Diversité «sonore» en publicité : «En tant que créatifs, nous devons remettre en question nos réflexes et explorer d’autres avenues»
15 novembre 2022
Ces dernières années, les médias ont beaucoup parlé de diversité « à l’écran » – aussi bien dans la fiction que dans la pub – , mais qu’en est-il de la diversité « qui s’entend »? Celle des publicités radio ou de la narration des publicités télé? Philippe Brassard, directeur de création adjoint de l’agence Cossette, est l’instigateur de l’initiative ‘Voilà de nouvelles voix’, un projet effectué en partenariat avec la plateforme de sélection de voix VoilàCasting et le studio d’enregistrement Lamajeure, visant à enrichir le patrimoine sonore publicitaire. Nous avons voulu connaître la genèse du projet. Entrevue.
C’est en prenant du recul sur son propre travail – et celui de ses pairs – que le créatif publicitaire s’est rendu compte d’un réflexe à souvent «réserver» les mêmes types de voix pour les mêmes types de produit. Par exemple, une voix d’homme pour une publicité de camion ou de BBQ, une voix féminine pour des produits de beauté.
Je me souviens avoir écrit une publicité sur le hockey et, ayant peu de temps pour trouver la voix, j’ai choisi une voix parmi une sélection limitée d’hommes à l’accent ‘québécois’… En y repensant après coup, je me suis dit qu’une voix créole ou féminine aurait tout aussi bien fonctionné. Je me suis alors rendu compte que, même si la diversité est un enjeu important pour moi, quand un thème comme le hockey surgissait, j’avais le réflexe de l’associer à une voix masculine, typiquement ‘québécoise’… En tant que créatifs, nous devons remettre en question nos réflexes et explorer d’autres avenues. »
La démarche, comprend-on, implique de faire un examen de conscience de ses pratiques.
Par nature, la publicité fait appel à des raccourcis pour faire passer un message, explique-t-il. Pour un produit X, on prend tel type de voix. Si on ne remet jamais ces réflexes en cause, ça devient une norme, puis un cliché. L’objectif de notre initiative est de rappeler aux créatifs: quand vous choisissez une voix, est-ce que vous le faites par réflexe ou est-ce qu’il y a une réflexion derrière?»
L’ancien concepteur-rédacteur, promu directeur de création adjoint il y a un peu moins d’un an, croit que les annonceurs sont tout ouïe pour se faire proposer une plus grande diversité sonore dans leurs publicités. Il en prend pour preuve une campagne portant sur la thématique «masculine» de la rénovation, datant de quelques années, dont la narration est faite par l’actrice Valérie Blais et qui a connu beaucoup du succès. Les agences doivent aller un pas plus loin, insiste-t-il, et offrir aux annonceurs la possibilité de choisir des voix issues de la diversité ethnoculturelle.
Tout le monde est au courant [de l’enjeu de diversité], tout le monde veut s’y attaquer, mais, dans le concret, ce n’est pas toujours facile à faire », concède-t-il.
Mettre en place les conditions gagnantes
La réflexion de Philippe Brassard a débouché sur une initiative finalement très concrète, impliquant la plateforme de sélection de voix VoilàCasting et le studio d’enregistrement Lamajeure.
D’une part, l’agence Cossette a demandé à l’Union des artistes (UDA) de lui recommander des artistes issus de la diversité qui seraient intéressés par le projet de faire une démo – enregistrée par Lamajeure – , afin de bonifier le catalogue de la plateforme VoilàCasting. L’accompagnement inclut une «initiation au studio, la mise à disposition d’une démo comme outil de promotion ainsi qu’un coaching».
Nous avons commencé à montrer ces démos à nos clients et ça les aide à se projeter, à imaginer où leurs publicités peuvent les amener », explique Philippe Brassard.
Dans un deuxième temps, la plateforme VoilàCasting s’est engagée à distribuer à ses abonnés – essentiellement des membres de l’industrie – une infolettre mettant en vedette des acteurs issus de la diversité ethnoculturelle, afin de rappeler aux agences québécoises l’impératif d’offrir une diversité « sonore » en publicité.
C’est un travail d’équipe, conclut Philippe Brassard. En tant qu’agence, nous devons aller vers de nouveaux talents et prendre le temps de travailler avec eux. De l’autre côté, l’annonceur doit prendre le risque de faire les choses autrement, puis de faire confiance au processus. »
À court terme, certains tournages seront plus longs – lorsqu’il s’agit d’acteurs moins expérimentés, concède le directeur adjoint en poste chez Cossette. À long terme, l’industrie de la publicité instaurera un cercle «vertueux» duquel tous les partis intéressés en ressortiront gagnants.
Voici des acteurs et actrices qui ont participé à la première infolettre:
- Emmanuelle Duperval (profil sur VoilàCasting);
- Franck Julien (profil sur VoilàCasting);
- Ahmad Hamdan (profil sur VoilàCasting);
- Fally Kaseka (profil VoilàCasting).
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