Quelle place ont les femmes dans le monde du marketing numérique ?

8 mars 2023

À l’occasion de la Journée Internationale des droits des femmes, François Tremblay, de la firme de marketing de performance Crakmedia, propose une tribune sur la place des femmes dans l’industrie du marketing numérique.

L’industrie du marketing numérique englobe développement web, placement média, analyse de données, créativité et communication. Quelle place ont les femmes au sein de ce monde numérique?

Quelle place occupent les femmes dans le monde du web?

Le marketing numérique est une industrie complexe combinant le développement web, l’analyse statistique et de données, la gestion de produit, l’achat média, la création et l’optimisation de contenu etc. L’univers du marketing numérique est donc intimement lié au domaine des sciences et technologies. Notre industrie est de ce fait confrontée aux mêmes défis en matière d’équité et d’inclusivité que les STIM (Sciences Technologies Ingénierie Mathématiques).

Chez Crakmedia comme dans plusieurs entreprises, il est pour nous une priorité depuis longtemps d’encourager l’emploi de femmes au sein de toutes nos équipes. L’atteinte de cet objectif demeure un défi pour nous, tout comme pour tous les autres acteurs du domaine de la technologie, mais un défi qui nous est très important de relever.

Les statistiques du numérique au féminin

Alors que les femmes représentent environ 47 % de la main-d’Å“uvre totale au Canada, elles ne totalisent que 25 % des personnes employées dans les STIM. Cette disparité se retrouve également dans les établissements universitaires où les femmes représentent la majorité de la population étudiante totale, mais seulement 27 % des personnes inscrites dans un programme lié aux STIM.

Le Brookfield Institute for Innovation and Entrepreneurship a publié en 2017 un rapport dans lequel nous pouvions lire qu’un maigre 9 % des personnes ayant répondu au Stack Overflow Annual Developer Survey s’identifiaient en tant que femme. Le rapport établissait également le salaire annuel médian des femmes de l’industrie à 65 000 $ alors que celui des hommes était de 70 000 $, soit 7 % de moins.

Par ailleurs, le rapport Je rougirais si je pouvais de l’UNESCO rapportait en 2020 qu’il n’y avait que 10 % de femmes dans les équipes d’intelligence artificielle chez Google et cela semble être la norme dans les entreprises technologiques. Le titre du rapport est d’ailleurs une référence directe à la manière dont Siri répondait aux insultes genrées jusqu’à récemment : une réponse de femme docile et soumise.

Entre 2011 et 2020, la proportion de femmes québécoises étudiant dans le domaine des mathématiques, informatique et sciences de l’information a même reculé d’un peu plus de 4 %, passant de 31,1 % à 26,9 %. C’est d’ailleurs l’un des seuls domaines, avec celui de l’architecture et du génie, qui ait un pourcentage aussi bas de femmes. La majorité des autres domaines d’étude comptant au moins 50 % de femmes dans leurs rangs.

Selon une enquête de Randstad, une femme sur trois admet l’existence de préjugés basés sur le genre au travail. Les femmes de couleur semblent particulièrement visées par ces préjugés avec près de 7 répondantes sur 10 affirmant en avoir été personnellement victimes. Si nous zoomons sur le domaine des technologies, c’est 73 % des personnes qui croient que la discrimination de genre est un problème dans leur industrie!

Le point de vue féminin en marketing numérique

Les femmes ont une expérience nécessaire et pertinente à apporter au domaine. Nous avons tous et toutes des exemples de publicités ou de produits qui auraient vraiment eu à gagner d’avoir une perspective féminine – ou bien queer, immigrante ou racisée tant qu’on y est – avant d’être lancés. Les réponses dociles et soumises de Siri en sont un exemple flagrant.

Les femmes ont à bien des égards une vision du monde différente des hommes et la pluralité des points de vue est toujours gagnante, surtout dans un domaine comme le marketing. Selon SoftwareGuild, une étude portant sur plus de 100 équipes à travers 21 compagnies a démontré que les équipes formées d’hommes et de femmes à parts égales étaient plus portées à expérimenter, à être créatives et à accomplir des tâches.

Plus que tout, les femmes désirent se faire accueillir et être perçues comme une personne à part entière et, au final, être tout simplement traitées de manière juste et équitable par rapport à leurs collègues. Ce qu’elles recherchent chez un employeur, c’est :

principalement des possibilités d’avancement et de développement professionnel, mais aussi un partage de valeurs dont le respect et l’ambition » nous raconte Claudia, Responsable produit chez Crakmedia.

Une des nos analystes de données nous explique aussi qu’elle recherche la flexibilité plus que tout dans son emploi. La génération plus jeune entrant dans l’industrie du marketing web semble chercher à explorer un peu plus la vie en dehors du travail que les générations précédentes, et une gestion d’équipe flexible et humaine fait toute la différence.

