Grandeurs et dangers de l’hyperbole en rédaction publicitaire Reviewed by Pascal Pelletier on . « Moi, j’avais l’ancien Omo qui lavait plus blanc et il lavait déjà bien, hein. Mais maintenant, il y a le nouvel Omo qui lave encore plus blanc. Moi, j’ose plu « Moi, j’avais l’ancien Omo qui lavait plus blanc et il lavait déjà bien, hein. Mais maintenant, il y a le nouvel Omo qui lave encore plus blanc. Moi, j’ose plu Rating: 0

Grandeurs et dangers de l’hyperbole en rédaction publicitaire

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« Moi, j’avais l’ancien Omo qui lavait plus blanc et il lavait déjà bien, hein. Mais maintenant, il y a le nouvel Omo qui lave encore plus blanc. Moi, j’ose plus changer de lessive : j’ai peur que ça devienne transparent après » (Coluche).

L’hyperbole est sans doute la figure de style la plus utilisée en publicité, mais c’est aussi la plus risquée tant elle sert encore à créer des lignes d’une banalité et d’une prétention affligeantes. Au point, d’ailleurs, de pouvoir éventuellement nuire à la crédibilité de l’annonceur. Exemple de platitude hyperbolique (mais votre opinion est peut-être différente) : Le plus grand secret de beauté de tous les temps (produits cosmétiques Elisabeth Arden). Par contre, utilisé dans des cas particuliers ou avec davantage de finesse, le procédé peut s’avérer très rentable. Le point sur cette figure de style incontournable.   

L’art de frapper très fort pour… marquer au moins un peu!

En publicité, l’hyperbole consiste en une expression qui porte au plus haut sommet, et généralement de façon exagérée, la vérité d’une idée ou, très souvent, une marque ou l’une de ses qualités, pour produire ainsi une grande impression. En voici des exemples, dont je commenterai les forces et les faiblesses dans cet article :

  • La première banque au Québec (un des slogans de la Banque Nationale du Canada au Québec)
  • On ne dit plus un dictionnaire, mais un Larousse
  • On l’a (Réno-Dépôt)
  • Les jouets, c’est nous (Toys’R’us)
  • L’apéritif de renommée mondiale (Martini)
  • 100% des Français ont mangé, mangent ou mangeront de la Vache qui rit
  • Le poulet à son meilleur (Flamingo)
  • Un Ricard sinon rien!
  • Le meilleur, sinon rien (Mercedes-Benz)
  • Pour que le ciel soit le plus bel endroit de la terre (Air France)
  • De toutes, c’est celle qui dure. On s’y fie partout (piles Duracell)
  • Fisher fabrique le ski des vainqueurs

0000015210-002Le principal – et peut-être le seul – avantage de l’hyperbole est de concevoir par elle des formules-chocs dont l’emphase, ou l’aspect «maximum, top du top», attireront l’attention puis laisseront sans doute des traces dans l’esprit des consommateurs, et cela que ces derniers croient ou non à l’affirmation hyperbolique. Reprenons un exemple ci-dessus qui vous montrera pourquoi et comment.

Supposons que vous vivez au Québec et découvrez ce slogan de la Banque Nationale du Canada : La première banque au Québec. Il est possible que vous ne l’aimiez pas ou, pire, que vous ne croyiez pas à cette affirmation. Toutefois, cette formule peut vous marquer par son côté trop exagéré et vantard à votre goût. De plus, vous devez reconnaître que ce slogan est court (5 mots) et d’une construction très simple. Pour ces raisons, il est possible aussi qu’il marque votre mémoire et, donc, que vous le reteniez.

Si c’est le cas, malgré votre opinion plutôt négative sur cette ligne publicitaire, la Banque nationale mène la partie contre vous 1 à 0.

