Rencontre avec Noémie Dupuy, co-présidente de Budge Studios et entrepreneure québécoise de l’année
Nous avons aujourd’hui rendez-vous avec l’entrepreneure québécoise de l’année 2014: Noémie Dupuy, co-présidente de Budge Studios, une entreprise d’édition d’applications pour enfants. Déterminée et curieuse, cette chef d’entreprise a toujours su maintenir un bel équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours dans les grandes lignes?
Noémie Dupuy: cela fait 15 ans que je suis entrepreneure. Depuis petite, je sais que c’est ma voie. Après mes études en finances, j’ai travaillé dans différentes boîtes, notamment à New York et à Paris, avant d’intégrer Ubisoft. J’adorais mon travail: j’étais directrice du département audio-vidéo-localisation. Mais c’était plus fort que moi, il fallait que je me lance: avec mes associés David Lipes et Michael Elman nous nous sommes donc lancés en affaires en créant Wave Generation, une petite compagnie de production sonore pour jeux vidéos. L’entreprise a bien marché, on avait une dizaine d’employés, on était profitable. Mais il y a 4-5 ans, j’ai senti que la compagnie ne grandirait plus, qu’on arrivait à une sorte de carrefour où l’on devait choisir entre continuer et stagner, ou repartir à zéro. Et devinez quoi ? On a choisi la deuxième option! Étant tous les trois parents de jeunes enfants, et fans d’Apple, on a eu l’idée de faire des jeux pour les kids sur téléphone cellulaire. C’était un créneau à prendre et on s’est jeté dans le projet la tête la première. On a pris des risques mais il fallait que l’on teste notre idée. Du coup, j’ai dégainé mon téléphone et j’ai contacté une centaine de personnes. Nous avons eu un retour des équipes derrière le dessin animé Dora l’exploratrice: on s’est mis au boulot, on a engagé un ingénieur et un artiste, on a produit une maquette que je suis allée présenter à New York et… ils ont adoré! L’aventure Budge Studios a alors réellement commencé. Mais comme j’ai toujours besoin de faire quelque chose de nouveau et d’évoluer, au bout de 2 ans, il y a eu une nouvelle remise en questions, et c’est à ce moment là que mes associés et moi avons décidé de devenir éditeurs. Depuis, nous sommes ravis, notre entreprise est florissante, 90 millions d’applications ont été téléchargées depuis notre plateforme en 3 ans.
Selon vous, est-ce plus difficile pour une femme d’être patron ?
Noémie Dupuy: bien que je n’aime pas faire de généralités, je pense que notre souci, à nous les femmes, c’est que nous sommes tellement méticuleuses que l’on veut tout maîtriser de A à Z avant de passer à l’action. Or, pour entreprendre, c’est exactement l’inverse de ce qu’il faut faire! Il faut tester, essayer, se lancer. Ce qui m’a aidée, c’est donc d’accepter le fait que je ne suis pas Wonder Woman, et que pour durer dans le métier, il fallait absolument que je pose une barrière entre ma carrière et ma vie privée, et ce, même avant d’avoir des enfants. En s’imposant cet équilibre, on est gagnant sur toute la ligne. Ce n’est pas une concession, c’est une nécessité. De toutes façons, je ne vois pas qui peut être productif et efficace 95 heures par semaine. Personnellement, je vais chercher mes enfants à l’école, je soupe avec eux et les fins de semaine se passent à la campagne, certainement pas au bureau!
Vous venez d’être nommée entrepreneure québécoise de l’année 2014, qu’est-ce que cela représente pour vous?
Noémie Dupuy: c’est une très grande fierté! C’est aussi une reconnaissance qui me permet d’avoir de la visibilité sur l’ensemble de mon parcours, de prendre du recul. Cela m’a fait du bien de me poser un instant et d’apprécier le moment, moi qui suis plutôt du genre à dire «alors, qu’est-ce qu’on fait ensuite??». Et c’était surtout une très belle surprise car je ne m’attendais pas du tout à être nommée entrepreneure de l’année au Québec, ni à être 8ème au classement national.
Quels conseils donneriez-vous à une femme qui souhaiterait se lancer dans l’entrepreneuriat?
Noémie Dupuy: je lui dirais que c’est très bien d’avoir une vision à long terme, mais qu’il ne faut pas délaisser le court terme: il faut passer à l’action, faire des tests. Beaucoup de gens ont des idées mais se mettent des barrières car ils voient trop loin. Je pense – et c’est ce qui a fonctionné pour moi – qu’il vaut mieux passer de l’idée au concret le plus vite possible, car finalement, ça ne demande que peu de temps et peu de risques. Et mon autre conseil serait de bien s’entourer: avoir des partenaires égaux est idéal, selon moi. Avec mes associés, nous disposons de parts égales dans la société et cela rend l’atmosphère plus saine.
Qu’aimez-vous le plus dans votre métier?
Noémie Dupuy: j’aime travailler avec mes collègues, qui sont des gens passionnés, dévoués, intelligents et dynamiques. Ils arrivent avec des idées incroyables, et avec mes partenaires on se dit «allez, on teste!», c’est vraiment très motivant. J’aime aussi le fait d’évoluer dans une structure qui n’est pas lourde, et dans laquelle il est donc facile d’innover.
Comment se présentent les choses pour Budge Studios?
Noémie Dupuy: très bien! Il y a encore plein de choses à faire, nous sommes sur un créneau qui a un potentiel énorme. Le produit que l’on vend aujourd’hui a beaucoup évolué, et il est amené à changer encore, à se connecter à d’autres environnements… Bref, ce n’est que le début!