Que penser de la décision du gouvernement d’interdire l’écriture inclusive ?

14 octobre 2025
Le 24 septembre dernier, le gouvernement du Québec a annoncé qu’il interdisait dorénavant « l’utilisation des mots émergents tels que iel, toustes, celleux, mix ou froeur, ainsi que les doublets abrégés, comme l’administrateur/trice, les agent•e•s ou encore les étudiant.e.s dans toutes les communications de l’État ». Le rédacteur et formateur Charles Saliba-Couture se demande pourquoi avoir choisir d’interdire plutôt que d’encadrer ? Entrevue.
Annonçons d’abord que le sujet est délicat. Sur les quatre rédacteurs et rédactrices que nous avons sollicités pour commenter la nouvelle, un seul a accepté de répondre à l’invitation. Ayant adopté les codes de l’écriture inclusive lorsqu’il s’est lancé à son compte en 2020, le rédacteur Charles Saliba-Couture accompagne et forme aujourd’hui des OBNL qui veulent adopter une politique d’écriture inclusive. Il questionne d’abord le timing de la décision :
À mon avis, il y a un problème de priorité et d’instrumentalisation politique, dit-il. Est-ce vraiment une demande des citoyens et citoyennes? Est-ce vraiment ça la priorité du gouvernement? Quelle est l’intention du gouvernement de parler de ça maintenant? Et pourquoi carrément interdire certaines formes d’écritures inclusives plutôt que les encadrer? »
Le gouvernement a effectivement choisi « d’interdire » une des quatre formes d’écriture inclusive – les pronoms émergents ainsi que les doublets – alors qu’il continue de permettre l’écriture épicène et les doublets complets (par exemple : étudiants et étudiantes), sous prétexte de vouloir « mettre fin à la confusion linguistique ».
Si l’argument était réellement l’harmonisation des communications gouvernementales, le gouvernement aurait pu choisir d’encadrer la pratique de l’écriture inclusive, en adoptant une politique et un guide qui réserve certaines formes dans certains contextes. Encadrer, c’est différent d’interdire. Interdire, ça envoie un message d’exclusion. », insiste-t-il.
Une question de société
Charles Saliba-Couture rappelle que, dans la langue française, aucun choix d’écriture n’est vraiment neutre.
Qu’on choisisse l’écriture inclusive ou qu’on choisisse l’écriture qu’on nous a enseignée à l’école, qui est le masculin générique, qui l’emporte le féminin, il n’y en a aucun des deux qui est neutre. La question c’est de se demander : dans quel genre de société on veut évoluer? Qu’est-ce qu’on veut avoir comme langue? Est-ce qu’on veut qu’elle reflète justement la société aussi dans laquelle on évolue ? »
Dans une perspective « inclusive », le gouvernement aurait pu choisir l’encadrer l’utilisation des pronoms « émergents », dans un contexte précis.
Le gouvernement aurait pu permettre l’utilisation des pronoms non-binaires comme iel, seulement lorsque l’on parle à des personnes non-binaires par exemple. Plusieurs organisations font déjà cette recommandation et adoptent ce genre balise. »
Charles Saliba-Couture précise qu’il s’agit d’un exemple, pour illustrer que l’adoption d’une politique et d’un guide de pratique aurait pu assurer la cohérence et la clarté des messages gouvernementaux, tout en étant sensible à un auditoire de personnes « non binaires » souvent marginalisés.
Il faut se rendre compte que plusieurs femmes se reconnaissent également dans l’adoption des doublets abrégés. Et donc, je repose la question : pourquoi prendre une décision unilatérale, qui a pour effet d’exclure des personnes ou des groupes, sans en discuter ni en débattre ? Le gouvernement a cet habitude de prendre des décisions sans nuances, ni consulter les organismes concernés.»
Effectivement, le seul organisme cité par le gouvernement pour appuyer sa décision est l’Organisme de langue français. Voyons si les réactions du milieu communautaire convaincra le gouvernement d’adopter une approche plus collégiale et consensuelle sur la question.
Sur le même thème
gouvernement du québec


