Martine Rioux (Québec Numérique) : « Chaque jour qui passe est une journée en moins pour trouver une solution » Reviewed by Kévin Deniau on . Martine Rioux : "On aurait voulu ne jamais prendre cette décision." 17 juin 2024 Le 11 juin dernier, Québec Numérique a annoncé la fin de ses activités au 31 ju Martine Rioux : "On aurait voulu ne jamais prendre cette décision." 17 juin 2024 Le 11 juin dernier, Québec Numérique a annoncé la fin de ses activités au 31 ju Rating: 0

Martine Rioux (Québec Numérique) : « Chaque jour qui passe est une journée en moins pour trouver une solution »

Par

Martine Rioux : « On aurait voulu ne jamais prendre cette décision. »

17 juin 2024

Le 11 juin dernier, Québec Numérique a annoncé la fin de ses activités au 31 juillet prochain. L’organisme à but non lucratif, organisateur notamment de la Semaine numériQC ou le Web à Québec (WAQ), indique avoir subi une pression financière intenable à la suite du retard du versement d’une subvention de 500 000 $ de la part du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), destiné au financement de l’école de développement 42 Québec. Martine Rioux, présidente du conseil d’administration de Québec numérique, répond aux questions de Isarta Infos sur la situation.

Québec Numérique existe depuis 2010. À quel moment avez-vous senti que la situation prenait une mauvaise tournure ?

Martine Rioux : Nous avons commencé par réaliser les premières redditions de comptes pour l’école 42 Québec auprès de la commission des partenaires du marché du travail (CPMT), une entité qui relève du Ministère de l’emploi. Puis, l’année passée, en juin 2023, le Ministère de l’emploi a décidé de rapatrier la reddition de comptes de son côté.

C’est là où cela a commencé à se complexifier. Jusqu’à présent, la CPMT était notre seule interlocuteur pour l’école 42 Québec, et à partir de cet instant, nous n’avons plu eu de contact avec la CPMT et le Ministère a commencé à nous poser de nombreuses questions et à nous demander beaucoup de documents. Nous leur avons répondu sans jamais avoir de retour si cela était correct ou non. Il n’y a pas eu de dialogue.

Comment l’expliquez-vous ?

M.R. : Ce n’est pas dans l’habitude de la CPMT de faire des redditions de comptes mais ils l’avaient gardé car ils croyaient beaucoup dans ce projet. Mais finalement, il a été décidé que cela n’entrait plus dans fonction de la CPMT.

Quelles actions avez-vous entreprises avant d’en arriver à cette décision radicale de mettre fin à vos activités après près de 15 ans d’existence ?

M.R. : Nous avons beaucoup sollicité le Ministère mais nous n’avons eu que très peu de réponses. Les échanges étaient toujours très factuels et administratifs. Nous avons proposé de nous assoir pour en discuter mais cela a été rejeté à chaque fois.

Et, en mai, nous avons reçu une lettre nous indiquant qu’une enquête administrative avait été ouverte. Cela nous a vraiment bloqué pour aller chercher d’autres sources de financement. Auparavant, nous continuions d’approcher d’autres partenaires, malgré le fait que notre équipe était accaparée à fournir la masse astronomique de documents demandés par le Ministère.

Mais, quand cette enquête a été officialisée, on se sentait mal à l’aise de contacter des partenaires privés pour aller récolter de l’argent. Cela a fragilisé l’équilibre de notre structure financière. D’autant qu’on attendait les sommes du Ministère (500 000 $) depuis le mois de septembre 2023. Durant tout ce temps, c’est Québec Numérique qui assumait ces coûts

Le Ministère a évoqué des « irrégularités observées dans la reddition des comptes« . De quoi s’agit-il ?

M.R. : Nous ne savons pas. Nous n’avons jamais eu de précision. S’il y avait eu un dialogue, nous aurions pu corriger nos façons de faire si cela ne convenait pas ou nous entendre sur une nouvelle façon de procéder pour la suite. Mais nous n’avons jamais pu avoir l’opportunité de nous asseoire ensemble pour en parler.

Comment s’est prise la décision de mettre fin à vos activités ?

M.R. : Nous avons organisé plusieurs rencontres du Conseil d’Administration (CA) ces dernières semaines. D’ailleurs, je tiens à préciser qu’il y a des observateurs de la CPMT, du Ministère de l’Emploi ou de la ville de Québec au sein du CA de Québec Numérique. Donc ils sont au courant depuis des mois que la situation est fragile.

Ça a été une décision extrêmement crève-coeur et déchirante à prendre. Nous avons essayé de trouver les voies de passage, de revoir la trésorerie… On aurait voulu ne jamais prendre cette décision.

La communication autour de cette décision fait-elle partie d’une stratégie pour brasser le cocotier et espérer que les choses se débloquent ?

M.R. : C’est sûr que c’est une façon de faire réagir. Sauf que, pour vrai, la situation est critique. La date de fin, c’est vraiment le 31 juillet. Ce n’est pas du bluff. S’il y a réaction et opération sauvetage, il va falloir que cela soit rapide et concret car on n’a plus beaucoup de semaines devant nous.

D’autant que l’équipe est très fragilisée aussi. Nous sommes 14 aujourd’hui et une personne vient juste de partir. Les employés y croient mais il faut quand même bien gagner sa vie. On est à risque que d’autres personnes quittent même si elles sont engagées et mobilisées. On veut se sauver mais est-ce réaliste ? On ne peut pas rester sur respirateur artificiel pour quelques mois.

Quand vous dites que Québec Numérique mettra fin à ses activités, cela concerne seulement 42 Québec ou l’ensemble de vos actions, dont le Web à Québec (WAQ) ou la Semaine numériQC ?

M.R. : C’est tout. Il s’agit de la même structure, Québec Numérique est la seule entité. C’est ça qui est déplorable : être obligé de terminer les événements rassembleurs et incontournables de développement professionnel pour la communauté. L’enjeu est autour de 42 Québec mais cela a des dommages collatéraux sur le reste de l’organisation. Je pense que c’est quelque chose que le Ministère n’avait pas bien perçu.

Ne regrettez-vous pas le lancement de 42 Québec, lancée il y a 3 ans ?

M.R. : Non, ça valait le coup et je crois toujours qu’il est nécessaire d’avoir une école comme 42 au Québec. On a besoin d’alternative, de formations différentes, de modèle hors de la boîte. Car les gens qui sont à 42, ils ne seraient pas allés dans d’autres formations offertes présentement. Si 42 Québec meurt le 31 juillet, j’espère que le concept va renaître ailleurs au Québec ou au Canada. J’y ai perdu des nuits de sommeil mais j’y crois encore !

Est-ce que les choses ont évolué depuis votre communication le 11 juin dernier et les réactions qu’elle a engendrées ?

M.R. : J’ose espérer qu’il y a eu un petit pincement au coeur au sein du Ministère et qu’ils se sont rendus compte de l’ampleur de la situation. Mais je n’ai eu aucun retour officiel pour l’instant de leur part. Nous avons juste reçu des demandes de documents à fournir pour l’enquête, encore la semaine dernière.

Il y a eu une réaction de la communauté que je tiens à remercier. Mais, pour le moment, il n’y a pas de solution concrète qui en ressort. Chaque jour qui passe est une journée en moins pour trouver une solution. Nous allons continuer à mettre la pression et à témoigner de l’impact que Québec Numérique a eu.



Retour en haut de la page