Supposons aussi que vous réfléchissez à ce slogan hyperbolique – ou que c’est seulement votre subconscient qui y pense –, vous pourriez en venir à cette conclusion : « Oui, c’est une importante banque canadienne, tout le monde sait ça. Mais en quoi au juste est-elle première banque au Québec? Comme c’est une grosse institution et qui doit se protéger, elle a dû s’assurer que le slogan est correct sur le plan juridique. Personnellement, je ne suis pas convaincu, mais cette banque est sans doute effectivement première en quelque chose au Québec : nombre de clients ou de succursales, ou taille de l’actif… »

Et voilà : l’annonceur augmente son score à 2 à 0 en ce qui vous concerne. Même si vous ne croyez toujours pas que cette institution est la première banque au Québec, soit vous lui laissez le bénéfice du doute, soit vous pensez qu’elle est au moins une banque importante pour une raison ou une autre en territoire québécois. C’est ce qu’on cherche à faire avec l’hyperbole : «Viser un maximum pour atteindre un moyen objectif», comme l’a indiqué Gilles Tremblay dans son excellent ouvrage L’ABC du style publicitaire français (Brossard, Linguatech, 1982).

Pour écrire We are number one – mais en toute simplicité –, faut être number one

imgresOr, pour en arriver à un tel résultat, une condition est essentielle : l’annonceur doit être… à la mesure de la formule hyperbolique qu’il emploie! Crédible, premier ou l’un des plus importants joueurs dans son domaine. Par conséquent, plus une entreprise et/ou une offre sont importantes ou exclusives, plus il est facile et logique de les qualifier par des hyperboles.

J’irais même plus loin : lorsqu’une entreprise et/ou une offre sont vraiment les premières, les plus importantes dans leur domaine, les publicités qui les concernent devraient affirmer cette supériorité au superlatif de la façon la plus simple et directe possible, et c’est ce qu’a voulu faire Larousse avec On ne dit plus un dictionnaire, mais un Larousse ou 

la Banque Nationale avec La première banque au Québec.

En effet, si vous doutez encore que la Banque Nationale du Canada est première au Québec, une relationniste de cette institution m’a écrit que «cet énoncé (La première banque au Québec) s’appuie sur le fait que nous sommes la banque à charte canadienne ayant la plus forte présence au Québec, qu’il s’agisse d’employés, de succursales, d’actif ou de capitalisation boursière».

J’insiste sur le fait que les formules hyperboliques devraient alors être des plus simples et directes. À ce sujet, revenons encore à la Banque Nationale, qui, pendant quelques semaines au début des années 2000, avait lancé une première mouture de son slogan au Québec : On n’est pas la première banque au Québec pour rien, qui avait de graves faiblesses.

D’abord, la longueur et les 3 particules négatives (n’, pas, rien) en 10 mots. Or, en rédaction publicitaire, on doit éviter autant que possible les négations. Mais il y a plus grave : le côté prétentieux et snob de l’affirmation. Enfin, la construction semble véhémente – il ne manque qu’un point d’exclamation rageur! –, ce qui détonne pour une institution du secteur financier, où la sobriété est de mise.

La première banque au Québec, voilà qui est infiniment mieux. Répétons-le en d’autres termes : quand l’avantage, par rapport à la concurrence, est unique, il doit être simplement énoncé, comme dans ce cas. De toute façon, en rédaction publicitaire, on a avantage en toutes circonstances à rester simple.

Encore mieux que d’être The number one : le plus avantageux pour les clients

Évidemment, ce ne sont pas toutes les entreprises ou travailleurs autonomes qui peuvent annoncer qu’ils sont premier… puisqu’il n’y a qu’un premier par secteur d’activités! En outre, se déclarer leader incontestable dans son créneau, par l’une ou l’autre formule hyperbolique, n’attirera pas pour autant tous les clients potentiels, et cela pour au moins deux raisons.

