Rencontre avec la journaliste sportive Marie-Claude Savard
Ce mois-ci, notre femme de l’industrie à l’honneur est une journaliste québécoise bien connue des amateurs de sport: Marie-Claude Savard.
Avez-vous toujours eu envie d’être journaliste sportive? Racontez-nous un peu votre parcours.
Marie-Claude Savard: non, ce n’était pas du tout dans mon projet! Au début d’ailleurs, mon entourage trouvait ça assez loufoque [rires] J’ai commencé par étudier les arts plastiques avant de me diriger, sur les conseils de mes professeurs, en communication, bien que je n’en avais alors pas vraiment le goût…
À la fin de mon bac, à l’Université de Montréal, j’ai effectué un stage en tant que recherchiste à la radio CKBL-FM. Finalement, ils m’ont embauchée et j’ai été recherchiste pour plusieurs animateurs, dont André Arthur, en 1998. C’est pendant l’une de ses émissions que son chroniqueur sportif a démissionné: il fallait que quelqu’un prenne sa place, et je me suis proposée. Voilà comment je suis devenue chroniqueuse sportive!
Un an plus tard, je suis passée chez Radio Canada, où j’ai commencé par être Miss Météo avant de passer 7 ans au sport. Puis j’ai rejoint l’équipe de «Salut,Bonjour!», chez TVA. Ça a duré 7 ans, là bas aussi.
Comment devient-on une pro de l’actualité sportive quand rien ne nous y prédestine?
Marie-Claude Savard: comme j’ai débuté en étant recherchiste, j’avais quand même de bonnes bases, je savais ce qui intéressait les gens. Pour le reste: j’ai appris, tout simplement!
J’ai acheté des livres, dévoré des encyclopédies, regardé et re-regardé des dizaines de bulletins de sport… Je savais que j’avais besoin d’apprendre, alors je l’ai fait à fond jusqu’à devenir à l’aise. La passion s’est développée par la suite.
«Alors que certains me disaient que j’aurais pu être un symbole du féminisme dans le monde du sport, j’ai plutôt choisi de m’intégrer»
Comment s’imposer dans un milieu majoritairement masculin?
Marie-Claude Savard: ce n’est pas venu facilement. Il m’a fallu de nombreux essais-erreurs pour essayer de me positionner. Je pense que ça demande aussi une bonne part de réflexion: moi, j’ai consulté des coachs de travail, des thérapeutes. Je ne voulais pas perdre de l’énergie en étant dans une position conflictuelle: alors que certains me disaient que j’aurais pu être un symbole du féminisme dans le monde du sport, j’ai plutôt choisi de m’intégrer.
Pour faire une analogie avec le sport, j’ai fait en sorte que les règles du jeu me soient favorables, pour que les choses se passent facilement et harmonieusement avec les gars autour.
C’était difficile à vivre, parfois?
Marie-Claude Savard: les premières années surtout, oui. Il y avait beaucoup de résistance, non pas de la part des athlètes, mais des collègues plus âgés. Mais je pense que c’est le cas pour toute personne qui débarque dans un nouvel emploi: il faut faire ses preuves avant que les choses se placent, doucement, de part et d’autre.
Le plus difficile, c’est de ne pas douter de sa crédibilité à être là où on est, à faire ce que l’on fait. Moi j’ai décidé que si un jour j’arrêtais ce métier, que j’adore, ce serait parce que je l’ai choisi, et non parce qu’on m’aura poussée dehors.
Avez-vous ressenti de la discrimination du fait que vous soyez une femme?
Marie-Claude Savard: oui, parce que le monde remettait toujours en question ma motivation à travailler dans le sport. C’est comme si une femme ne pouvait pas s’intéresser à ce domaine pour les bonnes raisons! J’ai dû démontrer mes compétences non pas une ou deux fois, mais 100 fois: c’est épuisant! Je pense que malheureusement, toute femme qui évolue dans un milieu d’hommes ressent ça.
«Je fais mon métier pour donner envie aux fillettes de se lancer dans le sport qui leur fait envie, sans aucun préjugé»
Que pensez-vous des écarts de médiatisation entre les événements sportifs masculins et féminins? Trouvez-vous que l’on devrait faire des efforts?
Marie-Claude Savard: le sport, il faut bien le dire, c’est une question de force physique et de performance. Sur ces deux points, nous sommes physiologiquement différentes des hommes. On est moins puissantes, mais tant mieux, on fait autre chose! [rires]
Ce que je veux dire, c’est que cela demeure une question de goût, certains adorent regarder les événements sportifs féminins, mais l’inégalité entre hommes et femmes dans ce domaine persistera.
Ce qui est important, surtout, c’est de savoir qu’une petite fille peut, aujourd’hui, choisir de faire n’importe quel sport. Je fais mon métier pour donner envie à ces fillettes de se lancer dans l’activité qui leur fait le plus envie, sans aucun préjugé.
Après, quand on passe au niveau professionnel, le sport devient de la business, et savoir ce qui rapporte le plus, ça, ça ne me concerne plus.
Quelles qualités cela prend-il, selon vous, pour réussir une carrière en journalisme?
Marie-Claude Savard: la qualité numéro un, c’est l’adaptabilité. Un bon journaliste doit être suffisamment polyvalent pour comprendre les différentes réalités qui l’entourent au quotidien. Il faut aussi que ce soit une véritable passion: comme dans toute job que l’on compte faire longtemps, c’est indispensable que le feu soit toujours fort et vivace.
Enfin, je dirais qu’il faut avoir une bonne capacité à prendre du recul et mettre les choses en perspective: si on est trop sensible, on peut y laisser des plumes. Les journalistes évoluent dans un univers de perception: quoiqu’on fasse, il y aura toujours quelqu’un pour faire un commentaire. Il faut savoir passer outre.
Auriez-vous un conseil à donner à une jeune femme qui voudrait empreinter la même voie que vous?
Marie-Claude Savard: oh oui! Je lui dirais d’y aller à fond, car le but d’une vie c’est d’exploiter son talent, d’aller au bout de ses rêves. Et parfois, nos rêves ne se réalisent pas, mais la vie nous amène ailleurs et il faut lui faire confiance: j’en suis la preuve! Je lui dirais aussi de ne pas avoir peur de se lancer, ni de l’échec.
Il faut se libérer de ses peurs et tirer les leçons de nos erreurs. Si vous saviez le nombre de castings que j’ai passés et où on m’a dit non… Si je m’étais arrêtée à chaque refus, je ne serais pas allée bien loin.
Photo:Â Marc Dussault.
Marie-Claude Savard est l’auteure de deux ouvrages: 180 degrés, virage d’une vie et Orpheline.
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