Partage de main d’oeuvre : une solution pour faire face à la crise?
Par La Rédaction
10 juillet 2020
En avril dernier, l’Ordre des CRHA publiait un balado très instructif sur l’exemple concret du partage de main d’oeuvre, durant la crise de la COVID-19, entre BonLook et GoodFood. Voici son compte-rendu. De quoi donner des idées aux organisations dans les mois à venir ?
Dans l’épisode en question, l’animateur André Champagne s’entretient avec Jeremy Dion, CRHA, Directeur des ressources humaines chez la lunetterie BonLook et Marie-Josée Labelle, Directrice acquisition de talents chez GoodFood, entreprise montréalaise qui offre des boîtes prêtes-à-cuisiner. Cette dernière comptait à ce moment 230 000 membres partout au Canada et près de 3 000 employés, dont 2 700 au niveau de la production pour assembler les plats.
Ces deux entreprises québécoises ont connu des destins inverses durant le début de la crise de la COVID-19. Tandis que BonLook a dû mettre à pied 400 salariés le 16 mars dernier, du fait de la fermeture de ses boutiques, GoodFood, entreprise alimentaire donc considérée comme service essentiel, au contraire, voyait ses ventes progresser de 10 à 15 % par semaine et cherchait à recruter en conséquence.
Au début, nous avions très peu de visibilité sur les programmes gouvernementaux. Mais on sentait une responsabilité vis à vis de nos employés et on voulait être créatif pour essayer de les replacer temporairement, » se rappelle Jeremy Dion.
Dans le même temps, GoodFood cherche activement de la main d’oeuvre pour faire face à la hausse d’activité et le fait savoir notamment sur Linkedin.
À la base, nous cherchions des emplois permanents, explique Marie-Josée Labelle. Mais, comme on s’en allait vers l’inconnu, on s’est dit, pourquoi ne pas ouvrir la porte aussi à des personnes temporaires. »
Le risque du charme de GoodFood ?
Les choses se sont développées très vite dans la foulée. Les fondateurs des deux entreprises montréalaises ont pris contact ensemble et décident alors de joindre leurs forces.
Après l’annonce des mises à pied, on a, avec le département marketing, fait une communication pour expliquer notre partenariat avec GoodFood avec le lien de leur site d’emplois, » indique M. Dion.
L’enjeu était de taille : « prêter » ses salariés, c’est prendre le risque de ne plus jamais les revoir !
Évidemment qu’on s’est dit qu’on allait peut-être perdre des employés. Mais on avait notre responsabilité, on voulait leur donner des options. On avait bien sûr un peu peur qu’ils soient trop charmés par GoodFood mais nos gens sont capables de faire des choix en connaissance de cause et on leur a fait confiance. »
Marie-Josée Labelle se montre satisfaite de cette initiative même si elle est incapable de mesurer, concrètement, le nombre de personnes de BonLook qui sont venues travailler pour son entreprise.
On a vécu un véritable tsunami. On livrait 50 000 boîtes par semaine, on est monté jusqu’à 70 000 ! On a embauché de 200 à 300 personnes supplémentaires par semaine mais on a vite arrêté d’essayer de savoir de quelle entreprise ils provenaient car on était vraiment très occupé. »
L’avantage, souligné dans le balado, c’est que certaines compétences étaient parfaitement transférables entre les deux entreprises, que cela soit pour les métiers en entrepôt ou de service à la clientèle.
Le bouleversement de la PCU
Si Jeremy Dion ne peut pas estimer non plus le nombre de salariés concernés par ce partenariat, il indique toutefois que BonLook a gardé un contact avec tous ses employés mis à pied.
Chez nous, le traitement et le suivi était le même pour les employés encore en poste et ceux mis à pied. On avait des vidéoconférences une fois par semaine pour faire des mises à jour RH et garder le contact. Leurs gestionnaires étaient aussi toujours disponibles pour répondre à leurs questions. Il était important de garder une certaine uniformité du message pour tout le monde. »
Les mises à pied sont temporaires donc les personnes gardent le lien d’emploi. On les « adopte » temporairement en fait. Ils étaient en contrat et étaient payés aux mêmes salaires que nos employés permanents, » souligne Mme Labelle.
Si ce partenariat s’est mis en place avant le dévoilement des aides gouvernementales, la PCU est venue changer la donne par la suite.
La PCU est à 14 $ de l’heure. Un associé de production, c’est généralement 13,5 $ l’heure. Sachant que la personne doit prendre le transport. Donc on a dû adapter notre réalité et on a donc lancé une campagne sur le thème des Héros et on a bonifié la rémunération de 2 $ l’heure, » répond Mme Labelle.
Cette dernière constate toutefois que, depuis la PCU, le taux de personnes qui ne se présentent pas atteint les 40 à 50 % ! ce qui met à risque les rythmes de production. En plus de la question de la rémunération, il y avait aussi la question de la sécurité et de la tolérance au risque.
Des enseignements pour l’avenir ?
Au final, les deux intervenants se montrent particulièrement enthousiastes devant ce bel élan de solidarité et d’entraide. Chez BonLook, on pointe du doigt l’aspect mobilisateur et les effets en termes de fidélisation de la main d’oeuvre. De quoi donner des idées pour la suite ?
Plus globalement, je trouve qu’il faut qu’on arrive à travailler plus ensemble entre RH et aller au-delà de la compétition, » affirme Mme Labelle.
Elle cite des exemples d’entreprises qui connaissent une forte saisonnalité ou qui n’auraient pas les moyens d’embaucher une ressource clé à temps plein mais pourraient le faire en la mutualisant. Un enjeu d’autant plus fort en cette période qui s’annonce difficile pour les entreprises… et les salariés.
Pour réécouter le balado :
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