« Fatigue persuasive » et « paradoxe du choix » : Pourquoi il n’est pas bon d’avoir… trop d’opinions !
24 juin 2024
La capacité à formuler une opinion ou un jugement sur une situation donnée est généralement une bonne chose. C’est ainsi que l’on peut prendre des décisions et aller de l’avant. Toutefois, il y a parfois lieu de se demander si nous n’abusons pas, parfois, de ce processus mental. Peut-on avoir… « trop d’opinions »? Explorons la question.
Lors d’un passage récent au balado de Tim Ferriss, Dustin Moskovitz, cofondateur et PDG d’Asana, a expliqué quelques-unes de ses stratégies pour demeurer productif sans basculer dans l’épuisement professionnel. Parmi celles-ci, le fait de réduire au minimum le nombre de fois où il prend position, émet un jugement ou forme une opinion dans une journée :
Si je n’ai pas d’opinion forte, je préfère ne pas en avoir », laisse-t-il tomber, au milieu de son argumentaire.
Pour expliquer son raisonnement, le cofondateur d’Asana évoque le principe du « paradoxe de choix » étudié et popularisé par Barry Schwartz, stipulant que, face une abondance de choix, les gens ont tendance à se sentir dépassés et finissent par être insatisfaits, peu importe le choix qu’ils font.
Pour éviter d’être confronté à ce dilemme, je pense que le meilleur raccourci est de choisir ses combats. À mon niveau, ça signifie souvent de juste dire : « je m’en fous, je n’ai pas de préférence ». Certainement, dans ma vie personnelle, j’essaie de le faire aussi souvent que possible. Ma femme est toujours en train de me montrer des œuvres d’art pour décorer la maison. Si je n’ai pas d’opinion forte, je préfère ne pas en avoir », reprend-il.
Le quotidien nous place face à une multitude de choix à faire qui n’auront pas une grande conséquence, ou des résultats rapidement différents, peu importante le choix que l’on fait.
Lorsqu’on n’a pas une opinion arrêtée sur un sujet, c’est préférable de ne pas dépenser d’énergie dessus. »
Un épuisement à l’étude
Dans un article de Scientific American, un groupe de chercheurs annonçaient en novembre 2022 avoir mené un projet de recherche sur la « fatigue persuasive », qui est l’épuisement ressenti lorsqu’on argumente constamment avec autrui. En cette ère de polarisation extrême, cette piste de recherche vaut certainement qu’on s’y intéresse.
Quand les gens argumentent, une sorte de frustration appelée ‘la fatigue persuasive’ peut embrouiller leur jugement et affecter leurs relations », expliquent les auteurs.
En interrogeant 600 Américains, les auteurs ont découvert que 28% des gens avaient coupé les liens avec un proche en raison de cette « fatigue persuasive ». Toujours selon les chercheurs, la plupart des gens attribuent l’échec d’un débat ou d’une discussion à « l’autre personne ».
C’est vrai que les autres ne sont pas toujours ouverts à nos idées. Arrêter la discussion peut dès lors être la bonne chose à faire. Car, dans un débat enflammé, votre fatigue peut vous amener à mal interpréter la situation et croire que votre opposant est trop limité ou aveuglé pour voir la vérité. Nous suggérons humblement que parfois, ce n’est pas eux, c’est vous. »
Une question qui date de la nuit des temps
Évidemment, nous ne trancherons pas cette question aujourd’hui. Dans quelle mesure faut-il débattre, prendre position, arrêter son jugement sur un sujet ou l’autre? La question date de la nuit des temps.
Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses », a écrit Epictète, philosophe de l’école stoïcienne.
Le site Daily Stoic en explicite le sens de cette façon :
Les stoïciens considéraient l’opinion comme la source de la plupart des misères. C’est ce qui prend des situations objectives et les transforme en [quelque chose] de bien, de mal, une erreur, une injustice, d’essentiel, de mérité ou de scandaleux. C’est également ce qui prend des choses qui n’ont rien à voir avec nous et en fait des problèmes pour nous. Ne pas aimer ce que fait une autre personne, croire qu’une chose en dehors de notre contrôle devrait être fait autrement, et ainsi de suite.»
Voilà matière à réflexion.
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