Comment réussir à bien mesurer son ROI marketing… sans trop d’indicateurs « de vanité » ?
Par Kévin Deniau
4 février 2020
Patrick Landry, stratège en cybermétrie pour l’agence Ressac, explique l’importance de bien mesurer ses données et comment le faire.
Avec l’émergence du numérique et la prolifération des données, peut-on désormais mesurer la performance de toutes nos actions marketing ?
Patrick Landry : C’est compliqué de répondre oui ou non car cela dépend des modèles d’affaires, des types de campagnes menées et du parcours utilisateur de chaque compagnie.
Certes, les technologies de mesure sont plus raffinées aujourd’hui. Mais la difficulté, c’est que les comportements des utilisateurs sont aussi plus complexes à appréhender. On parle d’utilisateurs omnicanaux ou « nonline », un nouveau terme qui est une sorte d’hybride entre « en ligne » et « hors ligne ». C’est-à -dire que les gens ont aujourd’hui une multitude de points de contact avec ton entreprise et tes produits.
Les parcours utilisateurs sont de plus en plus éclatés, avec plusieurs types d’appareils utilisés, et la frontière est plus floue que jamais entre le monde physique et numérique.
Certaines solutions, notamment offertes par Facebook ou Google, permettent de mesurer le trafic physique des personnes qui viennent dans ton magasin grâce à leur téléphone intelligent. Mais elles ne sont pas accessibles à tout le monde, cela nécessite une masse critique et des ressources suffisantes.
Donc, en résumé, on peut dire que l’on ne peut pas tout mesurer stricto sensu mais on peut mesurer beaucoup de choses qui permettent de donner de grandes orientations stratégiques.
Après, doit-on forcément tout vouloir mesurer ?
P. L. : Il est important d’avoir des liens entre tes objectifs d’affaires et tes données pour voir si tes initiatives numériques marketing sont rentables.
Mais je pense en effet qu’il faut moins aller vers le « On mesure tout » et plutôt se rapprocher de la voix du consommateur. De retourner d’une certaine manière à l’opinion des gens.
Par exemple, en mesurant les indices de satisfaction comme le Net Promoter Score ou le Customer Experience Index. En fait, savoir si les utilisateurs parlent de vous positivement. Le bouche à oreille reste en effet un canal marketing important !
Comment faire la différence entre des indicateurs de performance clés et des indicateurs « de vanité » ?
P. L. : C’est un point super important. Il faut en effet toujours essayer de différencier les données que l’on mesure selon la valeur qu’elles apportent à l’entreprise.
Les indicateurs de vanité, par exemple « j’ai un million de visites sur mon site ou d’adeptes sur ma page Facebook », ça fait du bien… Mais est-ce bon ou mauvais ?
Il faut bien voir qu’une donnée, en soi, a une valeur neutre. On ne peut pas dire en soi si une donnée est bonne ou pas, cela dépend du contexte ! Il faut toujours revenir aux objectifs et au modèle d’affaires.
Parfois, les entreprises veulent augmenter leurs nombres d’abonnés sur Facebook ou Instagram. Mais est-ce que ces abonnés ramènent vraiment de la valeur à ton entreprise ?
Quels indicateurs doit-on suivre alors ?
P. L. : Il faut amener des indicateurs clés de performance qui sont tactiques et stratégiques, et essayer de les voir dans le temps.
Nous conseillons d’éviter de mesurer juste des transactions, des impressions ou des clics mais d’essayer de mesurer les comportements des utilisateurs sur du moyen ou long terme (lifetime value, nombre d’achats par utilisateur…)
Après, il faut être honnête avec nous-mêmes pour faire ce travail : il faut y aller selon notre marge de manoeuvre réel et notre niveau de maturité. Et y aller par étape. Toutes les entreprises ne vont pas pouvoir mesurer le lifetime value de leurs consommateurs, leur taux de fidélisation ou leur taux de satisfaction.
Ce qui arrive souvent aussi, c’est qu’il faut justifier ses actions à court terme en interne. Donc on est obligé d’en passer par des indicateurs de vanité et dire, pour un investissement média par exemple, j’ai investi tant d’argent, j’ai eu tant d’impressions, tant de pages vues, tant de clics etc. C’est correct.
Mais il faut en parallèle mettre les autres choses et savoir par exemple combien on est prêt à payer pour un nouveau client et quel nouveau type de client. Cela veut dire être en capacité de séparer les utilisateurs selon la qualité de leur session ou leur probabilité de conversion. Tous les consommateurs n’ont en effet pas la même valeur.
En résumé, il faut être capable de jouer avec des indicateurs de court terme et de long terme ?
P. L. : Oui, car sur le long terme, les indicateurs de vanité ne permettent pas de savoir si ce qu’on fait est rentable ou non. Il faut calculer notre taux d’engagement ou le customer lifetime value. A l’inverse, si ton approche est trop axé sur les revenus, tu ne connais pas le portrait de tes acheteurs.
Aussi, il est important de mettre en comparaison les indicateurs clés de performance entre eux. Car si tu ne fais que juste regarder ton taux de conversion par exemple sans regarder ton panier moyen ou ton coût d’acquisition, tu n’auras qu’une partie du portrait.
Quels outils sont recommandés pour mesurer ses données?
P. L. : Encore une fois, cela dépend de la réalité des différentes entreprises. Le tableur est bien entendu très répandu et est à la base de l’analytique. Mais si tes initiatives marketing sont dans plusieurs plateformes différentes, tu vas te retrouver avec des diverses sources de données, ce qui pose un vrai défi.
Nous, chez Ressac, on est partenaire de la plateforme marketing de Google donc on utilise beaucoup d’outils de chez Google.
On recommande beaucoup Data Studio par exemple. C’est gratuit, très intuitif et est compatible avec toute la suite Google. Cela permet d’importer tes données depuis ton tableur et donc de faire des beaux tableaux de bord. Avec tous les connecteurs, tu peux aussi y mettre les données de ton CRM, des pages Facebook etc.
On utilise aussi des outils d’agrégation comme Supermetrics par exemple. Cela permet de te connecter à différentes API (Facebook, Twitter, Linkedin…) et donc d’importer directement toutes tes données dans ton tableau puis dans Data Studio. Ils ont aussi une version plus abordable avec tableau de bord. Cela permet d’avoir une vue quasi en temps réel sur tes indicateurs.
Et en termes d’outils analytiques ?
P. L. : La base, c’est bien sûr Google Analytics ou le Pixel Facebook. Mais attention, il ne s’agit pas juste d’intégrer quelques lignes de code. Il faut aussi bien configurer ces outils selon son modèle d’affaires et ses besoins.
Il ne faut pas perdre de vue que la première chose à faire est de partir de ses objectifs d’affaires, puis d’établir les stratégies pour y arriver. Et ensuite de mettre en place la visualisation de l’impact de ses stratégies. Cela veut dire mettre en place une architecture adaptée à ta réalité.
Après, vient la question de l’automatisation des processus pour gagner en rentabilité et optimiser l’usage de ses ressources… C’est ce dont nous parleront précisément lors de la conférence en l’occurence !
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