Les femmes seraient plus souvent victimes de cyberharcèlement que les hommes
Par La Rédaction
8 juin 2018
En matière de cyberharcèlement, mieux vaut être un homme, avoir de hauts revenus et vivre au Québec, selon une étude récente de Statistique Canada.
2,5 millions. C’est, selon l’étude que vient de publier Statistique Canada, le nombre de personnes au Canada qui déclarent avoir fait l’objet de cyberharcèlement au cours des cinq années précédant l’enquête. Cela représente tout de même 7 % des utilisateurs d’Internet de 15 ans et plus !
Avant d’analyser plus en détail ce rapport, il convient tout de même d’apporter quelques précisions sur la méthodologie utilisée, afin de bien définir ce dont il est question ici.
Cette étude provient des données de l’Enquête sociale générale de 2014 sur la sécurité des Canadiens. Plus de 33 000 répondants avaient participé à l’époque mais, dans cette étude sur le cyberharcèlement, seules les personnes ayant indiqué avoir utilisé Internet au moins une fois au cours des cinq années précédant l’enquête ont été prises en compte.
Le rôle central de la peur dans la définition du cyberharcèlement
Plus important : la définition du cyberharcèlement. L’étude s’est basée sur les réponses à deux questions spécifiques qui étaient précédées chacune de « Au cours des cinq dernières années, avez-vous été la cible d’une attention répétée et non souhaitée vous ayant fait craindre pour votre sécurité ou la sécurité d’une personne de votre connaissance? C’est-à -dire… ».
- Est-ce qu’une personne vous a envoyé des messages importuns au moyen de courriels, de textes, de Facebook ou de n’importe quel autre site de médias sociaux?
- Une personne a-t-elle déjà publié des photos ou des renseignements inappropriés, indésirables ou personnels vous concernant sur un site de réseau social?
Par rapport à d’autres formes de victimisation en ligne comme la cyberintimidation, le cyberharcèlement se distingue par la notion de peur ressentie par le répondant.
Il est important de reconnaître que les différences entre les sexes relativement à la peur peuvent jouer un rôle dans la probabilité d’autodéclarer du cyberharcèlement. Des recherches précédentes laissent croire que les hommes sont plus susceptibles que les femmes de minimiser ou de ne pas divulguer leur peur de la criminalité », est-il indiqué dans le rapport.
Cela ne remet pas en cause l’apport de l’étude mais cela invite à un approfondissement du sujet pour neutraliser ces biais déclaratifs (et justifie l’emploi du conditionnel dans notre titre).
Les jeunes femmes plus touchées
Car l’enseignement majeur de cette enquête est qu’en matière de cyberharcèlement, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.
Les femmes sont en effet plus susceptibles de déclarer avoir été victimes de cyberharcèlement (8 %) que les hommes (moins de 6 %).
L’âge est également une variable qui a une influence. Le cyberharcèlement semble plus élevé chez les plus jeunes. Par exemple, 14 % des femmes de 15 à 24 ans avaient subi du cyberharcèlement comparativement à 7 % des femmes de 45 à 54 ans. Parallèlement, 9 % des hommes de 15 à 24 ans ont déclaré avoir fait l’objet de cyberharcèlement par rapport à 4 % des hommes de 45 à 54 ans.
Le Québec, province où le cyberharcèlement est le plus faible
Autre variable : la région. Et, c’est plutôt rassurant pour le Québec ! Chez les femmes, la prévalence du cyberharcèlement au Québec (5 %) était significativement inférieure à celle observée dans les provinces de l’Atlantique (1) (8 %), en Ontario (8 %) et dans les provinces de l’Ouest (2) (9 %).
Chez les hommes, la prévalence du cyberharcèlement était semblable au Québec (4%) et dans les provinces de l’Atlantique (5 %), mais la prévalence du cyberharcèlement au Québec était significativement inférieure à celle observée en Ontario (7 %) et dans les provinces de l’Ouest (6 %)
Les femmes mariées moins susceptibles d’avoir subi du cyberharcèlement
La situation maritale semble également avoir une influence sur le cyberharcèlement. Les femmes en union libre étaient plus susceptibles que les femmes mariées d’avoir subi du cyberharcèlement (7% par rapport à 4 %), alors que la différence n’est pas significative pour les hommes.
Les femmes et les hommes célibataires (jamais mariés) et ceux qui sont séparés ou divorcés étaient également particulièrement plus susceptibles de déclarer avoir fait l’objet de cyberharcèlement.
Les revenus et l’expérience de violence passée, autres facteurs explicatifs ?
Plus surprenant, il paraît aussi y avoir une relation entre le revenu et la victimisation en ligne. Par rapport aux femmes ayant déclaré un revenu de moins de 40 000 $, les femmes ayant déclaré un revenu de 40 000 $ à moins de 80 000 $ affichaient une probabilité moindre d’avoir subi du cyberharcèlement (7 % par rapport à 11 %). Malgré tout, ce constat n’est pas corroboré chez les hommes.
De même en ce qui concerne les expériences passées de violence. La probabilité de subir du cyberharcèlement était, par exemple, significativement plus élevée chez les femmes ayant subi de la violence physique et sexuelle avant l’âge de 15 ans (15 %) et chez celles ayant subi l’une de ces formes de violence (10 %) que chez celles n’ayant pas déclaré avoir subi de violence pendant l’enfance (6 %). Les résultats sont cette fois-ci semblables chez les hommes.
On en revient à la question du début : est-ce que ces expériences passées influent plus sur le sentiment de peur déclaré que sur le cyberharcèlement en lui-même ?
A noter enfin que les femmes autochtones étaient plus susceptibles de subir du cyberharcèlement que les femmes non autochtones (15 % par rapport à 7 %), une tendance non observée par contre pour les hommes.
De la même manière, plus de 15 % des femmes homosexuelles ou bisexuelles ont déclaré avoir fait l’objet de cyberharcèlement, par rapport à 7 % des femmes hétérosexuelles (les résultats observés étaient semblables chez les hommes).
Des conséquences qui se perçoivent dans la suite de la vie des individus
L’étude se conclut par une approche sur les conséquences possibles du cyberharcèlement. Or il s’avère que les femmes ayant fait l’objet de cyberharcèlement au cours des cinq années précédentes affichaient une probabilité de 67 % de déclarer avoir une santé mentale « très bonne » ou « excellente », par rapport à 74 % de leurs homologues n’ayant pas fait l’objet de cyberharcèlement. Une relation semblable a été observée chez les hommes (70 % par rapport à 75 %).
De même, chez les femmes, une relation existait entre le fait d’avoir subi du cyberharcèlement et la satisfaction en matière de sécurité personnelle par rapport à la criminalité. Les femmes ayant fait l’objet de cyberharcèlement au cours des cinq années précédentes affichaient une probabilité inférieure de déclarer être « satisfaite » ou « très satisfaite » (80 %) de leur sécurité personnelle par rapport à la criminalité, comparativement à celles n’ayant pas subi de cyberharcèlement (86 %). Ce qui n’a pas été observée chez les hommes.
(1) Les provinces de l’Atlantique: Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador.
(2) Les provinces de l’Ouest : le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique
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