Stéphane Prud’homme: portrait d’un Québécois à Hong-Kong!
Par Olivier Lefebvre
19 juin 2014 – Stéphane Prud’homme est un entrepreneur québécois expatrié en Asie. Il demeure à Hong Kong où il développe l’entreprise Canada Mall, une plateforme de vente en ligne qui propose de fins produits québécois et canadiens. Bien que le parcours académique et professionnel de Stéphane soit large et varié, ses connaissances s’entrechoquent à l’autre bout de la planète. Son goût du voyage – et surtout de l’aventure – fait de lui un professionnel dans la marge. Bien qu’il voue un amour pour sa province natale et ses produits, il se montre critique à l’égard d’un aspect bien particulier.
Coupe de vin à la main, je m’installe devant mon ordinateur. L’horloge indique 21h00. Un peu plus tôt dans la journée, Stéphane m’a convié à un rendez-vous virtuel via Skype. Lorsqu’il m’appelle, il vient tout juste de démarrer sa journée. Avant même qu’il ne prononce un mot, de forts roucoulements d’oiseaux émanent de mes haut-parleurs. Tasse de café et petit-déjeuner sur son bureau, il amorce la conversation d’une voix enrouée en me confiant que sa nuit a été difficile. «Ça arrive parfois, lance-t-il, on s’amuse». Son ton est décontracté et convivial.
Un parcours unique
Stéphane grandit à quelques kilomètres de Montréal, dans la ville de Joliette pour être plus précis. «La première fois que je me suis exilé, explique-t-il, c’était pour aller à Chicoutimi». Là-bas, il complète un baccalauréat en psychologie. Intéressé par la communication, il revient vers la métropole pour entamer une maîtrise en communication. Son sujet de thèse porte sur la crédibilité des porte-paroles.
Sa voix, maintenant éveillée, témoigne d’une passion toujours vivante. «Depuis 2003, je suis considéré comme le spécialiste canadien sur le sujet, précise-t-il. Nous sommes seulement trois dans le monde à travailler là-dessus. Tout le monde pense au leadership, mais jamais à la crédibilité».
En 1995, Stéphane se lance sur le marché du travail. Le communicateur se spécialise en relation avec les médias et devient ensuite attaché de presse chez Hydro-Québec. Son parcours le mène ensuite à gérer les communications corporatives chez Rona le Quincailler. «C’est là qu’est née ma volonté de voyager, s’exclame-t-il en prenant soin de calmer les aboiements de son chien. Je voyageais beaucoup à travers pays». Il tombe en amour avec le consommateur. «La vente aux entreprises, ce n’est pas pour moi», avoue Stéphane, sur un ton assuré.
De retour dans la belle province, il fonde son entreprise de consultation en communication. Il l’exploite pendant près de deux ans. La sédentarité le lasse rapidement. Il a besoin de voyager. C’est alors qu’il entreprend, en 2008, l’idée folle d’aller étudier à la maîtrise en administration des affaires (MBA)… en Chine! «Je voulais comprendre la culture d’affaires chinoise et asiatique, se remémore Stéphane. Le but était de revenir au Québec, être un spécialiste de l’Asie et me permettre de voyager par la suite». Par contre, il s’aperçoit que cette culture est beaucoup plus complexe qu’il ne le croyait. Ainsi, il décide de rester et d’être consultant là-bas. Des entreprises québécoises comme Cavalia l’approchent. Il s’occupe aussi du pavillon de Montréal à l’exposition universelle de Shanghai.
Québec Mall devient… Canada Mall!
Le concept de son entreprise Québec Mall prend forme alors qu’il est à Beijing. «J’ai remarqué qu’il n’y avait pas de produits québécois sur les tablettes», se rappelle-t-il. L’entrepreneur voulait alors ouvrir un espace physique où l’on trouverait des aliments et une galerie d’art, par exemple. «Au départ, un conseiller de l’ambassade n’a pas voulu m’aider, dit-il. C’est l’ambassadeur lui-même qui m’a donné son appui». Malheureusement, tout est tombé à l’eau avec la récession. L’idée lui est revenue, mais il allait tout faire en ligne. Hong Kong semble alors être l’endroit idéal pour démarrer sa compagnie, la Chine étant trop couteuse.
Alors que les réseaux sociaux prennent une grande ampleur en 2009, il se développe un important réseau social. Il s’aperçoit que les Asiatiques achètent beaucoup avec leur téléphone mobile. «En occident, tout le monde s’est acheté le trio ordinateur, tablette, téléphone, explique-t-il. En Asie, la majorité des gens n’était pas assez riche pour s’acheter un ordinateur. Plusieurs sont donc passés tout de suite au téléphone intelligent». Selon les statistiques de l’entrepreneur, 72% des Asiatiques qui achètent en ligne le font via leur téléphone.
Au Québec, s’acheter une bière de micro-brasserie ou une Budweiser, c’est abordable pour le consommateur moyen. Cependant, les bières québécoises que Canada Mall vend s’adressent à la classe moyenne et riche. «Les produits québécois sont un gage de qualité, leur réputation est super bonne, lance-t-il. L’exclusivité est aussi à considérer puisque nos produits sortent du Québec pour la première fois, ou presque». Le portail web propose des produits haut de gamme, mais pas luxueux. On y retrouve des produits naturels, biologiques, du terroir et bien sûr, des produits d’érable.
L’entreprise est toujours dans sa phase de démarrage. Stéphane s’affaire à faire connaître ses produits. «Il faut sortir du web. J’organise des événements pour que les gens viennent gouter, toucher et sentir nos produits», explique-t-il. Pour l’instant, son associé et lui se limitent au développement de Hong Kong. En parallèle, ils développent le marché pour Taïwan et Singapour. « La Chine est une étape dans notre stratégie», laquelle sera développée ultérieurement. » précise-t-il en raison des freins financiers.
Le Québec, un grand perdant
À l’inverse de l’Amérique du Nord où l’on est habitués à acheter localement, l’importation est pratique courante en Asie. « Mis à part la Chine, la majorité des pays importe des produits, explique-t-il. Beaucoup d’îles ne manufacturent rien, ils font seulement importer. Je pense notamment à Singapour et Hong Kong. » Pour Stéphane, le Québec est grand perdant au niveau mondial. Il compare la province avec d’autres petites nations comme la Nouvelle-Zélande et la Suisse qui proposent des produits à la grandeur de l’Asie. «Le gouvernement n’est pas derrière les exportateurs et les entrepreneurs québécois sont peureux malgré la multitude de produits de qualité qui existent», s’exclame-t-il. Il s’agit d’une des raisons pour lesquelles sa compagnie s’est tournée vers le Canada pour devenir Canada Mall puisque l’Ontario et la Colombie-Britannique sont de plus gros importateurs.
Stéphane compte bien demeurer en Asie pour de nombreuses années encore. Il envisage de commencer un doctorat sur le même sujet que sa maîtrise, soit la crédibilité des porte-paroles. «Il faut que je termine mes 25 années d’études en grand, se motive-t-il. Je veux être reconnu comme l’expert dans le domaine». Il désire se concentrer sur la crédibilité en ligne, les réseaux sociaux… et le commerce web!