Le commerce électronique, ou chronique d’une mort (injustement) annoncée (du commerce de détail)!
Par Christian Bolduc
15 octobre 2014 – La montée inéluctable du commerce électronique, qui est consécutive à la popularité grandissante des appareils mobiles de communication et à la prolifération des technologies de transmission efficaces, amène son lot de projections qui vont parfois jusqu’à la mort annoncée du commerce de détail traditionnel.
Sans le dire ouvertement, ORC International prévoit un glissement suffisamment important du commerce « brique et mortier » au profit du e-commerce pour annoncer le déclin du magasinage dans des lieux physiques.
Supporté par une étude de comScore pour le compte de UPS, ce résultat, publié par ORC International et relayé par eMarketer dont les titres sont souvent et volontairement ambigus, commet la même erreur d’interprétation que tous les experts qui prédisent la fin d’une tendance avec l’arrivée d’un nouveau mode de communication.
Ça a été le cas de la radio lorsque la télévision est apparue. Même chose avec la télévision lorsque Internet s’est installé dans le quotidien des collectivités. Et que dire de l’imprimé lorsque le code morse (transmission plus rapide de messages codés) a été inventé?
Un allié?
Or, le code morse mis à part, aucun de ces modes de communication n’a disparu de la circulation. Alors pourquoi annoncer le déclin définitif du commerce de détail traditionnel? Comme le disaient les professeurs Luc Dupont et Jacques Nantel dans des entrevues séparées, le commerce électronique est et sera davantage un allié pour le commerce de détail plutôt que son tombeur. Pourquoi?
L’arrivée d’un nouveau joueur oblige généralement les autres à s’adapter afin de prendre la niche qui leur convient et se battre dans ce créneau. Et dans le cas qui nous occupe, l’introduction d’une nouvelle variable au commerce de détail amènera forcément un recentrage de certaines stratégies autant par les « pure players » (qui sont seulement sur le Web) que les joueurs traditionnels.
Un furetage en ligne et en magasin
C’est ce qu’affirmait le professeur Nantel en prévoyant une réduction de 25% des espaces physiques dans les commerces de détail d’ici 2024. Une réduction d’espace qui se transférera généralement ( + ou – ) en ligne pour plusieurs secteurs. Il faut cependant dire que le furetage (showrooming), qui est le moyen par lequel un consommateur peut repérer en magasin un produit ou un service qui sera éventuellement acheté moins cher en ligne, peut faire mal au commerçant ayant pignon sur rue.
Évidemment, toutes les transactions commerciales ne pourront jamais être exclusivement effectuées en ligne. Des secteurs d’activités, notamment les vêtements et les souliers, auront toujours besoin d’un lieu physique où accueillir leur clientèle. D’ailleurs, et le phénomène est aussi vieux que le Web, on constate que les consommateurs font également l’inverse: magasiner en ligne avant de se présenter au magasin pour acheter.
D’autres secteurs – on peut aisément penser ici aux disques, livres et appareils électroniques qui voient la concurrence s’accroître via Internet – devront, de leur côté, trouver des stratégies nouvelles afin d’attirer les clients chez eux (prix, promotions, avantages de livraison, etc.).
Marginalisation du commerce ayant pignon sur rue?
Et même si ORC International prévoit que 65% des consommateurs Web à l’échelle mondiale achèteront des produits directement du manufacturier dans les prochaines années (quels produits, à quelle fréquence et pour combien de dollars? Ça, personne ne le sait!), le déclin du commerce de détail doit être pondéré par tous ces facteurs.
Le mot de la fin revient cependant au professeur Luc Dupont qui affirmait, lors de sa présentation sur les 5 tendances d’avenir en commerce électronique et réseaux sociaux: « que le commerce électronique est l’allié du commerce de détail, pas son ennemi. »
En filigrane, cette assertion vient confirmer que le Web est là pour rester et que les commerçants, pour survivre, devront en faire un usage judicieux de ces nouveaux outils sans (trop) résister.
Car malgré son envahissante et souvent pratique présence, le Web ne peut offrir la proximité humaine qu’un lieu physique et des êtres humains peuvent apporter au consommateur. La plus récente preuve de cette réalité est l’ouverture d’un premier magasin ayant pignon sur rue à New-York pour Amazon.
Et ça, le Web, les tablettes, téléphones « intelligents » et autres applications, aussi utiles puissent-ils être, ne sont pas de taille dans certaines niches commerciales.
Aussi bien s’y faire tout de suite car la cohabitation est là pour rester!