Sauver l’holacratie en soignant le recrutement
Après avoir été la tendance du mois, l’entreprise libérée suscite aujourd’hui la critique et le scepticisme. Une des raisons: le manufacturier de souliers en ligne Zappos a abandonné le modèle «holacritique» l’année dernière, après avoir été présenté comme l’exemple à suivre dans plusieurs articles RH.
18 septembre 2017
Depuis, les commentateurs s’en donnent à cœur joie pour critiquer ce mode de gestion «sans patron», «guidé par un système de règles» et qui a pour but de «redonner la responsabilité aux employés», si on se fie à l’argumentaire de son penseur et créateur Brian Robertson.
Ce qu’on reproche à l’entreprise libérée? De semer le «chaos» et «l’incertitude», rapporte le magazine Fortune. De ne pas respecter le besoin «naturel» des employés à opérer sous la contrainte d’une hiérarchie verticale, peut-on lire dans le Canadian Business:
En l’absence d’un leadership formel, écrit Deborah Aarts, un pouvoir informel émergera de toute façon – une hiérarchie invisible tissée avec les gens qui exercent le contrôle à travers le charisme ou la menace, mais qui ne sont redevables envers personne.»
Pas pour tous, l’entreprise libérée
Ce qu’il faut comprendre, c’est que le mode de gestion «libéré» implique la mise en place d’un écosystème fragile, qui ne s’accommode pas de tous les types de personnalité. La conseillère RH Martine Deschamps, qui a guidé plusieurs entreprises vers ce mode de gestion, est la première à le reconnaître:
On peut intégrer la mauvaise personne dans une équipe de leadership partagé et elle va nous scrapper l’affaire… Parce qu’elle n’a pas les traits de personnalité ou l’état d’esprit qui va avec ce mode de gestion.»
Quels seraient les traits idéals, donc, pour mettre en place une équipe «libérée» qui fonctionne de manière optimale?
On veut une personne qui est à la fois spontanée, mais organisée, dit la conseillère. Car, souvent, les gens spontanés passent d’un dossier à l’autre, sont très créatifs, alors que leur sens de l’organisation laisse à désirer. Ils vont perdre leurs papiers, oublier des rendez-vous. Donc, on cherche quelqu’un qui a une spontanéité… organisée.»
Ensuite:
On veut une personne d’équipe, mais pas au détriment des résultats. Car, une personne qui est uniquement axée sur le travail d’équipe aura tendance à en prendre trop sur ses épaules, car elle veut toujours rendre service. Ça prend une personne qui a un équilibre entre le volet humain et rationnel.»
Le dernier trait est la diplomatie:
On ne veut pas une personne conciliante au point de toujours fléchir… En même temps, on ne veut pas non plus une tête forte, qui formule ses objections en donnant un coup de poing sur la table. On cherche une personne diplomate: un candidat affirmatif, mais qui sait trouver le ton juste et qui est capable de faire des compromis.»
Le CV, loin d’être suffisant
Pour trouver cette perle rare, on aurait besoin de tous les outils à la disposition d’un recruteur.
Le CV, c’est seulement la partie visible d’une personne, un peu comme la pointe d’un iceberg, illustre Martine Deschamps. Ce qui est sous l’eau, ce sont les valeurs, les traits de personnalité, les motivations, les préférences, les goûts, les forces. Et ça, malheureusement, ça prend du temps avant de réellement les découvrir.»
C’est pour cette raison que la conseillère RH suggère fortement de mener une entrevue, bien évidemment, mais aussi de prendre les références (un outil sous-estimé, selon elle) et de mener des tests psychométriques.