D’abord, et comme je le répète souvent dans mes séminaires de rédaction ou à mes clients, quels que soient le concept ou les textes publicitaires que vous concevrez, et quand bien même ceux-ci seraient pertinents, voire géniaux, selon tous les grands experts de ce monde, il se trouvera toujours des consommateurs pour les détester. Deuxième raison : concernant les premier, il y a de plus en plus de gens qui ne veulent pas faire avec eux… parce qu’ils sont premiers!

Ainsi, bien des gens n’ont jamais pénétré dans un Wal-Mart parce que c’est trop gros, américain et qu’ils veulent encourager le commerce local. Et c’est sans compter les tares traditionnelles associées à un premier : ses clients seraient tellement nombreux qu’il les traiterait comme des numéros et en commettant des erreurs, les bas prix seraient là mais pas la qualité, etc. L’emploi de l’hyperbole est donc risqué aussi pour ces raisons.   

Certaines entreprises ont compris ces raisons en jouant efficacement la corde de ne pas être les premières dans leur domaine. L’exemple le plus célèbre de ce positionnement – une campagne étudiée dans tous les bons cours de publicité – est celui d’Avis, qui était deuxième derrière Hertz dans le marché américain de la location de voitures : We are number two, but we try harder (Nous sommes numéro deux, alors nous travaillons plus fort). Résultat: en peu de temps, Avis a augmenté sa part de marché de 6 %, et il s’agissait des premiers gains de l’entreprise en 13 ans.   

Une autre façon, très fine et efficace, d’utiliser l’hyperbole est de le faire concernant un avantage pour le client de l’entreprise ou d’une de ses offres. Même des entreprises premières dans leur créneau préfèrent employer ainsi cette figure de style plutôt que de clamer qu’elles sont number one. C’est le cas de Duracell, filiale de Procter & Gamble et premier fabricant mondial de piles : De toutes, c’est celle qui dure. On met donc de l’avant l’avantage de la longévité du produit pour l’utilisateur.

Dans le même ordre d’idées, comparons les hyperboles suivantes : Les jouets, c’est nous (Toys’R’us) et On l’a (Réno-Dépôt). Au fond, ces lignes passent le même message – si vous désirez quelque article que ce soit dans notre domaine, vous le trouverez chez nous –, mais la seconde le transmet différemment : contrairement au slogan de Toys’R’us, celui de Réno-Dépôt est moins prétentieux et ne mise pas sur le nom de l’entreprise, en plus d’être plus simple, plus court et, surtout, plus centré sur le client et ses besoins. Vous cherchez n’importe quel article de rénovation? On l’a; voilà votre avantage de venir nous voir.   

L’importance de la preuve dans les textes pub autres que les slogans

Si une ligne comme La première banque au Québec ne contient pas la preuve de ce qu’elle affirme, c’est normal parce qu’il s’agit d’un slogan, soit une ligne dont le rôle n’est pas de prouver quoi que ce soit. Le slogan a pour but d’attirer l’attention de votre public, de susciter une émotion chez lui, de toucher son imagination car « il faut que votre client se souvienne de cette émotion lorsqu’il voit votre produit ou service » (www.lemarketeurfrancais.com).

Cela étant dit, certains concepteurs-rédacteurs tentent d’inclure une preuve ou plutôt, soyons honnête, un semblant de preuve dans leurs créations de slogans : 100 % des Français ont mangé, mangent ou mangeront de la Vache qui rit, une ligne que je trouve très sympathique. Vous me direz que le 100 % n’est nullement prouvé et qu’il s’agit encore d’une affirmation sans fondement. Bien sûr, mais l’indication d’un tel chiffre « fait sérieux » et, compte tenu de la force de la marque La Vache qui rit, vous avouerez qu’on est tenté d’y croire. De bons chiffres font partie de l’attirail de la rédaction publicitaire. 

