Twitter a besoin de ses annonceurs. Mais les annonceurs ont-ils besoin de Twitter ?
Par François Nadeau
24 mai 2023
Depuis quelques années, de nombreux annonceurs ont quitté la plateforme Twitter ou mis leurs investissements sur pause. Dans ce contexte, on peut se demander quel est le rapport de force entre ces annonceurs et le réseau social ?
En novembre 2022, la firme Cossette conseillait au gouvernement fédéral, son client, de suspendre ses publicités sur Twitter. Cossette justifiait alors sa recommandation par « l’incertitude qui plane sur la modération » et du « risque plus élevé qui pèse sur l’image de marque ». En 2022 et 2023, dans le cadre du rachat de Twitter par Elon Musk, plusieurs grands annonceurs ont également choisi de se retirer de Twitter, évoquant souvent le manque de modération et l’hostilité qui y règne.
Twitter, dont les revenus sont principalement générés par la publicité, a certes besoin de ses annonceurs. Mais à l’inverse, à quel point les annonceurs ont-ils besoin de Twitter ?
Une faible utilisation et un climat malsain
Marc Hamelin est directeur média chez Jungle Media et chargé de cours à l’Université de Montréal. Celui qui cumule plus de 25 ans dans le domaine de la planification média mentionne qu’aucun de ses clients n’utilise Twitter en ce moment. Pour lui, cela peut s’expliquer par deux principaux facteurs.
D’abord, Twitter reste un joueur relativement petit dans l’univers des médias sociaux en termes de nombre d’utilisateurs actifs, loin derrière Facebook, Instagram ou même TikTok.
Find more statistics at Statista
Comme deuxième raison, Marc Hamelin mentionne le climat qui règne sur Twitter et qui n’incite pas à y annoncer.
Lorsqu’un annonceur est présent sur un média social, il doit s’adapter au style et au ton de ce média. Mais quel ton doit-on adopter sur Twitter lorsqu’on est un annonceur ? », se questionne le spécialiste des médias.
Aurait-il eu le même discours avant le rachat de Twitter par Elon Musk en 2022 ? En effet, pour lui, le constat aurait été le même.
Francis Jetté est consultant et formateur en stratégies de contenu numérique, médias sociaux et publicité numérique. Il abonde dans le même sens que Marc Hamelin. Il ne conseille pas à ses clients de concentrer beaucoup d’efforts sur Twitter, surtout s’ils s’adressent à une clientèle québécoise francophone. Il est vrai qu’historiquement, ce n’est qu’environ un Québécois francophone sur 10 qui affirme utiliser Twitter.
Étant donné cette faible portée, Twitter est-il une plateforme pouvant être qualifiée de secondaire par rapport à des médias sociaux comme Facebook ou encore la télévision traditionnelle? C’est une hypothèse à laquelle adhère Jean-François Renaud, président et fondateur d’Adviso. Twitter n’a, selon lui, jamais été une grande composante dans l’écosystème des médias et son utilisation est présentement plus faible que jamais.
Certes, au Québec, l’utilisation de Twitter est particulièrement réduite par rapport au reste du Canada ou encore aux États-Unis. Chez nos voisins, environ le quart de la population adulte dit utiliser le réseau (utilisation qui reste, là aussi, beaucoup plus faible que celle de Facebook ou Instagram).
Il reste toutefois que, même aux États-Unis, Twitter ne compte que pour environ 1 % des dépenses publicitaires des annonceurs. Pour Kelsey Chickering, analyste principale chez Forrester, une des raisons qui explique cette faible part des investissements est que Twitter n’a jamais réussi à offrir une plateforme publicitaire aussi performante que n’a pu le faire par exemple Facebook, qui a révolutionné le monde du marketing numérique.
Avec une utilisation relativement faible par rapport aux autres grands réseaux sociaux, une offre publicitaire moins intéressante et un climat jugé hostile par plusieurs, on peut présumer que les annonceurs sont loin d’être dépendants de Twitter pour atteindre leurs objectifs publicitaires. Ajoutons aussi qu’en termes d’offre publicitaire, les plateformes disponibles aux annonceurs ne manquent pas!
Une plateforme facile à délaisser
Lorsque le gouvernement fédéral a cessé d’annoncer sur Twitter en 2022 après la recommandation de la firme Cossette, c’est à peine 3 % de son budget de publicité qui venait d’être mis sur pause. À titre comparatif, la télé traditionnelle dépasse les 25 % de ses dépenses publicitaires et Facebook représente un peu plus de 10 %. Les sommes allouées à Twitter ne représentent par conséquent qu’une faible portion du budget publicitaire du gouvernement. Celles-ci peuvent facilement être réallouées dans les nombreux autres canaux que ce dernier utilise.
On peut finalement poser l’hypothèse que Twitter a davantage besoin de ses annonceurs que réciproquement. Pour s’éviter d’être associés à une plateforme où la controverse est souvent au rendez-vous, le sacrifice ne semble pas trop grand. Pourtant, le climat malsain n’est pas l’exclusivité de Twitter. On peut toutefois présumer que pour des plateformes comme Facebook, qui n’est pas non plus exempte de critiques, les annonceurs sont plus frileux à retirer leurs investissements.
Découvrez nos formations :