Doit-on se méfier des outils de gestion de la performance? Reviewed by Philippe Jean Poirier on . 13 janvier 2021 Les applications de gestion de la performance à distance sont perçues par plusieurs comme d’indésirables « outils de surveillance », violant imp 13 janvier 2021 Les applications de gestion de la performance à distance sont perçues par plusieurs comme d’indésirables « outils de surveillance », violant imp Rating: 0

Doit-on se méfier des outils de gestion de la performance?

Par

13 janvier 2021

Les applications de gestion de la performance à distance sont perçues par plusieurs comme d’indésirables « outils de surveillance », violant impunément la vie privée. Est-ce réellement le cas, et leur intention?

Le lancement de la fonctionnalité « Productivity Score » dans Microsoft 360 de Microsoft, le 17 novembre dernier, nous en offre le parfait exemple.

L’outil devait permettre à un gestionnaire de consulter la courbe de productivité d’un employé à partir de 73 indicateurs de mesures provenant des applications Outlook, Teams, Excel et ainsi de suite.

Le volet « individuel » a été retiré peu de temps après le lancement, après avoir soulevés la grogne des uns et des autres. En fin de compte, les gestionnaires ne pourront que consulter la productivité globale de leur équipe de travail.

Nous avons parlé aux avocats Guillaume Laberge, avocat spécialisé en droit à la vie privée et Benoit Brouillette, avocat en droit du travail, tous les deux associés du cabinet Lavery, pour mieux comprendre les enjeux entourant la question. Entrevue.

À votre connaissance, est-ce que des entreprises québécoises utilisent ce genre d’outils de surveillance ou de gestion de la performance?

Guillaume Laberge : Oui, ça se fait régulièrement au Québec. Et ce n’est pas nouveau. Il existe une panoplie de logiciels et d’outils informatiques pour mesurer la productivité des employés, en compilant le nombre de courriels, le temps passé sur Internet, le temps d’utilisation de certains logiciels, etc. Toutefois, je n’ai  pas vu d’utilisation de la capture d’écran dans ma pratique.

Benoit Brouillette : En tant qu’employé, l’erreur à ne pas faire, c’est de penser que c’est ces nouveaux logiciels [comme Productivity Score] qui vont révéler nos comportements sur Internet. La réalité, c’est que les serveurs et les ordinateurs des organisations contiennent déjà énormément d’information par rapport à notre utilisation des technologies.

Aussi, dans un contexte de télétravail, la frontière peut nous apparaître plus floue… Il ne faut pas penser que, parce que le travail se fait de la maison, l’employeur n’a plus son droit de direction et ne peut plus contrôler le travail. Le lien de subordination continue d’exister.

Est-ce que les entreprises ont le devoir d’informer leurs employés de l’utilisation d’un logiciel de surveillance ou de gestion de la performance?

Guillaume Laberge : Oui. Les employeurs ont l’obligation d’informer les employés qu’ils ont recours à ce type de technologie là. Évidemment, le degré de précision ou de transparence variera d’une organisation à l’autre; mais, idéalement, ce sera balisé dans une politique claire d’utilisation des technologies.

Les employeurs ont-ils d’autres obligations envers leurs employés?

Guillaume Laberge: Les employés ont une expectative de vie privée qui a été reconnue par la jurisprudence.

Benoit Brouillette : La question de la vie privée, c’est un angle. Il y a également l’angle des conditions de travail déraisonnables. L’encadrement législatif prévoit que les conditions de travail ne doivent pas être déraisonnables. Par exemple, l’employeur ne doit pas effectuer une surveillance constante de ses employés.

Voyez-vous une légitimité à ces applications de surveillance ou de gestion de la performance? Ou est-ce que vous les déconseillez à vos clients?

Guillaume Laberge: Il est vrai que ces applications sont souvent présentées comme des outils de surveillance dans le débat public. Mais ce sont aussi des outils qui peuvent être extrêmement puissants et utiles pour les organisations, d’un point de vue opérationnel.

La collecte d’information peut tout à fait être légitime à des fins opérationnelles. On peut penser à un projet en particulier où l’on souhaite augmenter la productivité d’un élément spécifique. On va recueillir une série de données qui va nous aider dans une perspective opérationnelle. On peut surveiller ce que les gens font, quand l’objectif en est un d’amélioration. Tout est dans l’objectif et dans la façon.

Benoit Brouillette : Il faut aussi se rappeler qu’il existe une panoplie d’autres moyens de gestion – même dans un contexte de télétravail – pour s’assurer que les employés effectuent une bonne performance de travail.

Crédits photo de une : Scott Webb / Unsplash


Retour en haut de la page