Connaissez-vous le marketing RH, une nouvelle approche pour développer sa marque employeur ?
Par Kévin Deniau
13 novembre 2018
La notion de marque employeur est de plus en plus importante pour les compagnies qui souhaitent autant attirer que garder leurs talents. Rencontre avec Marie-Claude Trudeau qui nous parle de son approche en la matière chez Sept24.
Dans la signature de courriel de Marie-Claude Trudeau, il est indiqué qu’elle est vice-présidente stratégie et créativité de Sept24, une agence de communication marketing montréalaise. Classique. Mais en dessous, deux petits mots en gris : « Concrètement rêveuse ».
Chaque employé a choisi un oxymore qui le définit. Pour bien montrer que nous ne sommes pas dans une petite boîte, on peut être une chose et son contraire, la réalité est complexe. Pour ma part, j’ai opté pour la notion de rêve et de créativité mais toujours axé sur un objectif d’affaires, car on veut du concret au final ».
Une approche originale qui se perçoit également dans une des activités de Sept24, qui s’est spécialisée dans le marketing RH.
Nous croyons en l’importance du branding et du storytelling en formation, surtout lorsqu’elle implique un changement dans la culture de l’organisation. Trop souvent les équipes RH et Développement Organisationnel accordent beaucoup d’importance au contenu… mais peu au contenant ! », explique Marie-Claude Trudeau.
C’est lors d’une entrevue sur la gestion de la formation, dans le cadre d’une conférence organisée par Les Affaires sur le sujet, que nous avons évoqué le sujet plus en profondeur. Au point d’en faire un article en soi pour bien expliquer ce concept qui consiste à appliquer les techniques marketing aux programmes de formation.
A la découverte donc du marketing RH.
Sept24 est spécialisée en communication interne, marque employeur et en… marketing RH. D’où vient cette nouvelle approche ?
MC. T. : Sept24 développe ce modèle depuis 2014. Personnellement, j’ai rejoint la compagnie il y a deux ans, avec justement un bagage très marketing. Cela tombe bien car notre approche est vraiment basé sur le marketing et la communication.
On a appliqué ces méthodes aux ressources humaines : le design thinking, le plan de communication basé sur ses utilisateurs, comment s’assurer d’être pertinent pour les employés, d’attirer leur attention et surtout qu’ils puissent rétenir des messages-clés, etc.
Tout part en effet des employés. On regarde ce qui est important pour eux. Ce qui nous donne la « proposition de valeur employé », l’équivalent de l’USP (unique selling proposition) en marketing. Cela nous sert autant pour attirer des candidats que pour les retenir en interne.
Est-ce lié à la mutation du monde du travail, qui est marqué par une profonde évolution des attentes des salariés ?
MC. T. : Je vois en effet deux facteurs explicatifs à cette tendance de fond. D’une part, dans ce contexte de plein emploi, les compagnies se demandent de plus en plus qui ils sont en tant qu’employeur. D’où le développement croissant de la notion de marque employeur.
Par ailleurs, en effet l’arrivée d’une nouvelle génération sur le marché du travail amène les organisations à changer leurs façons de faire. Il n’est plus possible d’avoir une loyauté basée juste sur un système de fonds de pension.
La nouvelle génération est extrêmement exigeante. Ils veulent se développer tant au niveau professionnel que personnel. Ils ne veulent pas juste avoir une formation mais veulent être inspiré, vibré. On ne peut plus les mettre dans une salle de classe avec un ordinateur. Comme en marketing, il faut créer des expériences.
Avez-vous un exemple ?
MC. T. : Oui, j’ai en tête des événements que l’on peut faire pendant les formations pour conscientiser les apprenants sur une problématique. Par exemple, à l’occasion d’une formation avec des gérants de boutiques Vidéotron.
Nous étions à l’hôtel Hyatt du complexe Desjardins. On a demandé à la vingtaine de salariés de remettre leur manteau et on est allé sur la rue Sainte Catherine. On a alors arrêté la circulation !
