Publicité: gare aux données triées sur le volet
Par François Nadeau
Suite au congrès du Parti républicain tenu à Cleveland il y a quelques semaines, plusieurs médias ont analysé plus en profondeur les chiffres avancés par Donald Trump lors du discours de clôture de l’événement.
L’un des points les plus commentés et contestés par les médias est notamment le chiffre selon lequel les homicides auraient augmenté de 17% dans les 50 plus grandes villes des États-Unis, soit la plus grosse hausse en 25 ans.
Selon le Washington Post, en 2015, les homicides ont bel et bien augmenté dans 36 des 50 plus grandes villes des États-Unis. Toutefois, sur le long terme et sur l’ensemble du pays, le nombre d’homicides est en constant déclin depuis des décennies.
Les chiffres avancés par le candidat républicain à la présidence ne sont donc pas faux, mais en choisissant de limiter son analyse à une très courte période de temps, Trump a fait ce que le Washington Post et d’autres médias appellent du «cherry picking».
La pratique du «cherry picking» consiste à sélectionner les données qui permettent de mettre de l’avant la réalité que l’on souhaite ou encore à ignorer des données qui vont à l’encontre du point que l’on veut faire valoir.
Bien commode en politique, cette façon de faire est également bien présente en publicité.
Quatre médecins sur cinq recommandent notre produit
En publicité, il suffit parfois d’un médecin ou même d’un acteur déguisé en médecin pour accroître la crédibilité d’un produit auprès de certaines personnes.
Autre tactique commune: utiliser des données de sondages affirmant que les professionnels de la santé valident le produit. Toutefois, dans certains cas, les chiffres sont légèrement tournés à l’avantage de l’annonceur.
Dans les années 90, dans un cas notoire – repris notamment dans l’ouvrage Everydata – la compagnie Gerber a été condamnée pour publicité mensongère. L’entreprise affirmait en effet que «4 pédiatres sur 5 qui recommandent la nourriture pour bébé recommandent Gerber».
En fait, le pourcentage n’était que de 12%. Qu’est-ce qui explique un si grand écart?
Sur 562 pédiatres sondés par Gerber, 408 recommandaient l’utilisation de la nourriture pour bébé au moins une fois par semaine. Parmi ces 408 répondants, 332 ne recommandaient aucune marque en particulier. Autrement dit, Gerber a ignoré les pédiatres n’ayant recommandé aucune marque précise pour avancer son chiffre de «4 sur 5». Au final, 67 pédiatres recommandaient Gerber parmi un groupe de 76 ayant une préférence pour une marque en particulier, mais l’échantillon total sondé était de 562 répondants, et non 76.
Difficile de s’y retrouver dans tous ces chiffres? C’est peut-être là -dessus que comptent les organisations qui utilisent de telles pratiques.
Il n’y a pas qu’avec les chiffres qu’il est possible de faire du «cherry-picking». En 2014, le site Apple Insider remettait en contexte les citations d’experts utilisées par Samsung pour la publicité de son téléphone Galaxy S5. Dans plusieurs cas, même si la critique du produit faite par les experts était plus ou moins élogieuse, Samsung s’était assurée de ne prendre que les passages qui mettaient en valeur son nouveau téléphone.
Dans une société où l’information circule si rapidement, il n’est pas toujours possible de prendre le temps de retourner aux sources d’une donnée. À défaut de pouvoir le faire, gardons du moins une réserve sur les constats avancés par les annonceurs, qui, lorsqu’une donnée n’est pas à leur avantage, ont bien des chances de la balayer sous le tapis.