Rédaction stratégique: le sentiment d’urgence, le meilleur allié en marketing de cause
Par Pascal Pelletier
«Donnez 40 dollars à chacun des membres d’un groupe, et dites-leur que toute somme reversée au groupe sera doublée puis redistribuée. Plus de la moitié des participants joueront le jeu de la coopération. Est-ce une tendance naturelle, freinée par la réflexion? Ou sommes-nous par nature égoïstes, la coopération étant motivée par les avantages que l’on espère en tirer?
Une équipe américaine a enregistré le choix de centaines de participants forcés à se décider en plus ou moins 10 secondes. Résultat: les sommes versées à la communauté diminuent quand le temps de réflexion s’allonge. La coopération est spontanée. Revue Nature, 2012, citée par le magazine Science & Vie.»
Peut-être avez-vous fait comme moi, soit relire plus d’une fois ces paragraphes pour les comprendre – ce qui est étonnant pour Science & Vie, que je trouve généralement d’une grande clarté. Cela étant dit, voici mes autres commentaires.
«Dites-leur que toute somme reversée au groupe sera doublée puis redistribuée. Plus de la moitié des participants joueront le jeu de la coopération.» À mon avis, les chercheurs qui ont mené cette expérience se sont appuyés sur des hypothèses déjà confirmées par l’expérience. Baptisons la première «Un dollar = davantage», une clé de succès en sollicitation de dons et qui est applicable de deux façons.
La première est la caution d’un organisme, en général un gouvernement ou une grande entreprise, qui promet d’ajouter un montant à tout don individuel ou corporatif recueilli par un organisme charitable. C’est ce qu’a fait le gouvernement du Canada depuis 2 ans pour les sommes récoltées au profit des sinistrés d’Haïti, du Pakistan et des Philippines par des organisations reconnues.
Ces campagnes, surtout celles pour Haïti et les Philippines, ont obtenu des montants records en dons, ce qui prouve la force de cette loi «Un dollar = davantage», pour une raison très simple : le donateur comprend que sa contribution financière se multiplie et qu’elle est ainsi beaucoup plus grande que le montant qu’il a donné. Sa fierté de donner devient alors elle aussi plus importante.
La seconde façon d’appliquer cette loi est d’indiquer au donateur qu’«un don = plus d’une chose financée». C’est ce qu’a fait récemment Moisson Montréal: «1 $ donné = 17 $ de denrées distribuées», avec des déclinaisons par montants croissants de contribution: «50 $ donnés = nourrir sainement 20 enfants pendant une semaine», etc. Dans ce genre de cas, la multiplication de l’effet du don peut être dû, là aussi, à l’apport financier d’un partenaire majeur, ou encore à des économies d’échelle – ces dernières étant l’une des spécialités d’organismes comme Moisson Montréal.
Signalons également que la récente campagne de cet organisme démontre que ce dernier a bien fait ses devoirs de solliciteur en indiquant avec rigueur et clarté, par de telles équations, ses besoins de financement et sa redistribution des dons. Or, le manque de précision à ce sujet est une lacune trop fréquente en sollicitation: on se contente d’écrire qu’on a besoin d’argent pour «poursuivre la mission et le développement de l’organisation». Pour faire rire un banquier à qui vous demanderez un prêt, bornez-vous à lui dire ça!
«Les sommes versées à la communauté diminuent quand le temps de réflexion s’allonge.» Voilà un autre principe bien connu en marketing direct philanthropique, qui ne diffère pas du marketing direct commercial en ce qui concerne l’appel à l’action immédiate (call to action). Mais l’urgence de ne pas attendre pour envoyer le don est d’autant plus importante à mettre en relief dans les documents de sollicitation que la lecture de ceux-ci, et sans doute la réponse à donner, n’est pas la priorité de la journée pour les destinataires.
De plus, si le lecteur se dit, même de bonne foi: «Je vais relire tout cela ou je ferai un don plus tard, dans quelques jours, je n’ai pas le temps maintenant», etc., le risque que, finalement, il ne donne pas est très élevé, comme l’ont montré maintes études. La sollicitation doit donc souligner l’importance de faire un don maintenant, aujourd’hui, immédiatement, etc.
Pour les dons qui serviront à aider des populations sinistrées, l’urgence est facile à illustrer: on sonne l’alarme. «En ce moment, des milliers de personnes sont sans abri, sans nourriture ». Pour les autres causes, il s’agit de faire valoir que des personnes ne peuvent pas actuellement bénéficier des biens ou services de l’organisme, faute de financement suffisant: «En ce moment, des milliers de personnes atteintes attendent beaucoup des programmes de recherche à financer.» L’important est de bien justifier l’urgence – et il y en a toujours une, quelle que soit la fondation ou l’OSBL. Â
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