Réseaux sociaux: les coulisses des faux «J’aime» enfin révélées
Avec l’importance qu’ont pris les médias sociaux en marketing depuis les dernières années, les «j’aime» et les abonnés sont devenus de véritables objets de contrebande et représentent une mine d’or pour les vendeurs «d’ego». Masarah Paquet-Clouston, une étudiante de l’Université de Montréal, a réussi à lever le voile sur leurs méthodes.
18 novembre 2016 – Artistes, musiciens, tatoueurs, acteurs… il est maintenant possible d’acheter sa popularité à coup d’abonnés et de «J’aime». Et ce n’est pas les vendeurs légaux ou illégaux qui manquent. Une simple recherche sur Google montre qu’on peut magasiner son marchand «d’ego» comme on magasine ses chaussures.
Les dirigeants des plus grands médias sociaux sont bien au fait du fléau et s’y sont attaqués. Mais malgré tous les filets tendus pour contrer cette pratique, les tentatives de supercherie réussissent tout de même à passer entre les mailles. Et c’est sur ces méthodes que la chercheuse à GoSecure et étudiante en criminologie de l’Université de Montréal, Masarah Paquet-Clouston, a voulu faire la lumière. Une découverte qui lui a valu le prestigieux prix Mitacs 2016.
Traquer les pirates
Pour comprendre le trafic des pirates, il faut suivre le chemin qu’ils parcourent. Masarah a donc collaboré avec les chercheurs Olivier Bilodeau de GoSecure et Thomas Dupuy d’ESET, de même qu’avec David Décary-Hétu, professeur adjoint au département de criminologie de l’Université de Montréal et a infecté 20 ordinateurs loués à travers le monde du virus Linux/Moose, lequel s’attaque normalement aux routeurs ou à tout autre appareil vulnérable connecté à Internet plutôt qu’aux ordinateurs.
Le virus a transformé les ordinateurs en zombies («botnets») donnant ainsi le feu vert aux pirates de s’en emparer et de leur faire mener des activités commerciales clandestines. Et ce sont essentiellement vers deux réseaux que toutes les données pointaient: Twitter et Instagram. Ce dernier était la cible favorite du virus dans 86% des cas, où il s’affairait à créer des comptes, à s’abonner à des profils et à semer des «J’aime» ici et là. Pour ne pas éveiller les soupçons, il s’adonnait à tout cet «amour» que dans 13% du temps. Le reste de son travail consistait à naviguer dans le réseau et à consulter les publications comme s’il s’agissait d’une personne bien réelle.
Et c’est là que la chercheuse a pu établir un lien entre ce virus et les offres d’achat de J’aime et d’abonnés.
Susciter de fausses réactions, ça paye!
Le rapport mentionne que pour 112$ US, on obtient 10 000 abonnés. Et pour la modique somme de 19,54$ US, on reçoit 1 000 mentions «J’aime». Pas étonnant que certains y voient une occasion facile de jeter de la poudre aux yeux des gens pour qu’ils pensent que leurs affaires vont bien, que ce soit des entreprises en quête de trafic sur leur page ou des vedettes à la recherche de renommée. Les cyberpirates, eux, peuvent toucher jusqu’à 300 000$ par mois à l’aide de 30 000 routeurs infectés par le Linux/Moose.
Le fournisseur YTView aux États-Unis mentionnait que certains de ses clients pouvaient dépenser jusqu’à 10 000$ par mois pour ces «faveurs». Cette pratique n’est pas frauduleuse en soit, mais elle le devient lorsqu’on utilise des appareils infectés pour parvenir à ses fins.
Or, ces faux abonnés sont éphémères et sont souvent suspendus après un moment quand le réseau social découvre le pot aux roses. L’argent investi se volatilise en même temps et il faut tout reprendre du début.
Notez que Facebook offre des trucs pour éviter d’employer de tels stratagèmes et plutôt arriver à des résultats marketing semblables, et surtout, durables.