« La flexibilité au travail est devenu un incontournable aujourd’hui » – Geneviève Provencher
Par Kévin Deniau
13 avril 2022
La flexibilité. Voici LE maître-mot du moment dans le domaine des ressources humaines. A l’heure de la pandémie, de la pénurie de main d’oeuvre ou de la « Grande Démission », tâchons de voir ce qui se cache derrière cette notion, avec Geneviève Provencher, fondatrice du cabinet Flow, spécialiste de la question.
A partir de quand avez-vous commencé à vous intéresser au sujet de la flexibilité au travail ?
Geneviève Provencher : J’ai travaillé sur un 1er projet pilote de mesures flexibles au travail en 2009. Donc bien avant que cela devienne le sujet de l’hiver 2020 avec la pandémie ! A l’époque, je trouvais que les gens étaient trop stressés et qu’on allait dans le mur si on ne mettait pas en place des actions pour favoriser la conciliation famille – travail.
Puis, je suis retournée à l’école, j’ai eu des enfants et j’ai vécu aux Etats-Unis, où je me suis rendue compte de la difficulté d’être un bon leader en permanence au travail avec une vie de famille. Que cela soit en tant que femme ou homme. J’ai découvert ce concept de flexibilité et j’ai ainsi décidé de l’importer au Québec, à mon retour.
Voyez-vous une différence depuis la pandémie ?
G.P. : On sentait déjà un mouvement bien avant la pandémie. Mais c’est vrai qu’il y a eu une incroyable accélération en l’espace de deux ans. Je pense que la pénurie de main d’oeuvre est toutefois un facteur au moins aussi important : sans cette dernière, beaucoup d’employeurs auraient essayé de revenir au monde d’avant.
C’est devenu aujourd’hui un incontournable. On ne plus en faire fi, dans un contexte où l’on a parlé pendant deux ans de télétravail et où l’on se projette désormais vers un modèle hybride.
Qu’englobe le concept de flexibilité au travail ? On imagine que c’est bien plus large que le simple télétravail.
G.P.: En effet. Il s’agit d’une façon de gérer ses politiques RH avec souplesse pour que ses employés puissent trouver un juste équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle.
Nous avons bâti une méthodologie en la matière qui repose sur 4 piliers : la communication, le leadership, la gestion du changement et la technologie et l’environnement de travail. Et nous agissons en tant que conseil et d’aide au recrutement pour les entreprises sur cet enjeu.
Sur quoi se base cette méthodologie ?
G.P.: La première chose est de sonder et d’écouter les employés. Puis d’analyser les données avant de proposer des solutions… mais sans les imposer de force. C’est-à -dire en fonctionnant par projet pilote qui sera évalué et révisé dans 6 mois. Il faut que cela soit clair dans les communications pour qu’il n’y ait pas de malentendu et que cela génère une grande confiance à l’interne.
L’analyse du projet pilote doit mesurer évidemment le niveau de satisfaction des employés mais aussi vérifier que la mesure est bien compatible avec le modèle d’affaires de l’entreprise. C’est un ensemble.
On voit très nettement que les entreprises qui écoutent leurs employés sont celles qui s’en sortent le mieux. Autant en termes d’attraction que de fidélisation. Néanmoins, tout le monde se dit flexible… mais rares sont ceux qui le sont vraiment quand on creuse un peu.
C’est-Ã -dire ?
G.P. : On entend parfois des gestionnaires qui se disent flexibles car ils acceptent le télétravail. Mais c’est légèrement plus complexe que cela. Il s’agit de définir plus en profondeur leur offre de flexibilité et ça, cela ne se fait pas autour d’un souper.
Cela demande de sonder ses gens, les impliquer, voir ce qui est possible de faire puis de déployer des actions et de communiquer autour de cette flexibilité. Dans cette approche, les gestionnaires deviennent des coachs et les employés sont plus responsabilisés.
N’y a-t-il pas un risque d’abus ou de surenchère de la part de ces derniers ?
G.P.: C’est en effet la crainte évoquée par certaines personnes : « Si on ouvre la porte, mes gens en voudront toujours plus ou tout le monde va vouloir sa petite chose ». A l’usage, on se rend compte que ce n’est pas le cas. Certes, il y a toujours quelques employés qui vont abuser de cette flexibilité offerte… mais comme ils abusaient auparavant sur d’autres sujets.
L’idée, c’est d’y aller par blocs. Par exemple, pour le télétravail, il convient de définir le cadre que l’on se fixe : est-ce pour tout le monde ? Peut-on travailler de l’étranger ? Dans un autre endroit que de la maison ? Dans quelles conditions sont reçues les personnes qui veulent rester au bureau etc.
C’est un point qui est souvent sous-estimé : il est important d’encadrer la flexibilité. Sinon, les employés se retrouvent dans des zones grises et ils ne se sentent pas mieux. Illustration avec les « vacances illimités » ou le fait de dire « tu peux prendre ton vendredi si tu as fini ton travail de la semaine ». En fait, la plupart ne vont pas se permettre…
Quelles sont les mesures que vous avez prises par exemple chez Flow ?
G.P. : Chez nous, on a opté pour la semaine de travail de 30 heures. Pas question de semaine de 5 jours compressées sur 4. On laisse la flexibilité aux employés d’organiser leurs semaines comme ils l’entendent, en fonction de ce nombre d’heures, ce qui permet d’ouvrir la porte à plus de candidatures lorsqu’on affiche des postes et de créer un certain cadre malgré tout à l’interne. Je n’y vois que du positif, même s’il faut dire que cela s’adapte particulièrement bien à notre modèle d’affaires.
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