Les trolls anonymes auront-ils raison de Twitter ?
Par François Nadeau
18 mai 2021
La haine est omniprésente sur les médias sociaux, notamment sur Twitter. Alors que le réseau admet qu’il pourrait être plus difficile dans le futur de recruter de nouveaux adeptes, les trolls auront-ils raison de Twitter ?
Fin avril, Twitter annonçait ses résultats financiers pour le premier trimestre de 2021. En partie en raison de la pandémie, son nombre d’usagers est passé de 166 à 199 millions. L’entreprise mettait toutefois en garde les investisseurs que cette croissance risquait d’être plus limitée dans la prochaine année. Le recrutement de nouveaux usagers a d’ailleurs souvent été un enjeu pour Twitter.
Des personnalités connues qui en ont marre
Comme c’est le cas pour d’autres réseaux, Twitter lutte contre les propos haineux depuis longtemps. En 2018, une vaste étude indiquait qu’une femme y était harcelée toutes les 30 secondes.
Ce climat de haine a poussé plusieurs usagers à quitter la plateforme. Au Québec, début mai, quelques personnalités publiques expliquaient au journal Le Devoir avoir pris leurs distances des réseaux sociaux pour cette même raison.
C’est le cas d’Olivier Bernard, vulgarisateur scientifique mieux connu sous le nom de Pharmachien. Celui-ci avoue avoir dû prendre à quelques reprises des pauses des réseaux sociaux dans les dernières années, ayant même fait « une sorte de burn-out » en 2017, après avoir été plongé au coeur de plusieurs vagues de haine.
Aux États-Unis, Chrissy Teigen a aussi décidé en mars dernier de quitter (temporairement) la plateforme en raison du flot de haine et d’harcèlement dont elle était victime. Cette dernière compte plus de 13 millions d’abonnés et génère des milliers de conversations sur la plateforme depuis plus de dix ans.
Évidemment, pour chaque personnalité connue qui quitte Twitter, on se doute qu’une multitude d’usagers moins connus font de même dans l’ombre. Il n’est pas rare de lire que certains d’entre eux se retirent momentanément pour des questions « d’équilibre mental », comme l’a fait Olivier Bernard.
Sur Twitter, peu importe qui vous êtes ou le sujet sur lequel vous vous prononcez, vous êtes sujet à des commentaires pour le moins désobligeants. À titre d’exemple, plusieurs usagers ont récemment été insultés pour avoir publié une photo de leur bras vacciné, et François Legault a reçu un flot de commentaires haineux à la suite d’une publication sur la fête des Mères. Pas étonnant que Régis Labeaume ait conseillé à son successeur d’éviter les réseaux sociaux.
Des impacts possibles sur les revenus
Twitter n’a pas le monopole des propos haineux. Facebook doit notamment combattre ce fléau depuis des années. Toutefois, un usager de ce réseau qui s’en tient à des interactions avec son cercle rapproché d’amis n’y sera que très peu exposé. Ce n’est pas le cas sur Twitter. Par son format, il expose davantage ses abonnés aux contenus haineux qui circulent. Et même si ces derniers ne sont pas directement la cible de messages violents, ils risquent fort de les voir circuler dans leur fil d’actualité.
Plus le contenu haineux prolifèrera sur le réseau, plus nombreux seront les usagers qui quitteront Twitter ou qui cesseront d’y avoir des interactions.
Des impacts sur la qualité du contenu et les revenus
À long terme, on peut se questionner sur la qualité du contenu qui circulera sur Twitter si les vulgarisateurs scientifiques, artistes, journalistes, experts et autres hésitent à s’y prononcer à titre personnel.
On peut aussi se questionner à propos de l’impact sur les revenus du réseau.
Les dirigeants de Twitter savent qu’il pourrait être plus difficile de recruter de nouveaux usagers dans les prochaines années. En plus des boycotts possibles d’annonceurs, ils ne peuvent se permettre de perdre leurs adeptes actuels, encore moins les plus influents et les plus suivis. Les nouvelles fonctionnalités du réseau leur sont d’ailleurs largement destinées.
En contrepartie, on peut penser que les trolls anonymes qui sévissent sur le réseau ne représentent pas une cible bien intéressante pour les annonceurs. Mais pour l’instant, ils n’y sont encore que trop présents.