Nous pouvons également noter la quasi-absence de modèles et de mentors féminins dans l’industrie. Les personnes qui jouissent de la plus grande visibilité dans le domaine des technologies sont en effet en grande majorité des hommes. Pour que les femmes s’imaginent évoluer dans notre domaine, nous devons leur montrer d’autres femmes qui y excellent. Elles ont une place importante à prendre dans le domaine du web, mais y sont pratiquement invisibles actuellement.

Dans le contexte actuel de pénurie de main d’Å“uvre qualifiée et de grande compétitivité sur le marché du travail, le recrutement devrait surtout être complètement inclusif. En 2020, il était estimé que près d’un million d’emplois en développement web et informatique étaient à combler. Est-ce que nous pouvons réellement nous permettre de rejeter des candidatures de personnes qualifiées à cause de préjugés sexistes?

Les défis d’une femme dans le monde du web

C’est relativement connu : le monde du web (et des technologies en général) est très souvent un boys’ club, que ce soit volontaire ou non. La majorité des personnes étudiant dans le domaine sont des hommes et la proportion de femmes se destinant à ces études n’augmente pas ou peu malgré l’explosion de la demande.

Une partie de la solution passe par l’éducation. Nous devons essentiellement dire aux jeunes filles et aux femmes que le domaine existe et peut leur convenir. Il faut arrêter de perpétuer le stéréotype du geek qui est généralement un gars introverti passionné par le jeu vidéo, la programmation et la construction d’ordinateurs dans ses temps libres. Ce n’est pas vraiment la réalité du web qui regroupe en fait une foule de métiers différents demandant beaucoup de diversité en termes d’expérience et de talents.

Et qu’en est-il réellement ?

Nous avons demandé à certaines de nos collègues de partager avec nous leur expérience professionnelle et personnelle sur le marché du travail. Heureusement, nous constatons que c’est généralement positif. Claudia nous explique d’ailleurs que « personnellement [elle a] toujours été très bien accueillie et intégrée dans les entreprises spécialisées en numérique et en web […] même si, effectivement, elles étaient à dominance masculine.»

Selon une analyste de données de notre équipe, un des défis à surmonter pour les femmes demeure les avantages offerts à celles qui ont ou considèrent avoir une famille. Les congés parentaux, par exemple, mériteraient d’être modernisés et mieux adaptés au monde du travail de 2023. Offrir des avantages adaptés aux femmes d’aujourd’hui se doit de prendre en considération leur intérêt pour l’équilibre famille-travail. Il en est crucial pour la rétention d’employés à long terme – un enjeu important dans notre marché professionnel actuel.

Selon une de nos conseillères juridiques, un autre défi demeure dans la réputation que détient le marketing web dans le monde du travail. Elle nous mentionne qu’il est important de mettre de l’avant toutes les facettes de l’industrie, au-delà du développement web et des postes qui gravitent autour.

La place des femmes

Plusieurs femmes inspirantes font partie de notre équipe à tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise, qu’elles soient juniors ou vice-présidentes. Notre entreprise serait bien différente sans leur expertise, leurs talents et leur expérience. Une de nos analystes de données nous affirme qu’elle ne ressent pas de différence en tant que femme, outre le fait qu’elle est la seule femme de son équipe! Elle explique que cela lui importe peu, car elle sent qu’elle est traitée de la même façon que ses collègues masculins. C’est en réalité une vision que l’on peut souhaiter pour toutes les femmes.

Pour chaque entreprise technologique, le recrutement de femmes au sein de son organisation devrait faire partie intégrante de ses valeurs. Nous pourrions ainsi souhaiter innover et reconnaître l’importance de voix féminines dans la prise de décisions et dans la gestion de projets. Nos expertes en recrutement nous expliquent que ce n’est cependant pas toujours facile à mettre en pratique, malgré toute notre bonne volonté. Selon Marie-Philip, Conseillère RH chez Crakmedia, on retrouve plus de candidatures féminines en administration et en marketing que du côté du développement web et des technologies de l’information.

Le portrait n’est donc pas complètement sombre et il y a certainement de l’espoir pour l’avenir. La génération qui entre sur le marché du travail est beaucoup plus consciente des inégalités de genre et s’y oppose plus activement. Cependant, force est d’admettre que malgré des efforts de société indéniables, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que toutes les femmes sentent qu’elles ont leur place dans le monde de la technologie et aient le goût d’y évoluer.

Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous sommes inclusifs – il faut le démontrer à travers des actions concrètes. Il est de notre responsabilité de créer des opportunités pour les femmes qui nous entourent et de leur laisser l’espace qu’elles méritent.

---

Retrouvez nos formations :