Achat média responsable chez BMR : « On veut laisser une deuxième chance aux médias d’ici »
Par Kévin Deniau
29 juin 2020
L’achat local fait partie de la grande tendance du moment post crise de la COVID-19. Outre l’emblématique Panier Bleu, les initiatives diverses et variées se multiplient. La dernière en date : BMR qui va investir 95 % de ses achats médiatiques localement. Entrevue avec Jonathan Gendreau, VP marketing et stratégie numérique et Dominique Dubé, Directrice marketing et expérience omnicanale.
La filiale du groupe coopératif Sollio, qui compte 300 magasins de matériaux et articles de quincaillerie au pays, a déjà investi près de 25 M$ dans l’industrie médiatique locale au cours des trois dernières années, sous forme de publicité ou de promotions. Si 40 % des dépenses numériques du groupe se faisaient au profit des médias étrangers (Facebook et consorts) jusqu’à maintenant, BMR a choisi de réduire drastiquement cette part lors de la prochaine année.
Les seuls investissements qui seront maintenus dans des médias étrangers seront pour ceux qui n’ont pas d’équivalence de service localement, indique-t-elle dans son communiqué. Pour y arriver, BMR a ainsi développé des partenariats avec de nombreux joueurs de l’industrie médiatique d’ici (Transcontinental, Cogeco, Québecor ou des stations de radio locale comme CFJO à Thetford Mines ou CJRG à Gaspé).
Pour parler de cette tendance d’achat média responsable, comme nous l’expliquait il y a peu le président de Touché!, et défendue depuis par l’A2C, nous nous sommes entretenus avec Jonathan Gendreau, VP marketing et stratégie numérique et Dominique Dubé, Directrice marketing et expérience omnicanale de BMR.
Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette décision : est-ce que la COVID-19 a été un déclencheur ?
Jonathan Gendreau : Déjà, il faut rappeler que c’est ancré dans notre ADN : 90 % de nos produits sont soit locaux soit fabriqués par des partenaires locaux. On a toujours eu un important pied à terre local. Cela est notamment lié au fait que nous ne sommes pas une entreprise comme les autres. On fait partie de Sollio Groupe Coopératif. On s’inspire donc grandement du modèle coopératif et de ses valeurs de responsabilité et de solidarité.
Le sujet commençait à émerger de plus en plus parmi les agences et c’est sûr que la COVID-19 a été un élément déclencheur. Il y avait urgence.
On a donc décidé d’être parmi les premiers à agir. On s’est dit que c’était le bon moment de le faire et on espère que d’autres entreprises vont emboîter le pas.
Vous allez donc vous passer de Google et Facebook ?
J.G. : En fait, c’est surtout sur le volet programmatique et les serveurs de publicité que l’on veut faire des transferts budgétaires. Ce n’est pas vrai que BMR va se débrouiller sans Google dans les prochaines années, une société qui n’a pas d’équivalent au Québec.
Mais au niveau des autres médias numériques, on veut s’assurer de laisser une deuxième chance aux médias d’ici. Il faut se rappeler qu’à l’époque, il y avait encore très peu d’alternatives numériques au Québec mais cela s’est développé à grande vitesse ces dernières années. Il y a de nouveaux produits qui existent désormais pour faire du marketing segmenté et automatisé.
C’est pourquoi on va mettre la quasi totalité de notre argent au Québec en média sur les 12 prochaines mois. Mais attention, on ne fait pas de la charité : on va suivre notre performance et on attend que les médias soient au rendez-vous ! Mais je pense vraiment que cela va marcher…
Justement en termes de performance, voyez-vous une différence entre médias traditionnels et plateformes globales ? VIA Rail démontrait récemment que c’était la même chose.
J.G. : Il faut faire la part des choses et c’est difficile de mesurer des équivalences. Au niveau de la programmatique, je ne pense pas qu’il y ait de grandes différences. C’est plus au niveau des possibilités d’inventaire que les choses varient.
Pour ce qui est des enjeux de simplicité, cela s’est beaucoup amélioré. Il est possible désormais d’acheter à travers les mêmes consoles numériques.
Mais il y a un point que j’aimerais souligner quand on parle de performance. Les gens vont regarder les chiffres… mais n’oublions pas toute la notion d’amour pour la marque. Lorsque l’on voit BMR affiché dans un environnement comme TVA ou La Presse+, même si les clics ou le taux d’impression ne sont pas les mêmes qu’ailleurs, le niveau d’attachement à la marque est de loin supérieur.
Par exemple, lorsque les gens voient la marque BMR associée à un gros succès comme La Voix, l’impact sur le rayonnement et l’attachement à notre marque est majeur. On rejoint directement le cœur de notre cible – les gens d’ici – à travers une tribune de chez nous.
Nous le voyons de façon nette lors de sondages qualitatifs en recherche marketing que nous faisons par la suite. Le niveau d’attachement augmente avec les médias locaux, et ce n’est pas toujours quelque chose que l’on voit dans Google Analytics.
Quelles ont été les réactions de l’industrie quand vous avez officialisé la nouvelle la semaine dernière ?
J.G. : Je dois avouer que dans ma carrière, j’ai rarement vu autant de messages privés positifs. On ne fait pas ça pour ça mais en deux jours, j’ai reçu un très grand nombre de messages d’encouragement et de félicitations dans ma boîte courriel. On sent que les Québécois vont être sensibles à ça dans les prochains mois.
Dominique Dubé : Les médias étrangers sont bien ancrés dans les directions marketing au Québec. On fait ce pari car on veut voir des alternatives numériques au pays, c’est une vraie vision d’innovation numérique. On n’a pas le choix aujourd’hui, en tant qu’annonceur, d’être responsable. Et je suis très fière de travailler dans une entreprise qui permet de le faire.
J.G. : L’industrie des médias souffre actuellement. Et ce n’est pas toujours car ils ont de mauvais produits mais c’est parfois plus facile de se tourner vers des solutions globales. On veut être clair cependant : les médias d’ici doivent s’engager à la performance. Cela doit aller dans les deux sens : on va injecter de l’argent localement mais les médias doivent aussi être au RDV.
Avez-vous vu justement une évolution des offres publicitaires numériques des médias locaux ? C’est un reproche qui leur est souvent attribué.
J.G. : Oui, elle est énorme. Je travaille dans le secteur depuis 2005 et je vois un rattrapage impressionnant depuis 3 ans. Très honnêtement, je n’aurais pas tenu ce discours en 2010. Mais en 2020, je suis très à l’aise de le faire et je ne mets pas du tout à risque la santé de l’entreprise. Je le fais car je suis convaincu qu’on a de très fortes chances d’y arriver.
Quand on voit les évolutions chez Québecor ou La Presse par exemple, on se dit que c’est le bon timing pour leur donner une deuxième chance. Ce n’est vraiment pas quelque chose qu’on a décidé en 48h, cela vient d’un ensemble de facteurs.
Vous parlez notamment de la nouvelle plateforme Le Guichet QID de Québecor ?
J.G. : Oui, cela a été un des agents déclencheurs. On a signé une entente avec eux car ce nouveau système est en effet très intéressant et on veut être un des premiers à l’utiliser.
On est en discussion avec des dirigeants de grands groupes médias. Ils nous demandent nos attentes, et on se rend disponible pour qu’ils développent leurs plateformes. Cela va nous aider mais aussi aider d’autres marchands. Les outils qui sortent vont vraiment dans le bon sens…
Pour aller plus loin sur ce sujet :
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