Mais si vous employez l’hyperbole dans des textes pub autres que des slogans ou de ce qui y ressemble, comme des titres-accroches de textes ou de visuels, prouvez vos affirmations. « La publicité a beaucoup évolué depuis l’époque où il suffisait de clamer qu’un produit était « le meilleur ». Seuls comptent les faits. Des faits concrets, pas des affirmations plus ou moins vagues. Il ne suffit pas de clamer haut et fort qu’un produit permet de réaliser une tâche plus vite, mieux, plus facilement ou pour moins cher. Combien de temps gagne-t-on? Combien d’argent? Pourquoi? ». (Patrick Quinn, Secrets pour rédiger sa publicité, Paris, TOP éditions, p. 92).

Évitez les formules hyperboliques usées jusqu’à la corde

Comme l’a écrit M. Quinn, on ne peut plus se borner à des expressions comme le meilleur. (Le poulet à son meilleur de Flamingo, vous aimez? Pas moi.) Hélas, en rédaction publicitaire sévissent encore de ces expressions si usées, vagues et passe-partout, qu’au lieu d’attirer l’attention, elles font fuir les lecteurs ou, au mieux, les font sourire tant ces platitudes sont éculées. En outre, elles sont souvent utilisées pour des faits discutables ou carrément réfutables : un produit inégalable ou le meilleur marché du monde. Aucun annonceur ne peut prouver de telles affirmations.

Voici donc une liste de ces superlatifs à éviter puisqu’elles prouvent seulement une impuissance de création et que leur pouvoir vendeur est nul :

  • Le meilleur au monde
  • Le préféré de tous
  • L’idéal
  • Le plus économique, le moins cher, le meilleur marché
  • Le plus performant
  • Le plus fiable
  • Le plus solide
  • L’inimitable
  • L’incontournable
  • L’incomparable
  • L’unique, etc.

J’ajoute à cette liste rien et sinon rien : Un Ricard sinon rien! Le meilleur, sinon rien (Mercedes-Benz), je ne trouve pas ça très fort, mais, encore une fois, ce n’est que mon opinion…

En conclusion, « laissez entendre que vous êtes le meilleur…

… tout en ne le disant pas et en évitant de (vous) comparer aux autres » (Gilles Trembay, op. cit). M. Tremblay ajoute que  « cette forme d’excès de langage (l’hyperbole) demande à être utilisée avec prudence et soigneusement dosée ». Dans ce texte, j’ai indiqué pourquoi je trouve certains exemples d’hyperbole intéressants, parmi la liste initiale d’exemples au début de cet article.

Voici les autres exemples de cette liste plus quelques autres qui ne s’y trouvent pas avec quelques commentaires. À mon avis, ces lignes sont aussi pertinentes ou au moins passables, aucune n’illustrant l’un ou l’autre des travers que j’ai conseillé d’éviter. 

  • Fisher fabrique le ski des vainqueurs. On associe la marque avec des gagnants – un positionnement payant en publicité.
  • Pour que le ciel soit le plus bel endroit de la terre (Air France). On évoque d’une façon simple mais jolie l’expérience de confort qu’offre Air France, spécialement la bonne visibilité que les passagers peuvent avoir des hublots des avions.
  • On s’y fie partout (Duracell). C’est le positionnement éprouvé « Tout le monde le fait, fais le donc » Personnellement, j’aurais préféré On s’y fie partout et pour tout.

Enfin, certains mots comme mieux, moins, très et tout peuvent créer des hyperboles intéressantes, puisque l’effet de superlatif est alors moins appuyé que d’écrire le meilleur :

  • Payez moins, vivez mieux (Wal-Mart)
  • Essayez donc de trouver mieux! (Seven-Up)
  • Cora vous propose la simplicité. Tout ce qui est bon peut aussi être moins cher
  • Vous apprécierez la très grande fidélité d’images du magnétoscope NV8610 Panasonic
  • Tout mode, tout près (Galeries Terrebonne).
  • Le restaurant de toutes les grillades (restaurants Courtepaille)
  • Si tous les hommes sont frères, tous les pains ne sont pas cousins (Boulangeries Cousin)

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