Le marketing sonore : découverte d’une discipline méconnue
Par François Nadeau
7 septembre 2020
En point de vente, tous nos sens sont sollicités. Les détaillants savent notamment que pour attirer les acheteurs, l’aspect visuel est primordial. Dans certains domaines, en alimentation par exemple, la dimension olfactive joue également un rôle central. Toutefois, il existe un aspect qui est souvent négligé : l’ambiance sonore. Isarta Infos s’est entretenu avec Alain Goudey, professeur de marketing à NEOMA BS, directeur associé de l’agence de communication sonore AtooMedia et auteur du livre Marketing sensoriel et expérientiel du point de vente.
Jusqu’ici, qu’est-ce que la science a permis de comprendre du lien entre la musique et le cerveau ?
Alain Goudey : Depuis les années 1990, de nombreuses recherches en neurosciences se sont penchées sur le lien entre la musique et le cerveau. Aujourd’hui, nous savons que la musique peut avoir un impact sur la physiologie de notre corps, mais aussi sur les cognitions et les émotions.
Concernant l’impact de la musique sur la physiologie, il s’avère que certains sons stridents vont déclencher l’émission de cortisol, véritable hormone du stress. À l’opposé, des musiques apaisantes vont provoquer l’émission de dopamine, qui est à la fois à l’origine du frisson musical et de la sensation de plaisir (Harvard, 2011).
Concernant les cognitions, le son ou la musique vont pouvoir agir positivement sur la mémorisation des marques ou sur les inférences liées à la marque (ce que le consommateur va attribuer) (Hui, Dubé et Chebat, 1997 ; Rieunier, 2000 ; Goudey, 2007 ; Sayin et al., 2015).
Enfin, sur les émotions, il a été montré à de nombreuses reprises que la musique a un impact notoire sur l’état émotionnel des individus (Tansik et Routhieaux, 1999) : une musique joyeuse et dynamique a tendance à engendrer des émotions positives.
Et comment faites-vous pour mesurer l’efficacité d’une identité sonore ?
A. G. : Depuis de nombreuses années, je travaille sur l’influence de l’identité sonore, qui signe la marque en publicité TV ou radio. Cela m’a amené à développer pour AtooMedia un baromètre des identités musicales de marque.
Ce type d’approche vise à évaluer plusieurs choses, dont la dimension esthétique du son ou de la musique qui signe la marque, mais aussi sa cohérence avec la marque, son niveau de saturation ou encore l’évaluation de la personnalité sonore de la marque.
Et en magasin ? Vous faites comment ?
A. G. : L’influence de la musique sur le chiffre d’affaires a été exploré très tôt dans la littérature académique. Ainsi, l’expérience des stylos (Milliman, 1982) est la première qui indique un impact possible de la musique sur les ventes.
Depuis, de nombreuses études ont été menées sur ce sujet, y compris par la SACEM et MoodMedia (2017), en France, pour prouver l’effet positif de la musique en magasin… et ça fonctionne !
Selon cette dernière étude, 80% des clients préfèrent leur magasin en musique et 70% trouvent que cela améliore l’image du point de vente.
En termes de vente, observe-t-on un impact tangible ?
A. G. : De notre côté, une étude réalisée par AC Nielsen pour le compte de Mediavea indique qu’en moyenne, une radio en magasin augmente le chiffre d’affaires de +17%.
Dans la pratique, cela va de 2% à 35% selon la catégorie de produits qui est mise en avant dans l’animation commerciale de la radio. Le magasin est un lieu de décision et la radio est un media d’amorce flexible, fiable et peu onéreux.
En contrepartie, est-ce que la musique ou encore une ambiance sonore chargée sont à éviter dans certaines circonstances ?
A. G. : Il faut avoir en tête que la musique peut venir comme un élément de distraction cognitive. Ainsi, dans tous les contextes nécessitant une réflexion importante ou une discussion en vue de l’achat, la musique est à utiliser avec parcimonie.
Par exemple, chez les cuisinistes, il est intéressant de sonoriser la salle de montre, mais habilement pour éviter de trop sonoriser la zone conseil où client et vendeur échangent autour du projet. Il existe des technologies sonores assez directives pour permettre cela sans difficulté.
Il convient juste de l’anticiper au moment du projet de marketing sonore. À l’inverse, cet effet distractif peut être utilisé à bon escient dans d’autres contextes. Pensons par exemple à une succursale bancaire, où il est possible d’utiliser l’effet de masque pour davantage garantir la confidentialité des échanges au niveau du guichet, en sonorisant la zone d’attente de la succursale.
Finalement, en ces temps de Covid où plusieurs clients sont anxieux, avez-vous des conseils pour les commerçants en termes de marketing sonore ?
A. G. : Dans une période comme celle que nous vivons présentement, il est important de soigner l’expérience client au maximum, et ce pour toutes les dimensions. Ainsi, l’usage d’une musique plus apaisante peut être intéressante.
Il ne faut cependant pas tomber dans l’excès, car en matière de marketing sonore, l’ambiance musicale doit toujours rester en accord avec le positionnement du magasin. Toutefois, des rythmes plus lents peuvent être explorés.
On peut tenter également de mettre de la musique dans un magasin qui ne serait pas encore sonorisé. En effet, un magasin « silencieux » va avoir tendance à générer du stress car les sons sont plutôt stridents et stressants : la musique « lisse positivement » l’ambiance sonore d’un point de vente.
Par ailleurs, la diffusion de messages de prévention s’avère un bon moyen de signifier à vos clients que vous êtes attentifs aux gestes barrières et au contexte sanitaire : c’est toujours un plus de le (re)préciser afin de rassurer les clients.
Ainsi, j’avoue que nous avons produit beaucoup de « messages Covid » pour le compte de nos clients. La musique joue un rôle apaisant si elle est choisie pour cela ! Par exemple, nous accompagnons des hôpitaux en sonorisant leurs salles d’attente, justement pour calmer le stress et l’anxiété des patients. Avec un contenu sonore adapté et étudié pour cela, il est tout à fait possible d’apaiser l’anxiété par la musique.
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