Travailler debout ou assis, tout un dilemme!
Objet de tous les éloges il y a quelques années, le choix de travailler à un bureau «debout» est maintenant scruté de plus près par les chercheurs, et certains émettent des réserves.
20 mars 2018
En 2016, les chercheurs de l’université Texas A&M ont publié une étude qui en a décoiffé plus d’un sur le sujet du travail debout. Les chercheurs ont observé sur une période de 6 mois, dans un centre d’appels, un bassin de 167 travailleurs divisés en deux groupes: le premier faisant la transition vers le bureau «debout» et le second continuant de travailler à un bureau assis.
Les résultats étaient spectaculaires, peut-on lire dans l’étude:
Les utilisateurs d’un bureau debout étaient environ 45 % plus productifs sur une base régulière que leurs collègues assis. De plus, la productivité des utilisateurs de bureau debout a continué d’augmenter significativement avec le temps, d’environ 23 % le premier mois à plus de 53 % le 6e mois.»
Cette étude a été mise en doute dans le magazine Fast Company par le professeur Jack P. Callaghan, du département de kinésiologie de l’université de Waterloo en Ontario:
Ma position actuelle sur le sujet est que l’implémentation du bureau debout tend à être neutre quand on le considère sous l’angle de la productivité.»
Le professeur parle en connaissance de cause. Deux années plus tôt, en 2014, il avait dirigé une revue de la littérature scientifique pour vérifier les vertus du travail debout. Sur 8 études abordant la question de la productivité, seulement 3 en observaient une augmentation, 4 étaient nulles et une récoltait des résultats «mixtes».
Des effets à court et à long terme
Le choix de travailler à un bureau debout peut-être analysé sous plusieurs angles; c’est peut-être ce qui rend si compliqué de savoir si la pratique est bénéfique ou non.
Car, outre la question de la productivité, il y a la question de l’impact sur la santé. Est-ce bénéfique ou non pour le corps? À court terme, il semble que la position provoque un inconfort.
C’est ce que suggère une étude récente de l’université de Perth en Australie, publiée en février dernier. La chercheure Richelle Baker et ses collègues ont fait une expérience avec 20 participants qui ont travaillé à un bureau debout pendant 2 heures dans un environnement contrôlé, afin de mesurer l’impact musculaire et cognitif immédiat.
Le résultat:
Avec le temps, un inconfort croissant [survient] dans toutes les régions du corps. Une détérioration du temps de réaction mental, en même temps qu’une amélioration de la résolution de problème créatif.»
Tout n’est pas noir, donc.
Mais l’inconfort évoqué ne devrait pas surprendre. Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail met en garde les gens qui exercent des métiers exigeant de longues périodes de travail debout (par exemple, les vendeurs, les opérateurs de machinerie et les travailleurs à la chaîne) sur son site:
[…] le fait de travailler debout régulièrement peut causer des douleurs aux pieds, l’enflure des jambes, des varices, une fatigue musculaire généralisée, des douleurs dans le bas du dos, des raideurs articulaires de la nuque et des épaules et d’autres problèmes de santé.»
Des effets nocifs à long terme commencent également à être documentés. Une étude publiée dans l’American Journal of Epidemiology en janvier dernier traite de l’espérance de vie. On découvre dans cette étude que ceux qui travaillent debout ont 2 fois plus de chance d’avoir des problèmes cardiaques que ceux qui travaillent assis.
Le chercheur Peter Smith, de l’université de Toronto, en a expliqué la raison ici:
C’est parce que demeurer debout trop longtemps peut entraîner une accumulation de sang dans les jambes, ce qui fait augmenter la pression dans les veines et le stress oxidant, lesquels peuvent contribuer à une augmentation du risque (cardiaque).»
C’est à se demander comment la position de travail debout a pu connaître un tel engouement ces dernières années?
L’engouement du bureau debout expliqué
Si le bureau «debout» a la cote en ce moment, c’est probablement parce que les effets nocifs de la sédentarité et du travail de bureau assis ont été largement médiatisés.
Des journalistes et des commentateurs en parlent avec hyperbole, allant jusqu’à prétendre que s’assoir est le fléau de notre époque comme la cigarette l’a été pour une autre époque. (Voir «Sitting is the new smoking» ici et ici.)
Ce qu’on reproche à la position assise? Le British Journal of General Practice résume la situation:
La recherche récente suggère qu’un mode de vie sédentaire en lui-même est un facteur de risque pour les décès cardiaques et toutes les autres causes de mortalité, et ce, même en présence d’une activité physique régulière allant de modéré à vigoureuse.»
D’ailleurs, une étude américaine portant sur le mode de vie sédentaire des 45 ans et plus le confirmait encore récemment, en associant la sédentarité à un plus grand risque de mortalité.
Le juste équilibre
Que faire alors, si travailler debout est tout aussi nocif que travailler assis?
Rappelons d’abord que le travail debout n’est pas l’unique option pour contrer la sédentarité. On peut choisir de prendre des pauses régulières dans une journée. C’est un conseil qui revient d’ailleurs souvent (prendre le temps de se délier les jambes quelques minutes à toutes les heures) et il semble y avoir des fondements scientifiques. Une étude australienne a montré que les gens qui passaient plus de temps debout que assis avaient des taux de sucre et de cholestérol plus bas.
De plus, on doit se rappeler que toute activité, même modérée, apporte un gain à l’organisme.
Puis, comme dans bien des domaines, ce sont surtout les extrêmes qui posent problème: passer toute la journée debout ou passer toute la journée assis. Les chercheurs de l’université de Perth abondent en ce sens:
Nos recherches suggèrent qu’une combinaison de travail debout et assis est ce qui a le plus de chance d’être bénéfique pour le système cardiovasculaire et la santé en général.»