Cannabis : votre entreprise est-elle prête pour la légalisation?
Par Kévin Deniau
16 octobre 2018
Le cannabis récréatif sera officiellement légalisé demain, ce mercredi 17 octobre, au Canada. Ce qui n’est pas sans soulever de grandes questions pour les employeurs du pays. Pour les aider, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) a publié l’an dernier un guide sur le sujet. En voici les faits saillants.
La légalisation du cannabis peut vite devenir un vrai casse-tête pour les entreprises, concernant son usage dans le milieu du travail. « Des employés qui travaillent dans des secteurs cruciaux en matière de sécurité ne seront jamais autorisés à consommer du cannabis, que ce soit de service ou en période de repos », avait par exemple averti Air Canada en septembre dernier. Une interdiction tout à fait licite pour Renu Mandhane, la commissaire en chef à la Commission ontarienne des droits de la personne.
Des professionnels préoccupés
Selon des données présentées par Assurex Global, le Colorado et Washington, deux États qui ont légalisé le cannabis au cours des dernières années, ont vu son usage augmenter respectivement de 20 % et de 23 % entre 2012 et 2013. Une proportion équivalente à ce qu’estime le Canada.
D’après un sondage du CRHA auprès de ses membres en juin dernier, 3/4 se disent préoccupés d’un point de vue professionnel par la légalisation prochaine du cannabis et 85 % estiment que celle-ci aura des impacts sur leur milieu de travail.
Par ailleurs, la moitié des organisations sont peu ou pas du tout prêtes à faire face à la légalisation du cannabis et ses impacts. D’où la nécessité de ce guide, intitulé : « Comment s’adapter à la légalisation du cannabis dans les milieux de travail ? ». Dont voici un résumé.
Quelles sont les obligations de l’employeur ?
Il convient de rappeler ici que tout employeur a l’obligation de protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychologique de ses salariés.
De ce point de vue, et comme nous le mentionnions ci-dessus, l’employeur dispose du droit de mettre en place une politique prohibant la possession ou la consommation de drogues sur les lieux du travail. Il est ainsi possible d’avoir une politique de « tolérance zéro », confirme Me Charles Wagner et Me Raphaël Buruiana, avocats chez Langlois avocats.
Ces derniers rappellent que, même en l’absence d’une telle politique, un employeur peut sanctionner un salarié se présentant sur les lieux du travail sous l’influence de drogues ou en possession de telles substances, en fonction du danger que représentent les gestes qu’il accomplira, par rapport aux autres salariés ou d’une tierce partie.
Toutefois, l’employeur ne peut pas pour autant procéder à des tests de dépistage aléatoires ou à des tests systématiques au travail (sur ce sujet, voir l’affaire Irving). Ni à procéder à une fouille d’un salarié ou de ses effets personnels.
Quelles sont les obligations des salariés ?
Comme pour l’employeur, les salariés ont une obligation générale : fournir la prestation de travail à laquelle leur employeur est en droit de s’attendre. Aussi, il doit respecter les règles de conduite dictées par l’employeur, par exemple une politique en matière de drogues sur les lieux du travail. Même en l’absence d’une telle politique, tout salarié doit respecter les règles de droit applicables à tous, précise le guide.
Quelles sanctions s’il ne se conforme pas à la politique de l’entreprise ? La mesure disciplinaire peut aller du simple avis verbal au congédiement. En l’absence de politique, l’employeur sera libre d’imposer la sanction appropriée, en prenant en considération les facteurs aggravants (trafic de drogue sur les lieux du travail par exemple) et les facteurs atténuants.
Comment mettre en place une politique claire ?
Lorsqu’il s’agit de prévention, les meilleures pratiques sont la sensibilisation des travailleurs, la formation des gestionnaire ainsi que l’implantation et la communication d’une politique en la matière. Les mesures relatives à l’usage du cannabis et les sanctions qui en découlent peuvent très bien être intégrées à une politique globale portant sur la consommation d’alcool, de médicaments et de drogues au travail, rappelle le guide.
Hugo Morissette, Directeur analyse et affaires publiques chez Octan, précise que toute politique doit être adaptée à la réalité de votre organisation. Il conseille de mener une consultation en amont afin de faire un premier état des lieux sur le sujet et de voir les attentes et les besoins spécifiques de l’entreprise.
Il convient également de statuer clairement sur la position officielle de l’entreprise : tolérez-vous ou non la consommation et si oui, jusqu’à quel seuil maximal ? Tout en expliquant vos raisons et les moyens d’application. Enfin, il faut aussi prévoir les sanctions possibles, tout en privilégiant une approche préventive.
Pour y arriver, un comité peut être mis en place comprenant différents représentants (ressources humaines, juridiques, communications, syndicaux etc).
Ne pas oublier également : la communication de cette politique à l’ensemble des salariés. Ainsi, des activités d’information ou de sensibilisation peuvent être organisées, ainsi qu’une formation des gestionnaires. « Une bonne communication est indispensable afin d’assurer la compréhension, l’acceptation et le suivi d’une politique », indique le guide, « Le personnel de votre entreprise devra sentir l’ouverture au dialogue et non l’imposition de la nouvelle politique. »
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