Google et les témoins de navigation : d’apocalypse… à pétard mouillé!
19 août 2024
Après avoir fait planer pendant 3 ans la menace de mettre fin aux « cookies » de navigation, Google a choisi de « marcher sur la peinture » en abandonnant son projet tout en promettant de « mettre en place une nouvelle expérience dans Chrome qui permettra aux internautes de faire un choix éclairé ». Nous en explorons les implications pour l’industrie du marketing numérique avec Benoît Skinazi, chef du marketing chez Sharethrough.
Isarta Infos : Combien d’articles ont été écrits, ces dernières années, pour convaincre les entreprises de développer leurs données propriétaires afin d’atténuer la fin des cookies de navigation. Est-ce que cette décision de Google est surprenante pour vous ?
Benoît Skinazi: Tout compte fait, l’annonce n’a pas fait énormément de vagues. Je pense que l’industrie s’y attendait un peu, sachant qu’une bonne partie est rassurée aussi que ça n’ait pas lieu.
Ce genre de nouvelles nuit à certaines entreprises, alors que d’autres en bénéfient. Par exemple, une entreprise comme Criteo, qui est spécialisée dans le reciblage des utilisateurs et dont le modèle d’affaires repose fortement sur les cookies, a vu le cours de son action bondir de 9%.
En contrepartie, les entreprises du secteur ad tech qui justement développaient des applications reposant sur un Web sans cookies vont peut-être voir une adoption moins marquée de leurs solutions. Toutefois, à moyen et long terme, on sait qu’on en aura besoin malgré tout.
Avec cette volte-face, doit-on remiser l’argumentaire portant sur les données propriétaires ? Est-il toujours important de développer ses propres bases de données client ?
B. S. : Absolument! Les entreprises doivent continuer ce qu’elles ont commencé; le data, c’est le pouvoir. Ensuite, il faut aussi voir que Google n’est pas le seul navigateur. Les cookies ont déjà disparu sur Safari et sur Mozilla depuis un bon moment.
Les médias émergents, comme la publicité sur télévision connectée, ne nécessitent pas de cookie. Les ciblages de publicité sur des applications mobiles ne nécessitent pas de cookies. Une grosse partie d’internet fonctionne donc déjà sans cookie tiers. À partir de là, disposer de solutions qui permettent aux entreprises d’avoir de la donnée propriétaire qui ne nécessite pas des cookies a déjà du sens.
Selon vous, le changement de cap de Google compromet-il la notion de vie privée sur le Web ?
B. S. : Même si Google annonce revenir en arrière, les gouvernements et les États, eux, ne vont pas faire de même. Ils continueront d’adopter de nouvelles réglementations, que ce soit la RGPD en Europe, et ses équivalents en Californie ou au Québec.
Toutes ces législations vont dans le sens d’un retrait des solutions qui ne respectent pas la vie privée. Et, globalement, je crois que l’industrie du marketing numérique va continuer à migrer vers un modèle sans cookies.
Comment interpréter le fait que Google ait tant de difficulté à se rallier à la position des grands joueurs de son secteur, comme Apple et Facebook ?
B. S. : Google a un modèle d’affaires qui repose intégralement sur la publicité, contrairement à Apple. Et son modèle repose sur la navigation sur le Web ouvert, contrairement à Facebook qui opère en circuit fermé.
Aussi, Google est dans une position extrêmement délicate, étant donné sa domination sur le marché de la publicité numérique. Dès qu’ils prennent une décision pour le retrait des cookies, ça impacte des milliers d’entreprises du secteur des Ad tech. Et s’ils gardent les cookies, ils vont se faire reprocher de maintenir une position qui sert leurs intérêts. Peu importe la décision qu’ils prennent, ils vont se la faire reprocher.
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