L’entrée en Bourse d’Etsy, ou comment concilier éthique et finances
Etsy, la plateforme américaine de vente en ligne de produits artisanaux, entre au Nasdaq ce jeudi 16 avril. Une preuve que « fait main » et données financières ne sont pas forcément incompatibles.
Lancée il y a tout juste dix ans à Brooklyn, Etsy est une plateforme où se vendent et s’achètent des produits faits main et vintage (qui ont plus de 20 ans). Dès ses débuts, l’entreprise affiche un leitmotiv fort : changer l’économie globale en jouant un rôle croissant dans le commerce et rapprocher le consommateur du producteur. Beaucoup d’artisans ayant disparu du fait de la mondialisation, Etsy entend ainsi proposer un artisanat mondialisé: selon ses fondateurs, « en retrouvant l’origine du produit, cela donne un sens à l’achat ».
Pas vraiment la candidate idéale pour entrer en Bourse
Labellisée « B-Corp » – une étiquette délivrée par B-Lab, un organisme à but non-lucratif, et censée traduire les performances sociales et environnementales d’une entreprise – Etsy n’apparaît pas vraiment comme la candidate idéale au Nasdaq. S’intéressant aux impacts sociétaux et environnementaux de ses décisions commerciales et marketing, l’entreprise affiche clairement ne pas envisager de faire passer les desiderata des actionnaires avant ses valeurs éthiques.
Or, « si les investisseurs apprécient qu’une entreprise fasse du bien, ils ne veulent pas que cela soit au détriment des bénéfices», affirme Kathleen Smith de Renaissance Capital, un gestionnaire de fonds cotés et centrés sur les entrées en Bourse. À noter d’ailleurs que parmi les 1200 sociétés labellisées « B-Corp » au monde, seules deux sont cotées en Bourse.
Le marché américain du e-commerce en hausse
Mais Etsy compte bien relever le défi et vise jusqu’à 1,78 milliards de dollars de capitalisation boursière. Sucharita Mulpuru, analyste au cabinet de recherche Forrester, affiche sa confiance envers la plateforme, qu’elle compare à eBay: « discours sociétal et environnemental ou pas, Etsy sera avant tout regardée comme une place de marché en ligne, au potentiel hautement lucratif» . En effet, le marché américain du e-commerce – où l’entreprise réalise 69% de son activité – devrait conserver un taux de croissance stable d’environ 10,5% dans les trois ans à venir, selon eMarketer.
Bien qu’ayant enregistré une perte nette de 15,2 millions de dollars en 2014, et n’ayant encore jamais atteint l’équilibre après 10 ans d’existence, Etsy entend réussir son entrée en Bourse. Elle a tout de même servi d’intermédiaire à près de 2 milliards de transactions l’an dernier, et a accéléré son développement à l’international avec le rachat de A little Market, son équivalent français. Par ailleurs, la plateforme tire déjà 36% de ses recettes du mobile, un canal de vente amené à prendre du poids. Enfin, Etsy mise sur le vivier de 53 millions de travailleurs américains indépendants, qu’il voit déjà en futurs vendeurs.
Etsy doit faire face à ses détracteurs
Mais tout n’est pas rose au pays du Do it yourself : Etsy doit continuer à convaincre les artisans de passer par sa plateforme, alors même que des critiques commencent à fuser à son encontre. En cause: l’ouverture depuis 2013 aux produits qui ne sont plus faits à la main, aux productions en petites séries, au made in China et même aux contrefaçons. Certains artisans déplorent également que des vendeurs se mettent à casser leurs prix pour attirer des acheteurs, entraînant une baisse significative des profits.
Crédit photo: Etsy.