Des gens klaxonnaient, il y avait du bruit partout. Il y a même une personne qui est sortie de son auto. Évidemment, ils ont trouvé cette expérience très stressante, personne ne se sentait bien. Puis, on est rentré dans l’hôtel et on est allé tout en haut sur le toit. Et on a regardé la même rue avec de l’altitude.
Nous avons fait cela pour introduire la journée sur le leadership. Le message était de leur faire comprendre qu’il faut savoir prendre de l’altitude et changer de tactique parfois. Je pense que cet apprentissage concret aura été plus marquant pour eux que n’importe quelle autre introduction qu’on aurait pu faire.
L’idée de travailler avec des symboles ou de l’imagerie, c’est de pouvoir se souvenir des analogies par l’image et être capable de mieux expliquer ensuite les concepts appris. Ça vient un peu bousculer les RH traditionnelles, c’est sûr !
Pouvez-vous nous en dire plus justement sur votre méthode ?
MC. T. : Une des premières choses, comme je le disais précédemment, c’est d’adapter la formation à la cible. Une même formation ne devrait pas être présentée de la même façon à une équipe de vente ou à une équipe d‘ingénieur. C’est naturel de faire ça en marketing mais pas forcément en RH!
On a identifié 12 grands éléments que l’on considère clé dans l’expérience employé. Par exemple, la responsabilité sociale, l’innovation, la reconnaissance, les relations avec les collègues, les conditions et bénéfices etc. Nous menons donc une série de questions, une centaine, pour mesurer à la fois la satisfaction de l’employé mais aussi ce qui revêt le plus d’importance à leurs yeux de travailler dans leur compagnie.
Par exemple, on veut savoir : est-ce important pour les salariés de Vidéotron de travailler pour une entreprise québécoise ? Ou pour ceux de Desjardins de travailler pour une coopérative ? Ou est-ce important d’avoir du fun avec ses collègues ? Cela semble niaiseux mais il y a des entreprises où ce n’est pas si important que cela.
Cela nous permet de définir les forces motrices et les forces restrictives, ce qui est important pour eux mais où ils sont moins satisfaits. Cela permet ainsi à l’employeur de savoir où mettre son argent. En effet, on ne peut pas être bon en tout. On va regarder ce qui est le plus important pour l’employé et là on il est le moins satisfait.
Et après cet audit, que se passe-t-il ?
MC. T. : Ensuite, il convient de développer un plan de communication de changement. Effectivement, le plan de formation ne doit pas arriver du jour au lendemain, cela risque de créer un blocage. Un plan de communication est nécessaire pour faire vivre cette nouvelle philosophie.
La culture, c’est le comportement des employés. Tu ne peux pas changer cela du jour au lendemain. Trop souvent, des formations sont menées et on n’en parle plus après. Nous, on va s’arranger pour donner du sens à cette formation. On va par exemple faire une vidéo explicative qui explique pourquoi ce plan de formation.
Généralement, on investit énormément dans le contenu des formations mais peu sur la communication autour. Si on veut faire un parallèle, c’est comme si on avait la meilleure pub du monde mais pas le bon plan média.
On peut même être amené à changer le nom d’une formation pour que cela soit pertinent pour le type d’employé. J’ai en mémoire une formation sur le changement qui s’intitulait « L’attitude face au changement pour rester à flot ». Ce n’est pas très inspirant voire cela peut faire peur. La neuropsychologie nous apprend que, pour mémoriser certaines choses, il faut débloquer parfois certaines barrières dans le cerveau. Certaines existent juste dans la manière de présenter les choses.
Et enfin, nous mesurons les résultats, en regardant le taux de roulement de la compagnie, son niveau d’engagement ou encore son attraction : le nombre de CV reçus mais aussi et surtout la qualité du fit avec la culture de l’entreprise. C’est-à-dire est-ce que les candidats recrutés vont rester après.
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