L’Internet gratuit de Facebook rencontre une forte opposition
Par François Nadeau
Offrir des services Internet gratuits aux plus démunis est à première vue un projet louable. C’est ce que tente de faire Facebook avec son projet Free Basics.
Pourtant, le géant des médias sociaux rencontre une vive opposition. Et en regardant la chose de plus près, on comprend mieux pourquoi.
Le principe de Free Basics est simple. En partenariat avec des opérateurs mobiles, il offre aux habitants de pays en voie de développement un accès gratuit via mobile à une série de sites Web.
Mais voilà où est le problème: qui détermine les sites accessibles?
En Inde, où la contestation envers le projet est particulièrement vive, on offre notamment l’accès à Babajob, un site d’emplois très populaire au pays, à Wikipédia, dictionnary.com et évidemment Facebook.
Toutefois, est-ce un hasard si YouTube ne fait pas partie de la liste des sites disponibles, ou encore si Bing a été préféré à Google comme moteur de recherche?
Pour les opposants aux projets, c’est la question de la neutralité du net qui est en jeu.
En Inde, des milliers de personnes militent sous le slogan Poor Internet for Poor People. Mi-janvier, ils ont même reçu l’appui de la Banque mondiale, qui se dit préoccupée par le fait de fournir l’accès à certains contenus à des prix différents.
En riposte, Facebook tente de rallier le plus de partisans possible à sa cause, en plus de se payer des publicités dans le but d’expliquer son projet.
L’organisation, qui se dit en faveur de la neutralité du net, indique notamment que Free Basics est ouvert à tous les opérateurs mobiles et fournisseurs Internet. Cependant, elle ne mentionne pas qu’il est ouvert à tous les fournisseurs de contenus.
Qui devrait payer la note?
Dans les pays en voie de développement, la valeur accordée à une connexion mobile est énorme.
En ce sens, l’objectif de connecter 4,5 milliards de personnes au Web est noble. Comment s’opposer, par exemple, à rendre accessibles gratuitement des sites d’emplois ou des services comme My Rights, qui offre du soutien et de l’information aux femmes indiennes à propos de la violence conjugale?
Selon Facebook, il s’agit uniquement de philanthropie. Mais ailleurs, l’initiative est plutôt vue comme une façon de faire croître la base d’usagers du réseau social, ainsi que ses revenus publicitaires, qui, autrement, risquent de stagner.
Dans plusieurs pays, Facebook est littéralement synonyme d’Internet. Dans ce contexte, faut-il s’inquiéter de la mainmise de l’entreprise sur la façon dont doit être consommé le contenu Web à certains endroits du monde? Devrait-on laisser aller le libre marché? Un service soutenu par la publicité serait-il plus démocratique? Et après tout, qu’est-ce qui empêche Google ou Microsoft d’offrir une solution similaire?
Au bout du compte, alors qu’Internet s’impose de plus en plus comme un service essentiel, il faudra que quelqu’un paie pour en fournir l’accès. Reste à déterminer qui est le mieux placé pour le faire.