Médias: quelle est la qualité de l’information que nous consommons? Reviewed by Aurore Le Bourdon on . La Toile des Communicateurs recevait en conférence, le 27 janvier dernier, Michel Lemay, auteur de Vortex, la vérité dans le tourbillon de l'information.  Le pu La Toile des Communicateurs recevait en conférence, le 27 janvier dernier, Michel Lemay, auteur de Vortex, la vérité dans le tourbillon de l'information.  Le pu Rating: 0

Médias: quelle est la qualité de l’information que nous consommons?

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La Toile des Communicateurs recevait en conférence, le 27 janvier dernier, Michel Lemay, auteur de Vortex, la vérité dans le tourbillon de l’information. 

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Le public reçoit-il vraiment l’information qu’il mérite?

C’est la question que se pose Michel Lemay. Pour ce spécialiste en communication stratégique, une partie de l’information que nous livre la presse est fausse, mise en forme et présentée de manière à manipuler l’opinion publique.

À qui la faute?

Lorsque l’on parle de qualité de l’information, la conversation arrive bien souvent sur la question des ressources: les effectifs journalistiques baissent, alors qu’il faut fournir de l’information toujours plus rapidement. Or, personne ne s’attarde vraiment sur la question des contrôles de la qualité ou des problèmes d’intégrité: c’est pourtant ça, le problème!», déclare Michel Lemay.

La forte concurrence dans le milieu des médias entraîne une véritable course au scoop et une escalade du sensationnalisme: arriver deuxième est devenu plus grave que transmettre une information erronée…

Une dynamique commerciale derrière laquelle se cache une certaine nervosité des médias en quête du Graal: s’assurer la fameuse exclusivité.

La presse fonctionne à haute vitesse, mais c’est la machine qui est pressée, pas le public!», ajoute M. Lemay.

Opération séduction

Pour plaire aux lecteurs, qui aiment voir leurs opinions et croyances confortées, les médias n’hésitent plus à transformer les nouvelles.

Pour ce faire, ils utilisent des techniques de cadrage, qui consistent à mettre en évidence certaines facettes d’une histoire ou d’un enjeu, afin de le faire ressortir sous un angle particulier (et donc possiblement biaisé).

Parmi ces techniques, on peut citer:

  • sélectionner les faits, en ne choisissant que ceux qui étayent le cadre;
  • sélectionner les sources, en n’allant consulter que les personnes dont la version confortera le cadre;
  • le choix des mots est rarement innocent: utiliser un vocabulaire connoté permet d’appuyer l’angle choisi;
  • traiter l’information de sorte qu’elle semble plus importante qu’elle ne l’est en réalité, en la plaçant en Une, par exemple;
  • inventer des faits ou des sources anonymes;
  • utiliser des manchettes exagérées (voire, trompeuses) par rapport au contenu de la nouvelle.

Ces histoires mensongères affectent à peu près toujours la réputation d’une personne ou d’une organisation. Personne n’est à l’abri. Cela soulève donc des questions d’ordre presque démocratiques, car le public est induit en erreur, bien qu’il soit plus ou moins conscient que cela existe», indique Michel Lemay.

Le conférencier, qui surveille et analyse depuis plus de 25 ans la façon dont les médias d’information traitent la nouvelle, estime que si la majorité des journalistes font bien leur travail, la règle du 80/20 s’applique dans ce contexte:

Même si elles ne représentent que 20% du volume, les histoires tordues occupent 80% de l’espace, car ce sont elles que l’on commente et que l’on partage», explique-t-il.

Lorsqu’une histoire est «bien» cadrée et qu’elle a du succès, les médias vont chercher à reproduire une nouvelle semblable: la priorité n’est alors plus de vérifier la véracité des faits, mais bien de surfer sur la vague de ce qui marche, en se disant que «si tout le monde le dit, alors ça doit être vrai».

C’est ce que j’appelle le Vortex. L’information internationale s’apparente à un gigantesque téléphone arabe. Une rumeur niée est une nouvelle, une réaction à des ouï-dire est un fait, une réaction à une réaction est une controverse. On ne se soucie même plus de corriger: le but est d’impliquer le public et de collectionner les réactions», explique l’expert.

Quid de la liberté de presse?

La liberté d’expression et la liberté de presse sont fondamentales, et accordées à tous selon la Charte canadienne des Droits et Libertés. Mais rien n’est mentionné au sujet des journalistes ou des médias.

Finalement, ce sont donc les traditions, les normes professionnelles et les tribunaux qui fixent les limites des libertés des journalistes.

Certes, on ne peut demander aux médias la perfection absolue, mais les journalistes ont tout de même une obligation de moyens. Le journalisme responsable, en fin de compte, c’est le fait de bâtir une nouvelle en posant les gestes qu’un confrère aurait posé», affirme Michel Lemay.

Ainsi, selon les tribunaux, une nouvelle fausse ne constitue pas nécessairement une faute, tout comme la véracité ne constitue pas nécessairement une défense (une nouvelle faute peut en effet être composée de phrases qui, prises séparément, sont vraies…).

En revanche, la question des corrections peut être amenée en cas d’information erronée, et c’est là que le bât blesse.

En tant que professionnel de la communication, il est de mon devoir de protéger la réputation de l’entreprise pour laquelle je travaille. Les premières impressions comptent beaucoup, et une seule nouvelle peut créer de sérieux dommages. Éviter d’arriver en situation de Vortex, c’est éviter de gérer une crise. Il faut donc intervenir dès que l’on sent du cadrage poindre à l’horizon», déclare le conférencier.

Pour contre-carrer le cadrage, M. Lemay conseille:

  • de signaler les erreurs au journaliste;
  • de demander un rectificatif;
  • de publier son propre rectificatif;
  • d’informer l’entreprise de presse;
  • de demander un droit de réponse;
  • de faire appel à la médiation (auprès du Conseil de Presse, par exemple).

Si la profession semble tolérer qu’une partie de l’information soit fausse, le revers de la médaille est plus violent du côté des lecteurs, qui affichent un désamour pour les médias: seuls 25% des Canadiens font confiance aux journalistes, classés en avant-dernière position des professions auxquelles la population accorde le plus de crédit.

Cette crise de confiance n’est une bonne nouvelle pour personne, mais c’est particulièrement gênant pour les journalistes dont l’essence même du métier est d’être crus», conclut Michel Lemay.

Procurez-vous le livre de Michel Lemay, Vortex, la vérité dans le tourbillon de l’information, pour aller plus loin sur le sujet.

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