Pourquoi faut-il arrêter les évaluations annuelles ?
Par Kévin Deniau
10 octobre 2023
Surannée, facteur de démotivation et de frustration, jeu de dupe… L’évaluation annuelle n’a plus le vent en poupe selon Philippe Zinser, conférencier et coach RH. Sa nouvelle formation sur Isarta indique la marche à suivre pour redonner du sens à cet important acte de gestion. Entrevue.
Bonjour Philippe. Cette formation sur la fin des évaluations annuelles est l’une de celles que vous donnez le plus souvent en entreprise ces dernières années. Comment l’expliquez-vous ?
Philippe Zinser : Tout simplement car beaucoup d’entreprises qui font des rencontres annuelles constatent que cela ne marche pas. Cela n’apporte pas de résultat positif et provoque généralement de la démotivation voire des départs.
À un moment donné, il faut donc trouver une nouvelle façon de faire. Nous les emmenons alors vers une autre vision.
Quels sont les problèmes, au fond, des évaluations annuelles ?
P.Z. : Déjà leur fréquence : résumer toute une année de travail en une quarantaine de minutes amène beaucoup de frustration chez les salariés. Surtout chez les jeunes générations pour qui cela n’a aucun sens.
Ensuite, les gestionnaires ont tendance à y parler en majorité de ce qui n’a pas été bien fait, surtout sur les trois derniers mois, car cela est plus frais dans leur tête.
Conséquence : c’est un moment d’échange qui n’est agréable ni pour les employés ni pour les gestionnaires. J’en connais beaucoup qui détestent ce type de moment, à la fin de l’année, cars ils ou elles se rendent bien compte de l’absurdité de l’exercice et de la gène que cela peut engendrer.
Quelle approche proposez-vous ?
P.Z. : On revient aux fondamentaux en se demandant : pourquoi fait-on ce type de rencontre ? Ainsi, nous recommandons d’en faire plus régulièrement, au moins deux fois par an, si ce n’est une fois par trimestre. Les neurosciences nous disent qu’on mémorise bien les actions des trois derniers mois. Ça peut juste être 20 à 30 minutes. La régularité est plus importante que la durée.
Ensuite, nous réapprenons aux entreprises à avoir une approche plus basée sur l’écoute plutôt que sur le jugement. Rien que le mot « évaluation » traduit ce rapport d’emblée déséquilibré. Cela fait très scolaire. Nous parlons pour notre part de « rencontre de collaboration », car cela doit être un échange réciproque. Il faut retrouver le sens de la rencontre de carrière.
C’est l’objectif de ces rencontres ?
P.Z. : Oui, on veut que les collaborateurs soient motivés et aient envie de se projeter vers l’avenir. C’est pourquoi nous suggérons de parler uniquement de positif et de futur.
Le négatif doit, lui, être traité au fur et à mesure. Il s’agit de courage managérial : il faut avoir le courage, quand on est gestionnaire, de dire pourquoi cela ne va pas rapidement. Selon la règle des trois jours. Sinon, l’employé ne comprend pas pourquoi, à la fin de l’année toute la misère du monde lui tombe sur les épaules. Si, en décembre, le collaborateur reçoit une rétroaction négative d’une action faite en février, il ne va pas comprendre. Et se dire : pourquoi ne pas me l’avoir dit avant ?
La difficulté, c’est que c’est généralement lors de ces rencontres qu’est évoquée la question d’évolution du salaire…
P.Z. : C’est une erreur. Cela doit être un sujet à part. Si on parle salaire, on parle salaire. Mais on ne tourne pas autour du pot avec l’évaluation comme préambule. C’est la meilleure des manières de ne pas se dire les vraies choses ! Employé comme gestionnaire sont déjà dans une optique de négociation, ce qui biaise toute la partie, essentielle, sur la collaboration et le développement personnel. C’est comme une sorte de poker menteur.
Le paradoxe, c’est que j’ai parfois des dirigeants qui me disent qu’ils évoquent des points négatifs en évaluation annuelle… pour ne pas que les salariés demandent des hausses de salaire trop importantes ! En termes de démotivation, on peut difficilement faire pire…
Pourquoi la plupart des entreprises continuent à faire des évaluations annuelles ?
P.Z. : Parce qu’elles l’ont toujours fait ! C’est quelque chose qui a toujours été fait partout, pourquoi arrêter ? Peut-être que cela pouvait avoir des résultats à une époque. Mais, aujourd’hui, ce n’est clairement plus une bonne pratique.
On y mélange argent et développement personnel, c’est souvent le gestionnaire qui parle plus que l’employé, on parle de travail en équipe et pourtant on ne parle que d’objectif personnel…
Quels sont les résultats de la méthode de votre formation ?
P.Z. : Toutes les entreprises qu’on a accompagné jusqu’à présent ne reviendrait en arrière pour rien au monde. Une fois que les gestionnaires ont vu le changement de la recette, ils en deviennent ambassadeurs et retrouvent du plaisir dans leur rôle. Les collaborateurs, eux, trouvent cela plus léger et sans surprise. Ce qui doit découler de ces rencontres, c’est avant tout du plaisir.
Découvrez la formation de Philippe Zinser :
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