Sexisme en pub: ce qu’en pensent les Canadiens
NCP (Normes Canadiennes de la Publicité) a mandaté The Gandalf Group pour qu’il enquête sur les perceptions qu’ont les Canadiens de la publicité, en mettant notamment l’accent sur les éléments et représentations qui leur paraissent sexistes.
Le sondage, mené en ligne auprès de 1564 Canadiens, a fait l’objet d’un dîner-conférence organisé par l’Association des agences de communication créative (A2C). Après la présentation des résultats de l’étude, un panel composé de
- Dominique Villeneuve, Directrice générale, Association des agences de communication créative
- Élyse Boulet, Vice-présidente, Service-client, Saint-Jacques Vallée Y&R
- Michèle Leduc, Présidente, Chef de la création, ZiP communication
- Jo-Ann Munro, Directrice de création, Marketel
- Aurélie Pinceloup, Directrice générale et du développement interactif, Agence Rinaldi
a discuté de la représentation de la femme en publicité.
Une perception globalement positive
De façon générale, la publicité est plutôt accueillie favorablement par les consommateurs Canadiens (54%), qui considèrent qu’ils en retirent au moins une légère valeur ajoutée et qu’elle peut les influencer dans leurs décisions d’achats.
Cependant, même à l’heure du iTout, les Canadiens ont davantage confiance en la publicité qu’ils voient, lisent ou entendent dans les médias traditionnels (journaux, circulaires, radio, TV…) que sur Internet.
Alex Swan, VP de The Gandalf Group, estime que cette méfiance à l’égard des publicités numériques peut être liée à une certaine forme d’agacement: les fenêtres pop-up, les bannières publicitaires intempestives… Certains formats dérangent.
À cela s’ajoute une grande anxiété quant à la sécurité de leurs informations en ligne. Cependant, on note que les consommateurs sont un peu plus à l’aise avec des publicités Web émanant de marques qu’ils connaissent», indique-t-il.Â
Jo-An Munro évoque pour sa part la peur du «Big Brother is watching you»: parce que les consommateurs ne comprennent pas tous pourquoi et comment des publicités ciblées sur leurs centres d’intérêt arrivent sur leurs écrans, ils s’inquiètent et accordent moins de crédit au média Internet.
Le sexisme parmi les contenus unanimement inacceptables
Le sondage révèle que 43% des personnes interrogées auraient récemment été exposées à de la publicité qu’elles jugent inacceptable. Et par contenu inacceptable, on entend:
- la représentation dégradante des personnes handicapées (jugée totalement inacceptable à 90%)
- la cruauté animale (88%)
- les représentations racistes (86%)
- l’intimidation, même si cela se veut humoristique (81%)
- la représentation sexiste des femmes (80%)
Sur ce dernier point, les femmes tendent davantage que les hommes à trouver certains thèmes publicitaires inacceptables. Par exemple, et cela peut faire sourire, 14% des femmes acceptent la nudité féminine en publicité, alors que c’est le cas de 40% des hommes.
Les exemples les plus cités de représentation injuste des femmes sont les représentations de corps trop parfaits ou irréalistes, une sexualisation à outrance ou encore lorsqu’on les cantonne à des rôles traditionnels (comme faire le ménage ou la lessive, par exemple).
À noter que 62% des Canadiens interrogés ont indiqué lire, voir ou entendre régulièrement des publicités sexistes envers les femmes, et seulement 41% estiment que certains contenus sont sexistes envers les hommes.
La publicité reste un outil de vente. En tant qu’agence, nous devons créer des campagnes qui reflètent l’état d’esprit, la façon de penser de la cible visée… Et ce n’est pas toujours facile de faire bouger les idées reçues», indique Michèle Leduc.
Cependant, le panel est d’accord pour dire qu’aujourd’hui, les réseaux sociaux permettant à tout un chacun d’exprimer son avis sur tout, il est plus que nécessaire de bien réfléchir avant d’aller dans une direction choisie.
Choquer peut faire vendre, ça peut être un choix d’affaire, mais il faut y penser à deux fois. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de créer de grands débats autour de ce qui est sexiste ou non lors de la création, mais c’est sûr qu’il faut en prendre conscience, et avoir la discussion pour être le plus juste possible», estime Elyse Boulet.
Avec le temps, les choses semblent s’améliorer… mais très légèrement. 44% des Canadiens interrogés pensent que les publicités d’aujourd’hui sont beaucoup ou un peu moins sexistes qu’il y a 10 ans, quand 22% estiment qu’il n’y a eu aucun changement et 25% que les représentations sont encore plus sexistes qu’avant.
Des conséquences pour les marques
Ce dernier chiffre est inquiétant, d’autant plus que l’agacement, voire l’indignation ressentie face à une publicité jugée inacceptable a des conséquences:
- 31% des sondés portent le blâme sur l’entreprise qui fabrique le produit et 25% sur l’agence qui a réalisé la campagne
- 88% affirment qu’ils cesseraient très probablement d’acheter les produits d’une entreprise en raison de ses publicités inacceptables
- 67% sont moins susceptibles d’acheter le produit d’un annonceur qui sortirait une publicité sexiste (un chiffre qui monte à 77% chez les femmes)
À la société de faire bouger les préjugés
Un point intéressant, et partagé par l’ensemble du panel, est que la perception de ce qui est sexiste s’est élargie: par exemple, voir une femme qui marche au moins un pas derrière un homme est considéré comme plutôt et très sexiste par 41% des sondés. Un groupe d’hommes d’affaires en réunion sans aucune présence féminine l’est aussi, à 35%.
Néanmoins, les Canadiens indiquent voir le plus souvent des publicités où l’homme et la femme sont représentés dans des rôles qui leur sont traditionnellement attribués: la femme qui s’occupe des tâches ménagères, et l’homme qui travaille dehors ou conduit la voiture.
26% des consommateurs interrogés pour l’étude estiment que le blâme revient à la société et force est de constater, après ce dîner-conférence, que les réalités rattrapent la publicité.
Jo-An Munro le dit très simplement: ce qu’elle aimerait, ce serait de ne plus faire de distinction entre les sexes, et de représenter un homme ou une femme dans toutes les situations du quotidien sans que cela soit stéréotypé.
Mais il y a encore un peu de chemin à parcourir avant que cette égalité existe: ne serait-ce que dans la proportion de femmes aux postes à hautes responsabilités, ou encore dans les écarts flagrants de salaires à compétences et postes égaux, les différences sont criantes.
Dans l’industrie québécoise de la communication marketing, 57% des employés sont des femmes, mais on les retrouve essentiellement dans des postes de service-conseil (83%) alors que les hommes sont plutôt dans les départements de création. Dans les directions générales, la proportion de femmes descend à environ 23%.
En citant l’exemple de Dove, dont l’agence créative Ogilvy avait eu l’idée novatrice, voilà plus de 10 ans, de casser les stéréotypes en représentant de vrais corps de vraies femmes dans ses publicités, Aurélie Pinceloup conclut:
L’agence prend une photo de la société, certes, mais elle peut aussi être au-devant, et c’est à elle de faire prendre des risques à l’annonceur. C’est un challenge pour elle aussi, mais cela peut être payant».Â
Retrouvez l’étude de NCP ici.