tout son monde. »
– Gildor Roy, animateur, chanteur et acteur
Il n’y a personne comme lui dans l’histoire de la Ligue nationale de hockey. Il incarnait la classe, la grâce et la noblesse autant sur la patinoire qu’à l’extérieur. »
– Wayne Gretzky
Évidemment, tous les gens ne sont pas et ne peuvent pas être aussi charismatiques que Jean Béliveau. Ses accomplissements professionnels, sa posture publique, son travail accompli aux relations communautaires du Canadien de Montréal, son aura, son tempérament et sa très forte personnalité en ont fait un être d’exception. Mais cet être d’exception, qui a largement contribué à donner ses lettres de noblesse à un sport ainsi qu’à une marque aussi prestigieuse que le Club de hockey Canadien, peut servir d’exemple pour les professionnels de la communication et des relations publiques.
Un modèle de probité dans ses rapports aux médias, aux fans, aux partenaires commerciaux, aux sportifs ainsi qu’aux badauds rencontrés au hasard de ses occupations. Car si Jean Béliveau a été un ambassadeur unique pour la marque du Canadien de Montréal, ce sont surtout ses valeurs d’intégrité qui ont contribué à faire de cette organisation la plus prestigieuse et la plus respectée sur la planète hockey.