Communication numérique et mode: quels enjeux?
L’événement de fin de saison de l’IABC/Montréal, qui s’est tenu le 2 juin dernier, a réuni 4 professionnels du monde la mode pour parler de l’impact des bouleversements technologiques sur cette industrie.
Quel sont les défis que pose l’arrivée des nouvelles technologies de communications (Web, médias sociaux, technologies de proximité, mobile, etc.) dans l’industrie de la mode? Pour répondre à cette vaste question, l’IABC/Montréal a convié pour son événement de fin de saison quatre professionnels de cette industrie:
- Marie-Eve Desrochers de Dulcedo Management
- Roslyn Griner d’AdditionElle
- Kinza Nasri de Ça va de soi
- et Jean-Philippe Boudreau d’Absolunet
Les réseaux sociaux, le quotidien
Lorsque Roslyn Grinder est arrivée chez AdditionElle, un site de mode dédié aux femmes taille +, les médias sociaux ne faisaient pas partie du décor. Sauf que pour créer de l’interaction avec les clientes et booster les ventes, le virage numérique était nécessaire: depuis, l’entreprise est présente sur quasiment toutes les plateformes sociales, et a fait du top archi-suivie Ashley Graham son ambassadrice.
On utilise chaque réseau social selon ses spécificités et ce qu’il peut nous apporter. Facebook nous sert à diriger les internautes vers notre site, en vue de réaliser des ventes. Instagram est plus considéré comme un magazine, une source d’inspiration, le feeling de la marque. Snapchat, c’est pour le côté fun et spontané, les coulisses de séances photos, par exemple. On fait aussi de la vidéo en direct avec Periscope… La technologie fait vraiment partie de notre stratégie marketing», explique-t-elle.
Chez Dulcedo aussi, la technologie est ancrée dans le quotidien. On s’en rend vite compte en jetant un oeil à la page d’accueil du site, composée de photos Instagram. Et pour cause: la cible de l’agence de mannequins et d’artistes, c’est la jeune génération, les Z-super-connectés.
Pour recruter les nouveaux visages de l’agence, Marie-Ève Desrochers utilise Instagram, Snapchat ou même Tinder.
La compagnie s’est développée avec les réseaux sociaux, qui nous servent à connecter avec des talents d’ici ou d’ailleurs dans le monde. Un ‘like’ sur une photo Instagram permet d’engager la conversation et créer le contact. Dans les années 90, on découvrait les mannequins par les marques; aujourd’hui c’est l’inverse, donc la personnalité et la présence sociale de nos modèles jouent beaucoup dans les bookings», affirme-t-elle.
Promouvoir la parfaite imperfection
Un constat qui fait écho chez Jean-Philippe Boudreau. Pour lui, les réseaux sociaux permettent aux marques de promouvoir «la parfaite imperfection», l’authenticité, le temps réel. Et ça, c’est très bon pour le ROR – le «Return On Relationship».
À l’heure où toutes les marques se font copier ou revendre, cette relation de proximité avec le client, c’est tout ce qui leur reste. Il faut être en interaction constante avec ses clients, et en 10 secondes de Snapchat on peut dire beaucoup sur nous, de façon non transformée».
L’instantanéité est de mise, le «see now buy now» oblige les marques de luxe à revoir leur mode de fonctionnement: il apparaît en effet difficile désormais de présenter sur le «catwalk» des produits qui ne seront pas disponibles avant plusieurs mois. Les gens ne veulent plus attendre pour avoir la même paire d’espadrilles que leur idole ou YouTubeur favori a posté sur son profil Instagram.
Le luxe étant synonyme d’innovation, les marques n’ont d’autre choix que d’embrasser celle insufflée par les nouvelles technologies.
Adapter les messages au canal
Mais quid des petites entreprises, dont le budget réservé au marketing et à la communication est restreint?
S’il ne fallait choisir qu’une seule plateforme où investir, je dirais Facebook. C’est celle qui, je pense, permet d’obtenir les meilleurs taux de conversion. Mais ça ne coûte rien de créer un compte Instagram ou Snapchat: en revanche, ça prend du temps et il faut y passer les bons messages. Ça doit se faire intelligemment», indique Roslyn Griner.
Ce qu’appuie Kinza Nasri:
Tous les réseaux sociaux sont bons pour la marque, je pense même qu’il peut être intéressant d’avoir une page Wikipédia. Travailler sa présence sur le Web est essentiel, il faut prendre le temps de le faire».
Chez Ça va de soi, on a en effet constaté à quel point l’expérience en boutique était complémentaire de celle en ligne, sur le site ou les réseaux sociaux de la marque.
Mais attention: à chaque réseau social son message. C’est la base, et on l’oublie encore trop souvent.
Selon la plateforme, on n’a pas la même audience, on ne doit publier au même moment, et le contenu doit être différent. La recette du chef? S’ajuster au tempo de la marque. Aussi, je pense qu’il faut rappeler à la marque que c’est à elle, et non à son agence, de faire sa gestion de communauté: qui mieux qu’elle peut répondre à ses clients?», déclare Jean-Philippe Boudreau.
Ambassadeurs et courriels, des atouts
La question des ambassadeurs de marque a aussi été abordée pendant la soirée: selon les panélistes, une fois qu’une marque a trouvé ses 3 ou 4 ambassadeurs vedettes, elle a la garantie d’obtenir de très beaux résultats, notamment parce qu’ils lui permettent de réaliser une communication qui n’est pas égocentrée.
Chez AdditionElle, à l’image d’Ashley Graham, les mannequins ne sont plus seulement recrutées parce qu’elles sont belles, on attend aussi d’elles qu’elles aient une notoriété en ligne. Un concept sur lequel travaille aussi beaucoup Marie-Ève Desrochers avec ses jolies recrues, allant jusqu’à leur donner un cours 101 de l’utilisation idéale des réseaux sociaux (quel profil pour la meilleure selfie, quoi poster à chaque jour pour entretenir le lien avec les abonnés etc.).
Qui dit Web dit également envoi de courriels et infolettre. Et pour nos 4 professionnels, il s’agit d’un canal encore très efficace: on parle d’une intention d’achat de 30 à 40% pour un produit vu dans un courriel.
Roslyn Griner indique que chez AdditionElle, 80% du temps est consacré à la gestion des courriels promotionnels personnalisés, favorisant le magasinage en ligne et permettant une segmentation précise et pertinente. Idem chez Ça va de soi, où l’infolettre mensuelle fonctionne très bien auprès d’une clientèle fidèle mais très exigeante.
En conclusion de la conversion, les panélistes ont affirmé d’une seule voix que l’avenir sera mobile, parfois virtuel, souvent fait d’algorithmes, et que la frontière entre le service en magasin et le service en ligne est en passe de s’effacer pour de bon.
Photo: MM Photo. De gauche à droite: Roslyn Griner, Jean-Philippe Boudreau, Marie-Ève Desrochers et Kinza Nasri.