« Les réunions asymétriques vont être la nouvelle norme »
Par Kévin Deniau
1er septembre 2021
Les réunions n’ont pas toujours bonne réputation. Trop chronophages, mal organisées… Est-ce que le travail à distance a permis de résoudre certains problèmes et que va-t-il se passer à l’heure du travail hybride ? On en parle avec Louis Vareille, « réuniologue » et auteur du livre « La réunionite, ça suffit ! Les 10 questions magiques et les 3 secrets de la Réuniologie ».
Avant de commencer, peut-on revenir sur votre titre de « réuniologue ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Louis Vareille : J’ai travaillé 30 ans dans l’industrie agroalimentaire dont 26 ans au sein du groupe Danone. En 2017, je me suis lancé à mon compte avec une expertise sur un domaine qui me procure beaucoup de plaisir : les réunions ! J’en ai animé plus de 12 000. J’ai ainsi créé le concept de Réuniologie et l’Ecole Internationale de Réuniologie.
Concrètement, je répare les réunions et je soigne la réunionite. C’est vraiment comme un processus médical. Je commence par observer et poser un diagnostic puis je fais une prescription et forme les équipes et les dirigeants, enfin je reviens faire des visites de contrôle.
Avez-vous vu des grands changements dans l’organisation des réunions durant cette dernière année, marquée évidemment par le confinement et le travail à distance ?
L.V. : Evidemment, la transformation majeure fut le passage à distance et donc l’organisation de réunions à distance symétriques, c’est-à-dire avec tout le monde derrière son écran. Tout s’est plutôt bien mis en place et rapidement.
J’ai pu observer que ces réunions sont plus courtes, plus ponctuelles, plus décisives… mais aussi qu’il y en a plus ! Ce qui peut provoquer de la lassitude et du désengagement.
Désormais, avec le retour progressif au bureau, on parle de réunion hybride et asymétrique, avec certaines personnes présentes dans une salle et d’autres dispersées dans des lieux différents. C’est clairement la nouvelle norme des réunions. Il faut donc apprendre à les apprivoiser. Ce qui n’est pas facile du fait de cette asymétrie autant d’un point de vue technique que de la méthode d’animation.
Et ces réunions hybrides sont-elles le meilleur des deux mondes ou au contraire entretiennent les problèmes, notamment le syndrome de la « fatigue Zoom » ?
L.V. : Pour répondre, je reprendrais les concepts du professeur Olivier Sibony qui parle d’activités télérobustes ou téléfragiles, c’est-à-dire qui peuvent se faire aisément à distance ou non. Les premières étant plutôt au service d’activités d’exploitation tandis que les autres d’exploration.
On a parlé d’une hausse de la productivité pendant le confinement. Certes, pour les activités d’exploitation, de routine. Mais ce fut plus compliqué pour les activités téléfragiles, comme les activités collaboratives, de projection ou d’innovation, que l’on ne peut bien mener qu’en présentiel.
Donc, au final, je ne dirais pas que c’est mieux ou moins bien. C’est la nouvelle norme. C’est comme ça. C’est un mode dégradé par rapport au présentiel intégral mais cela peut permettre à plus de personnes d’assister aux réunions, sans avoir à se déplacer.
Et de toute façon, même auparavant, il était malheureusement difficile d’avoir tout le monde en présentiel, sauf à mettre des contraintes d’agenda, à partir d’une certaine taille d’organisation.
Toutefois, cela nécessite une discipline de fer pour rendre l’expérience utile et agréable pour tout le monde. Et éviter d’avoir des participants de première et de seconde classe.
Quelles sont les bonnes pratiques pour mener des réunions hybrides ?
L.V. : Il y a plusieurs points.
- Déjà, il faut tout faire pour… les éviter ! Soit en s’organisant pour que tout le monde soit là. Soit en recréant de la symétrie en invitant les personnes présentes à s’installer dans des salles indépendantes. Pour que tout le monde soit logé à la même enseigne.
- Ensuite, il convient de reprendre toutes les bonnes pratiques des réunions traditionnelles (objectif, rôles, animation, relevé de décisions…) en ajoutant, en plus, une technologie de qualité en termes de son et d’image.
- L’animateur doit aussi être un obsessionnel de l’engagement des personnes distantes. Par exemple en commençant les tours de table par ces dernières, en provoquant des interruptions fréquentes pour les solliciter ou en nommant un régulateur empathique présent dans la salle qui va penser aux distants.
- Enfin, il y a une chose très importante : la fin de la réunion doit correspondre à la fin de la discussion. Sinon, si des choix sont faits après coup de manière informelle, cela envoie un très mauvais signal pour les distants et ne va pas les inciter à y participer de nouveau.
Le confinement a-t-il eu des conséquences positives en termes d’organisation de réunions ?
L.V. : Avec le confinement, on s’est rendu compte que les réunions avaient aussi une mission d’entretien du lien, même de manière informelle avec les cafés Zoom par exemple.
J’espère sincèrement que certaines bonnes pratiques vont rester. Que l’on va plus s’intéresser à l’individu et pas juste au contenu. Et que des efforts seront mis en place pour que les réunions présentielles puissent contribuer à entretenir ce lien, et renforcer l’énergie collective.
Et que cela va donner des idées aux entreprises de réfléchir à leurs modalités de collaboration. Je pense ici à la matrice moment / lieu de Johansen qui fait la distinction entre symétrie / asymétrie et synchrone / asynchrone.
Le confinement nous a permis de nous rendre compte que l’on pouvait collaborer sans être dans le même lieu. Et d’exploiter toutes les potentialités de la partie gauche de la matrice. Il reste à explorer la partie droite et identifier toutes les activités que l’on peut mener en mode « asynchrone ». Par exemple, au lieu de faire des réunions d’informations, descendre l’information de manière asynchrone et créer des moments synchrones pour discuter ensemble et répondre à des questions sur un contenu déjà découvert par les participants.
Cela peut-être par des petites pratiques : demander de réfléchir en amont d’une réunion à une question. Ou d’envoyer au préalable une vidéo prise avec son smartphone à tous les participants.
Une dernière question : existe-t-il une durée optimale de réunion ?
L.V. : Je ne sais pas s’il y a une durée optimale mais en tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il faut proscrire les réunions de une heure. Elles doivent faire 50 min maximum, pour laisser du temps de pause aux gens qui ont des réunions qui se suivent.
Ensuite, mon expérience m’indique que la durée minimum pour discuter au fond un sujet en impliquant tout le monde est d’environ 30 minutes. Donc je dirais que pour maintenir un bon niveau d’engagement et que les participants soient concernés, il faut des réunions compactes : courtes, avec peu de participants et traitant peu de sujets. Et laisser au moins 30 minutes par sujet. Impossible donc de vouloir aborder 5 points en 1h par exemple !
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